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La bédéphilie depuis les années 60 : sous-culture et culture partagée (Angoulême)

La bédéphilie depuis les années 60 : sous-culture et culture partagée (Angoulême)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Jean-Paul Gabilliet)

(english version below)

 

Appel à communications – Colloque international MEDIABD 2019

La bédéphilie depuis les années 60 : sous-culture et culture partagée

Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image,

Angoulême, 26-28 juin 2019 - Auditorium du musée

 

Au sein de la diversité de problématiques autour de l’objet bande dessinée, la bédéphilie apparaît comme un domaine encore peu exploré. L’histoire culturelle a commencé à problématiser, via des études de cas, les objets que constituent les diverses formes de « philies », dont les trois archétypes nés au XXe siècle se sont constitués autour du jazz, du cinéma et de la bande dessinée (Ory, 2012). Le terme même de « bédéphilie » s’avère d’un maniement délicat. Outre son absence des dictionnaires Larousse et Petit Robert (qui pourtant attestent l’existence de « bédéphile » respectivement depuis 1989 et 1993), il donne lieu à concurrence entre trois définitions : soit une acception étroite ne désignant que les pratiques d’amateurs-connaisseurs-fanatiques (Gabilliet, 2016) — on est alors dans le domaine des fan studies ; soit l’ensemble des mécanismes qui ont contribué en 50 ans à faire de la bande dessinée un objet de pratiques culturelles largement partagées dans la population ; soit, un synonyme des systèmes de valeurs permettant de construire des discours de jugement esthétique sur la bande dessinée (Baudry, 2012).

Certaines notions connexes ont déjà fait l’objet de balisages initiaux : les « classiques » (Georgeard, 2011), le canon (Morgan, 2011), « l’âge d’or » (Gabilliet, 2017). Sylvain Lesage a analysé quel impact avait eu sur les pratiques culturelles le déplacement de la bande dessinée du support revue vers le support livre dans l’aire franco-belge (Lesage, 2018). Du côté nord-américain, où « bédéphilie » n’a pas d’équivalent exact, c’est surtout la notion de fandom qui a été mise en avant, particulièrement au travers de l‘observation des fans (Pustz, 2000 ; Bolling & Smith, 2014) et de l’histoire des premiers fanzines dans les années 50 et 60 (Schelly, 1999) ; à une date plus récente, Bart Beaty et Benjamin Woo se sont intéressés aux systèmes de valeur parallèles et parfois mutuellement concurrentiels qui sous-tendent la bédéphilie contemporaine (Beaty et Woo, 2016).

L’ambition de ce colloque est de procéder à une première exploration, diachronique et synchronique, de la diversité des instances qui ont contribué à faire de la bande dessinée un objet d’intérêt, de savoir, d’analyse depuis la seconde moitié du XXe siècle et lui ont permis de la sorte de s’extraire des contraintes de toutes natures (idéologiques, économiques, esthétiques) qui en faisaient un objet de consommation culturelle a priori pour les enfants, les « jeunes » et, au sens large, les individus considérés comme les moins bien dotés en capital culturel. On s’intéressera moins au processus de légitimation de la bande dessinée, lequel est toujours inachevé depuis le bouillonnement des années 60-70 (Boltanski, 1975 ; Maigret, 1994 ; Heinich, 2017), qu’aux mécanismes de toutes sortes qui l’alimentent.

Il n’est pas question de remettre en cause ce que fut l’impact à court, moyen et long terme des mouvements bédéphiles militants qui se constituèrent dans les années 60, mais de les considérer, avec tout le respect qui leur est dû, comme l’arbre qui cache une forêt d’angles d’approche rétrospectifs tels que :

-       les lecteurs, dans la diversité de pratiques dépassant la « simple » lecture ;

-       les auteurs et éditeurs de bande dessinée, comme producteurs de discours légitimants sur leur propre média ;

-       les acteurs culturels généralistes, tels que la presse quotidienne, la radio, la télévision, avant et après l’irruption d’Internet ;

-       les pédagogues avec la progressive entrée de la bande dessinée dans l’univers scolaire à partir des années 60-70 ;

-       le monde des bibliothèques et de la lecture ;

-       les modes de publication (émergence de l’album, éditions patrimoniales) ;

-       la légitimation induite par les représentations de la bande dessinée dans d’autres objets culturels (cinéma, littérature) et par les discours afférents ;

-       les acteurs publics faisant accéder la bande dessinée au répertoire des pratiques culturelles susceptibles de mobiliser des publics élargis et diversifiés dans des musées, festivals, salons, rencontres, etc. ;

-       les acteurs politiques — tantôt censeurs tantôt promoteurs d’un moyen d’expression dont l’accession à la sphère de la culture (au sens du ministère du même nom) fut un processus long et tortueux ;

-       les acteurs économiques privés : librairies, salle des ventes, galeries ;

-       la bédéphilie construite autour des webcomics ;

-       les circulations transnationales effectives des bandes dessinées et la création de mythes afférents.

On s’intéressera également aux déterminations observables dans les pratiques et mécanismes de la bédéphilie à partir des classes d’âge (« la bande dessinée : culture jeune »…), des différences d’implication entre hommes et femmes, des identités minoritaires, etc.

L’aire culturelle francophone est ici la première concernée. Mais des propositions sur d’autres aires (anglophone, japonaise et autres) seront les bienvenues.

Les communications seront présentées en français ou en anglais. Le colloque aura lieu à l'auditorium du musée.

 

Propositions de 300 mots maximum et notice biographique de 100 mots en français ou anglais à adresser à :

- Jean-Paul Gabilliet

- Nicolas Labarre

14 octobre 2018 : Date limite d’envoi des propositions de communication

Merci d’adresser vos questions à Jean-Paul Gabilliet jpg@u-bordeaux-montaigne.fr.

 

Ce colloque s’inscrit dans le projet de recherche MEDIABD (2017-2020) financé par le Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine. Il est co-organisé par les équipes CLIMAS (U. Bordeaux Montaigne), MICA (U. Bordeaux Montaigne), L3i (U. de La Rochelle), la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image et l’Ecole Européenne Supérieure de l’Image.

 

Bibliographie indicative

Baudry, Julien (2012), « Saint-Ogan et les grands enfants : la place de l'oeuvre d'Alain Saint-Ogan dans le discours historique de la SOCERLID », Comicalités [En ligne], URL : http://comicalites.revues.org/578.

Beaty, Bart & Woo, Benjamin (2016), The Greatest Comic Book of All Time: Symbolic Capital and the Field of American Comic Books (NY : Palgrave/Macmillan).

Boltanski, Luc (1975), « La constitution du champ de la bande dessinée », Actes de la recherche en sciences sociales,1975, 1.1, p. 37-59.

Bolling, Ben &‎ Smith, Matthew J., ed. (2014), It Happens at Comic-Con: Ethnographic Essays on a Pop Culture Phenomenon (Jefferson, NC : McFarland).

Gabilliet, Jean-Paul (2016), « Reading facsimile reproductions of original artwork: the comics fan as connoisseur », Image [&] Narrative : Online Magazine of the Visual Narrative 17.4, 2016. URL : http://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/1318.

---- (2017), « “Âge d’or de la bd” et “golden age of comics” : comparaison des notions fondatrices de la bédéphilie en France et aux Etats-Unis », Le Temps des médias. Revue d’histoire 27 (Automne-Hiver 2016/2017), p. 139-151.

Georgeard, Frank-Michel (2011), « Le classique en bande dessinée », Comicalités [En ligne], 6/07/2011, URL : http://comicalites.revues.org/296.

Heinich, Nathalie (2017), « L’artification de la bande dessinée », Le Débat 195, p. 5-9.

Lesage, Sylvain (2018), Publier la bande dessinée : Les éditeurs franco-belges et l'album, 1950-1990 (Lyon : Presses de l’ENSSIB).

Maigret, Eric (1994), « La reconnaissance en demi-teinte de la bande dessinée », Réseaux, 1994, 12.67, p. 113-140.

Morgan, Harry (2011), « Y a-t-il un canon des littératures dessinées ? », Comicalités [En ligne], 5/10/2011, URL : http://comicalites.revues.org/620.

Ory, Pascal (2012), « Pour une enquête pluridisciplinaire sur l'histoire de la légitimation artistique », Sociétés & Représentations, 2/2012 (n° 34), p. 149-151.

Pustz, Matthew J. (2000), Comic Book Culture: Fanboys and True Believers (Jackson, MS : University Press of Mississippi, 2000)

Schelly, Bill (1999), The Golden Age of Comic Fandom revised edition (Seattle : Hamster Press).

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Call for Papers – International MEDIABD conference, 2019

 

Bedephilia since the 1960s : sub-culture and shared culture

Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image, Angoulême 

June 26-28, 2019 - Auditorium du musée

 

Bédéphilie, a term with no accurate equivalent in English except the little-used bedephilia, is still under-documented in comic art studies. Cultural history has started looking into the main types of “philias”—about jazz, film, and comics—that appeared in the 20th century (Ory, 2012). The word bédéphilie is problematic in itself. Not only is it absent from mainstream French dictionaries (although they acknowledge the noun/adjective “bédéphile”) but its definition is threefold: the narrowest meaning refers to the practices of amateurs/connoisseurs/fans (Gabilliet, 2016) and ties into fan studies; a wider acceptation refers to the various social, economic, cultural, etc. mechanisms which have turned comics into an object of cultural practices that have become widespread in the public in the last half-century; the final, broadest sense refers to the value system(s) that shape aesthetic value judgments on comics (Baudry, 2012).

Some close notions have already undergone at least preliminary scrutiny: the “classics” (Georgeard, 2011), the canon (Morgan, 2011), the “golden age” (Gabilliet, 2017). Sylvain Lesage has analyzed the impact upon cultural practices of the shift from pamphlets to books in the French comics industry in the second half of the 20th century (Lesage, 2018). In the field of North American scholarship, the topics that have mostly attracted attention so far are the fandom, through the ethnographic observation of fans (Pustz, 2000; Bolling & Smith, 2014) and the history of the 1950s and 1960s early fanzines and cons (Schelly, 1999). More recently Bart Beaty and Benjamin Woo looked into the simultaneous and sometimes contradictory value systems that underlie contemporary fan practices (Beaty & Woo, 2016).

The goal of this conference is to conduct diachronic and synchronic probes into the various mechanisms and processes that have:

-       transformed comics into an object of lay and scholarly interest, knowledge, and analysis since the second half of the 20th century;

-       enabled comics to break free from the ideological, economic, aesthetic constraints that made it a cultural commodity for children, “young” readers, and the individuals supposedly endowed with low cultural capital.

The conference will focus less on the legitimization of comics per se, which is still uncompleted to this day (Boltanski, 1975; Maigret, 1994; Heinich, 2017), than on the diverse mechanisms that actuate legitimizing processes.

Rather than reevaluating the short-, medium-, and long-term impacts of the Sixties’ comics fandom activists, our starting point will be to regard them, with all due respect, as the trees that still conceal a forest of analytical angles:

-       readers, especially from the perspective of practices that transcend « reading » in its literal meaning;

-       comics creators and publishers as producers of legitimation discourses about their chosen medium;

-       mainstream cultural actors, such as newspapers, radio, television, before and after the advent of the Web;

-       educators as agents of the penetration of comics into schools and K-12 curricula since the 1960s;

-       libraries and librarians;

-       publishing as formatting and re-formatting contents (from floppies to paperbacks to hardbacks, the reprinting of « classics », etc.);

-       legitimizing comics by featuring them in other media (film, novel);

-       public actors that include comics in the range of cultural practices likely to attract wide audiences into museums, conventions, fairs, roundtable panels, etc.;

-       private economic actors : bookstores, auction houses, art galleries;

-       webcomics bedephilia;

-       transnational flows of comics and cross-cultural discourses of appreciation (French philia of US comics, Anglo-American philia of BD, etc.).

We will also welcome proposals addressing bédéphilie practices and mechanisms as determined by age (« Comics aren’t for kids anymore… »), gender, cultural identities, etc.

We also look forward to receiving submissions dealing with non-Francophone cultural areas.

Papers will be delivered in either French or English.

Please submit proposals in English or French (including the author’s name/title, institutional affiliation, e-mail address, presentation title and 300-word abstract, along with 100-word bio) to:

- Jean-Paul Gabilliet <jpg@u-bordeaux-montaigne.fr>

- Nicolas Labarre <nicolas.labarre@u-bordeaux-montaigne.fr>

Deadline for submissions: October 14, 2018.

Please email all questions to Jean-Paul Gabilliet jpg@u-bordeaux-montaigne.fr.

The conference is part of the MEDIABD research project (2017-2020) funded by Conseil Général de Nouvelle-Aquitaine. It is co-organized by CLIMAS (Université Bordeaux Montaigne), MICA (Université Bordeaux Montaigne), L3i (Université de La Rochelle), the Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image, and the Ecole Européenne Supérieure de l’Image.

 

Works cited

Baudry, Julien (2012), « Saint-Ogan et les grands enfants : la place de l'oeuvre d'Alain Saint-Ogan dans le discours historique de la SOCERLID », Comicalités [En ligne], URL : http://comicalites.revues.org/578.

Beaty, Bart & Woo, Benjamin (2016), The Greatest Comic Book of All Time: Symbolic Capital and the Field of American Comic Books (NY : Palgrave/Macmillan).

Boltanski, Luc (1975), « La constitution du champ de la bande dessinée », Actes de la recherche en sciences sociales,1975, 1.1, p. 37-59.

Bolling, Ben &‎ Smith, Matthew J., ed. (2014), It Happens at Comic-Con: Ethnographic Essays on a Pop Culture Phenomenon (Jefferson, NC : McFarland).

Gabilliet, Jean-Paul (2016), « Reading facsimile reproductions of original artwork: the comics fan as connoisseur », Image [&] Narrative : Online Magazine of the Visual Narrative 17.4, 2016. http://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/1318.

---- (2017), « “Âge d’or de la bd” et “golden age of comics” : comparaison des notions fondatrices de la bédéphilie en France et aux Etats-Unis », Le Temps des médias. Revue d’histoire 27 (Automne-Hiver 2016/2017), p. 139-151.

Georgeard, Frank-Michel (2011), « Le classique en bande dessinée », Comicalités [En ligne], 6/07/2011, URL : http://comicalites.revues.org/296.

Heinich, Nathalie (2017), « L’artification de la bande dessinée », Le Débat 195, p. 5-9.

Lesage, Sylvain (2018), Publier la bande dessinée : Les éditeurs franco-belges et l'album, 1950-1990 (Lyon : Presses de l’ENSSIB).

Maigret, Eric (1994), « La reconnaissance en demi-teinte de la bande dessinée », Réseaux, 1994, 12.67, p. 113-140.

Morgan, Harry (2011), « Y a-t-il un canon des littératures dessinées ? », Comicalités [En ligne], 5/10/2011, URL : http://comicalites.revues.org/620.

Ory, Pascal (2012), « Pour une enquête pluridisciplinaire sur l'histoire de la légitimation artistique », Sociétés & Représentations, 2/2012 (n° 34), p. 149-151.

Pustz, Matthew J. (2000), Comic Book Culture: Fanboys and True Believers (Jackson, MS : University Press of Mississippi, 2000)

Schelly, Bill (1999), The Golden Age of Comic Fandom revised edition (Seattle : Hamster Press).