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La chambre et les arts. L'intime au défi (Bordeaux)

La chambre et les arts. L'intime au défi (Bordeaux)

Publié le par Marc Escola (Source : Marie Escorne)

Journée d’étude 

Université Bordeaux Montaigne

Centre François-Georges Pariset / CLARE 

18 février 2020

Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, salle Jean Borde

 

Dans la culture occidentale, la chambre est un espace clos, généralement intégré à un ensemble de plus grandes dimensions (la maison, l’hôtel, la cité universitaire, l’hôpital…). Cet effet gigogne fait d’elle un lieu particulièrement lié à l’« intime », dont l’étymologie renvoie au superlatif d’interior : plus intérieur que l’intérieur. Ce qui se passe dans la chambre est en effet à l’abri des regards et du monde dont le sujet semble s’extraire lorsqu’il se retire dans cette pièce. Les usages de la chambre (lieu du sommeil, de la sexualité, de la convalescence) renforcent le lien avec l’intime et l’intériorité. Comme les profondeurs du psychisme, la chambre se révèle ainsi, de prime abord, tel un antre que seuls quelques privilégiés peuvent pénétrer. 

La chambre apparaît de manière récurrente dans les mises en scène de l’intimité par les artistes habituellement affiliés à la tendance des « mythologies individuelles » (Nan Goldin, Sophie Calle, Pierrick Sorin…). Issue de l’existant ou créée de toutes pièces, la chambre comme environnement, à commencer par Bedroom Ensemble de Claes Oldenburg (1963), se fait aussi espace dialectique, bousculant les représentations sensorielles et psychiques que nous nous faisons de l’intime. Enfin, lorsqu’elle devient espace d’exposition, la chambre met en péril le concept moderniste du white cube, qui se voudrait neutre et épuré, pour situer l’art au cœur de la création dans sa dimension individuelle et singulière. Depuis les années 1960, les artistes se sont donc emparés du territoire de la chambre. En quelles mesures en ont-ils redessiné les bornes, faisant de ce lieu du repli un espace public, de surcroît un laboratoire d’étude privilégié de l’évolution de nos comportements sociaux ? La chambre ne constituerait-elle pas une figure de référence dès lors qu’il s’agit de questionner les contradictions de l’intime ? 

Excluant a priori d’autres définitions (la chambre au sens d’un dispositif technique, comme la chambre noire, ou au sens plus large d’une salle pouvant accueillir des réunions, etc.), la journée d’étude que nous organisons propose d’envisager avant tout la chambre à coucher, en tant qu’espace sensible étroitement associé à l’histoire de l’intimité. 

Cette journée s’adosse à l’un des programmes de l’épreuve d’histoire de l’art de l’agrégation d’Arts plastiques portant, depuis la session 2019 et jusqu’en 2021, sur « l’intime dans l’art des années 1960 à nos jours ». La chambre dépasse cependant le domaine des arts plastiques et se voit fréquemment représentée, déplacée, investie, déformée, recréée à travers différents médiums et différentes expressions artistiques (cinéma, théâtre, design, architecture…) qui auront leur place dans la journée d’étude. Il s’agira ainsi d’interroger, dans une triple perspective historique, culturelle et artistique, les formes, les dispositifs et les stratégies auxquels les arts ont recours pour faire écho à la dualité de l’intime. Entre repli et partage, à l’heure des réseaux sociaux, la chambre est-elle encore le territoire privilégié de l’intime ? Afin d’interroger cette proposition les contributions pourront s’inscrire dans les axes de réflexion suivants :

La chambre, lieu de la construction de soi

La chambre apparaît souvent comme le reflet de son occupant : la disposition, les objets que l’on choisit d’y conserver, les images affichées, témoignent des goûts et éventuellement du caractère d’un individu. Les installations des époux Kabakov et les photographies de John Thrackway, par exemple, explorent ce lien de manières très différentes.

Le thème de la chambre se prête à un questionnement sur l’identité sexuelle ou sur le genre. Peut-on en conclure qu’il y a des enjeux particuliers pour les femmes, mais aussi pour les minorités, dans la réflexion sur cet espace ?

On pourra enfin s’interroger sur la place des chambres dans le parcours et la mémoire d’un individu, un aspect en particulier exploré par Rachel Whiteread, Heidi Bucher ou encore Armelle Caron.

La chambre, espace d’exposition

Quelles expériences singulières les artistes provoquent-ils lorsqu’ils transforment, à l’exemple de Jeremy Deller (Open Bedroom, 1993), leur chambre en lieu d’exposition alternatif ?  

La chambre envisagée comme une œuvre d’art « totale » pourra aussi être abordée : pensons à la recréation de la chambre de 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrik par Simon Birch et Paul Kember (The Barmecide Feast, 2016) et aux projets utopistes de Joep van Lieshout.   

Cet axe permet en outre de questionner la relation du collectionneur à cet espace particulier (par exemple, la reconstitution de la chambre de Ghislain Mollet-Viéville au Mamco de Genève).

La chambre, espace relationnel ?

Le fait que la chambre soit un espace clos, délimité, normalement réservé à un ou deux individus, lui donne un aspect mystérieux qui suscite la curiosité et l’indiscrétion. Mais le caractère confiné de la chambre est aussi une contrainte qui s’avère parfois créatrice. La Chambre de Chantal Akerman (1972) ou l’adaptation d’Un homme qui dort de Georges Pérec par Bruno Queysanne (1974) pourraient ici être évoqués. 

On peut citer les artistes qui ouvrenta contrarioleurs chambres, celles-ci devenant de véritables espaces « relationnels » : c’est le cas de Sophie Calle avec Les Dormeurs (1979) ou Chambre avec vue (2003) et plus récemment Caroline Newton avec A Bedroom For Strangers (2018). 

Regard sur des chambres impersonnelles

Cette piste de réflexion propose d’envisager des lieux plus impersonnels, tels que les chambres d’hôpital, les chambres d’hôtel ou encore les chambres universitaires, qu’il serait possible de rapprocher de la définition que Marc Augé donne des « non-lieux ». Ces chambres sont cependant liées à un imaginaire particulier, perceptible à travers de nombreux films mais aussi des installations comme Motel Room de Georges Segal (1967) ou les œuvres de Chiharu Shiota (Flowing Water, 2009, Flow of Life, 2017). 

On pourra analyser ici des installations fonctionnant comme des chambres d’hôtel (Étienne Boulanger, Single Room Hotel, 2007, Tatzu Nishi, Villa Victoria, Liverpool, 2002).  

Des enjeux politiques apparaissent enfin lorsque des artistes s’intéressent par exemple aux chambres dans les hôpitaux psychiatriques ou les centres de détention (Raymond Depardon, Grégoire Korganow).

*

Les communications ne devront pas excéder 30 minutes. La journée d’étude se veut pluridisciplinaire. Elle est ouverte aux jeunes chercheurs et chercheurs confirmés. 

Merci d’envoyer votre proposition de contribution (500 mots), accompagnée d’un titre et de 5 mots clés, ainsi qu’une courte biographie aux organisatrices de la journée d’étude :

Marie Escorne (Université Bordeaux Montaigne, CLARE / ARTES) : marie.escorne@u-bordeaux-montaigne.fr

Myriam Metayer (Université Bordeaux Montaigne, Centre François-Georges Pariset) : myriam.metayer@u-bordeaux-montaigne.fr

Date limite d’envoi des propositions : 10 septembre 2019

Date de réponse : mi-octobre 2019.