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La réinvention de l'humanité

La réinvention de l'humanité

Publié le par Marc Escola

À l’origine de l’anthropologie moderne se trouve un homme, Franz Boas, juif allemand né en 1858 qui émigra aux États-Unis et révolutionna les sciences humaines en apportant une base scientifique à ce qu’on appelle aujourd’hui le "relativisme culturel". Il consacra une grande partie de sa vie à l'étude des Inuits et des tribus indiennes de la côte Nord-Ouest des États-Unis, s’attacha à prouver que quelles que soient les différences de couleur de peau, de genre ou de coutumes, l’humanité est une et indivisible, et exerça une indéniable sur Claude Lévi-Strauss. Dans La Réinvention de l’humanité (Albin Michel), Charles King retrace le parcours de cet intellectuel en avance sur son temps et celui de ses élèves, tout aussi anticonformistes et visionnairesque lui, parmi lesquels Margaret Mead, Ruth Benedict, Ella Cara Deloria ou encore Zora Neale Hurston. Ensemble, ces hommes et ces femmes firent profondément évoluer le regard que nous portons sur l’humanité et démantelèrent les mécanismes à l’origine de la xénophobie et du racisme.

Outre de vastes collectes d’objets, Franz Boas s’est livré pendant des dizaines d’années à une pratique frénétique d’édition de textes indiens. Pour bien des raisons, notamment parce qu’il s’abstenait systématiquement de commenter les textes publiés, les laissant à nu sur des milliers de pages, cette entreprise est déroutante. Dans La Parole inouïe. Franz Boas et les textes indiens (Anacharsis), Camille Josef et Isabelle Kalinowski se proposent d’élucider ses méthodes de travail en se focalisant sur l’attention portée à la transcription puis à la traduction du matériau collecté : comment entendre, comprendre, transcrire et traduire des langues et récits de tradition orale ? Comment, au fond, s’est construit un vaste matériau ethnographique textuel et matériel – dont Claude Lévi-Strauss entre autres a su maintes fois tirer parti ? Autant de questions qui esquissent les contours d’une autre anthropologie possible.

Rappelons l'essai récent de Noémie Étienne, déjà salué par Fabula : Les Autres et les ancêtres. Les dioramas de Franz Boas et d’Arthur C. Parker à New York, 1900 (Les Presses du Réel, 2020), qui offrait une étude approfondie du dispositif d'exposition du diorama aux États-Unis au début du XXe siècle, lieu de création et de médiation des savoirs, mais aussi de construction politique de l'histoire, entre art, anthropologie et sciences naturelles. Fabula vous invite à (re)découvrir l'introduction de l'ouvrage… Et, toujours disponible au catalogue de la collection Champs-Flammarion, l'édition de l'Anthropologie amérindienne de Franz Boas établie en 2017 par C. Joseph et I. Kalinowski..