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Le peuple et l'art : cris ou silences (XIXe-XXIe s.) ?

Le peuple et l'art : cris ou silences (XIXe-XXIe s.) ?

Publié le par Marc Escola (Source : Sophie Mentzel)

Le peuple et l'art : cris ou silences (XIXe-XXIe siècles) ?

Journée d’études, le 27 novembre 2020- Université de Tours

 

La dernière saison théâtrale a représenté sur scène de façon concomitante deux images du peuple comme exclu de la culture, comme situé à la périphérie de toute démarche culturelle et artistique. Retour à Reims de Didier Eribon, mis en scène par Thomas Ostermeier, et Qui a tué mon père d’Edouard Louis mis en scène et interprété par Stanislas Nordey, donnent à voir un peuple marginalisé par rapport à la culture qui est pourtant représentée sur la scène. De même, le dernier lauréat du prix Goncourt, Nicolas Mathieu, dans Leurs enfants après eux, montre le caractère excluant de la culture par rapport au peuple. Si les écrivains et les artistes s’emparent du peuple et le transforment en un objet esthétique, quelle place le peuple occupe-t-il dans les pratiques culturelles et comment cette place a-t-elle évolué depuis le XIXème siècle et l’émergence du héros plébéien à l’époque romantique ? Les cris du peuple et ses revendications ont-ils désormais laissé place au silence ?

Les Majorités silencieuses de Jean Baudrillard, paru dix ans après mai 1968 et tributaire de la désillusion liée à cet événement, semble annoncer un tournant dans la perception du peuple et du populaire : n’ayant aucun attribut précis (ouvrières, paysannes, prolétaires), ces majorités silencieuses ne « sont ni bonnes conductrices du politique, ni bonnes conductrices du social, ni bonnes conductrices du sens en général. Tout les traverse, tout les aimante, mais s’y diffuse sans laisser de traces. … Elles ne rayonnent pas, au contraire elles absorbent tout le rayonnement des constellations périphériques de l’Etat, de l’Histoire, de la Culture, du Sens. Elles sont l’inertie, la puissance de l’inertie, la puissance du neutre. » Phénomène distinctif de l’époque contemporaine, elles seraient ainsi, selon Baudrillard, non seulement insaisissables pour toute pratique ou théorie traditionnelle mais également pour toute théorie et toute pratique tout court.

Ce texte manifeste de la fin du siècle dernier articule avec une grande netteté de trait un changement radical dans la pensée du peuple et du populaire, lesquels, échappant à une catégorisation en termes de classes ou de catégories sociales, deviennent progressivement l’angle mort des arts et des sciences humaines. La journée d’étude L’art et le peuple : cris ou silences (XIXe – XXIe siècles) ?, organisé par le département des ADS et l’EA 6297 Interactions culturelles et discursives de l’Université de Tours, se donne pour objectif de cerner les contours de ces notions à l’époque contemporaine à partir d’une analyse de l’évolution des pratiques culturelles dites « populaires ». La réflexion collective que nous souhaiterions engager pourrait suivre plusieurs pistes :

❖      la culture populaire et la culture de masse : une culture populaire est-elle compatible avec la culture de masse et l’industrie culturelle ?

❖      la culture populaire et les institutions : émanant des marges du champ social et culturel, la culture populaire peut-elle intégrer les circuits institutionnels sans perdre son altérité et/ou son potentiel subversif ? quelle visibilité la culture populaire a-t-elle dans les médias ? les lieux de culture financés avec l’argent public sont-ils ouverts aux milieux populaires ? dans quelle mesure les frontières entre la culture populaire et la culture d’élite sont-elles poreuses ? quelles sont les hybridations possibles ? qui jouent le rôle de passeurs ?

❖      la culture populaire et ses formes : existent-ils des genres ou des formes d’expression artistique qui pourraient être désignés comme populaires ? existent-ils des critères objectifs permettant de définir la culture populaire ou est-elle relative au contexte historique et une aire culturelle ?

❖      la culture populaire et la société numérique : l’accessibilité des plateformes de diffusion augmente-elle la visibilité de la culture populaire ? désacralise-t-elle la figure de l’artiste ?

Se voulant résolument transdisciplinaire et transséculaire, la journée d’étude L’art et le peuple : cris ou silences (XIXe – XXIe siècles) ? vise à réunir autour de la réflexion sur l’ensemble de ces sujets non seulement des spécialistes en littérature et en arts mais également des historiens, des philosophes, des chercheurs en sciences politiques et des sociologues.

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Propositions à envoyer avant le 30 juin 2020 conjointement aux deux adresses suivantes :

sophie.mentzel@univ-tours.fr

anna.krykun@univ-tours.fr