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La manipulation : droit, justice, société de l'Ancien Régime à nos jours

La manipulation : droit, justice, société de l'Ancien Régime à nos jours

Publié le par Marielle Macé (Source : Lucien Faggion)

« La manipulation : droit, justice, société de l'Ancien Régime à nos jours »

(Lucien Faggion – Christophe Regina)

L'inflation médiatique de ces dernières décennies, la diffusion massive de l'information et la diversification des façons d'y accéder, ont instauré au sein de nos sociétés contemporaines une visibilité plus grande sur autrui, une connaissance particulière des individus et, partant, une vigilance accrue des Hommes. La peur de la tromperie, le spectre de la manipulation et de la malversation sont d'autant plus fort aujourd'hui que les moyens de trahir son prochain, l'ordre et l'État sont multiples.

Pourtant, la malhonnêteté, la corruption, la dénonciation, la fraude ne sont pas propres au temps présent et caractérisent des pratiques fort anciennes. Toutes les sociétés sont ou ont été marquées et/ou compromises par l'usage du mensonge, à des titres divers, selon des justifications variables, qui constitue le substrat naturel sur lequel s'exerce la manipulation de son prochain.

La trahison et l'ensemble de ses déclinaisons laissent des traces dans chaque société qui tente, chacune avec leur originalité propre, de faire face à la question. Les tentatives de réponses à ces problèmes sont relayées aussi bien par la politique, la justice, les arts, la littérature ou la philosophie, qui essaient, à leur manière, de traduire la rupture de l'harmonie et de la confiance qui fédéraient jusqu'alors la communauté, la parenté, la conjugalité ou, plus simplement, la société.

Ce sont à ces temps de ruptures créées par la fraude, la tromperie et la manipulation que nous souhaitons nous intéresser.

S'il s'avère illusoire ou artificiel de faire la genèse de ces pratiques, défauts ou « vices» – quel que soit le terme utilisé à l'époque –, il est en revanche possible d'en circonscrire les dynamiques, aussi bien internes qu'externes, ainsi que les rouages, en adoptant des points de vue différenciés, variables, fondés sur plusieurs échelles d'évaluation, afin de comprendre comment la rupture du lien social impose des reconfigurations et des redéfinitions vis-à-vis du groupe ou de la communauté à laquelle appartient l'individu.

Sous l'Ancien Régime, les occasions de tromperies sont ainsi infinies : adultère, escroquerie, fraude, usure, subornation de témoins, prévarication traduisent, sans doute de façon minoritaire, des pratiques pourtant largement partagées et utilisées.

Trahir la confiance de son prochain, des autorités ou de Dieu, c'est faire le choix de systèmes et de voies parallèles qui mettent en lumière une forme d'ascendance, voire de puissance, par des moyens détournés et répréhensibles que la légalité cherche à définir et à redéfinir sur autrui. Manipuler son prochain permet au chercheur d'appréhender des logiques interrelationnelles, des systèmes de réponses qui peuvent être de nature religieuse, politique, juridique, économique et sociale : l'inventivité et l'opportunisme de celui qui a trompé rend manifeste des réponses légales et morales données par les autorités laïques et ecclésiastiques, la communauté et l'individu (ainsi que le groupe parental et social auquel celui-ci appartient), dégagent des discours, probablement complémentaires, qui justifient le fonctionnement d'une société et de la machine judiciaire, appelée à définir un tel acte et à le sanctionner ; ils rendent compte de codes de comportements précis tels que l'honneur, la promesse à tenir, la confiance à maintenir, la valeur accordée au mot qui engage plusieurs individus. L'histoire de la manipulation engage ainsi les chercheurs en sciences humaines et sociales à privilégier les sentiments, l'affection qui tissent des liens, parfois informels, entre les individus.

Aussi la malversation, la corruption et sa brûlante actualité invitent-elles les chercheurs à interroger un tel phénomène qui relève à la fois d'une pratique sociale et professionnelle, de l'éthique, de la morale et de l'ordre, qu'il soit politique et/ou social.

Afin de tenter l'approche d'un phénomène si flou et pourtant si décisif, un travail pluridisciplinaire conduit sur la longue durée s'avère nécessaire et permet de réfléchir sur les rapports particuliers qui fondent, en définitive, le lien social, toujours fragile et fluctuant, mais indispensable pour une communauté qui ne manque jamais de se définir à travers les infractions commises par ses membres. Aussi la vie sociale est-elle mise au jour par les délits ou crimes perpétrés, les solutions trouvées par les autorités officielles et les différents discours que les institutions peuvent provoquer auprès des plaignants, des inculpés, des témoins et de ceux qui sont appelés à intervenir pour rétablir un équilibre social.

Les propositions d'article (titre et résumé de 10 à 15 lignes) sont à adresser au comité d'organisation avant le 15 mai 2011.

Lucien Faggion : faggion@mmsh.univ-aix.fr

ou

Christophe Regina : christopheregina@gmail.com