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Espace scénique, espace marionnettique : enjeux d'une interaction

Espace scénique, espace marionnettique : enjeux d'une interaction

Publié le par Marion Moreau (Source : Sandrine Le Pors)

Espace scénique, espace marionnettique : enjeux d'une interaction Colloque des 17-18-19 mars 2011 UNIVERSITE DE STRASBOURG ET T.J.P. – CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL D'ALSACE
Inscrit dans la ligne de recherche « Textes, scènes et monde » de l'E.A. 3402 de l'U.F.R. des Arts, le colloque réunira enseignant(e)s-chercheur(e)s et praticien(ne)s, pour inaugurer le Festival International des Giboulées de la Marionnette de 2011. Il s'agira d'étudier les enjeux d'interactions entre un espace scénique et un espace marionnettique, à partir de spectacles conçus en salle ou dans la rue, et de textes destinés à l'objet ou la marionnette – à l'intention de tous les publics. Seraient envisagés, en premier lieu, des espaces proprement marionnettiques, au sens où ils s'adaptent à leurs dimensions, et leur donnent une place ou une « focale » centrales. Il pourrait également s'agir d'analyser comment ces espaces servent à leur manipulation, et en quoi celle-ci informe leur mode d'existence scénique, que la perspective soit, ou non, celle de l'illusion réaliste. Une deuxième piste s'orienterait sur la question du castelet, que celui-ci se trouve unique ou qu'il se démultiplie sur le plateau, qu'il reste fixe ou qu'il puisse se transformer, et enfin qu'il constitue un espace fermé ou ouvert, lorsque l'objet ou la marionnette peuvent en sortir librement. Il serait, autrement dit, question aussi bien d'un usage traditionnel du castelet que de sa réinvention ou de sa subversion. Un troisième et dernier point interrogerait des pratiques sans castelet, valorisant autrement la « triangulation » entre manipulateur, marionnette et spectateur, par l'intermédiaire de dispositifs divers et variés. L'attention serait notamment portée aux espaces à la fois scénique et marionnettique, pensés en fonction des marionnettes comme des manipulateurs ou des comédiens.
Comité scientifique :
Guy DUCREY (PR, Littérature comparée, Strasbourg), Emmanuelle EBEL (ATER, Arts du spectacle, Strasbourg), Amos FERGOMBÉ (PR, Arts du spectacle, Arras), Françoise HEULOT (MC, Arts du spectacle, Arras), Geneviève JOLLY (MC HDR, Arts du spectacle, Strasbourg), Germain ROESZ (PR, Arts visuels, Strasbourg), et Armelle TALBOT (MC, Arts du spectacle, Strasbourg).
Coordination :
Emmanuelle Ebel (eebel@unistra.fr) et Geneviève Jolly (jollyg@club-internet.fr).

Adressées aux coordinatrices, avant le 30 septembre 2010, en indiquant en objet le terme d'« espace », les propositions de 3000 signes comporteront une brève et récente bibliographie. Seront privilégiées la diversité des champs d'interventions, et la parité entre chercheur(e)s et artistes. Une présentation détaillée des axes de recherche figure dans les pages suivantes.

Présentation détaillée des axes de recherche

Ce colloque s'inscrit dans l'un des axes de recherche de l'Equipe d'Accueil 3402 (Approches Contemporaines de la Création et de la Réflexion Artistiques) de l'U.F.R. des Arts de l'Université de Strasbourg : « Textes, scènes et monde », et la réflexion s'orientera plus précisément sur l'espace scénique et /ou marionnettique. Il s'agit non seulement de donner suite aux « Etats généraux de la marionnette (I) » de Strasbourg en 2008, mais également à diverses publications sur les liens entre scénographie et mise en scène, pour acteurs ou pour marionnettes. Ce colloque a en outre la volonté de prolonger l'actualité scientifique des manifestations organisées par T.H.E.M.A.A., en 2008, 2009 et 2010, mais encore celle du colloque « Corps vivant / corps marionnettique : enjeux d'une interaction » de l'Université d'Artois en 2010. C'est la raison pour laquelle le Département des Arts du spectacle et le Théâtre Jeune Public – C.D.N. d'Alsace organisent une manifestation associant enseignant(e)s-chercheur(e)s et praticien(ne)s de la marionnette, pour l'inauguration du Festival International des Giboulées de la Marionnette de 2011.
Espaces propres à la manipulation de l'objet ou de la marionnette
Rappelons-le, une marionnette a pour spécificité de constituer, et cela quelles que soient sa facture ou sa taille, un objet inerte auquel un marionnettiste donne vie. Aussi anthropomorphique que puisse être son apparence – mais ce n'est pas toujours le cas, précisément –, elle a besoin d'être manipulée et regardée lors de cette mise en mouvement, pour acquérir le statut d'un personnage de fiction théâtrale, cette fois quel que soit le lieu du spectacle. Lorsqu'elle se trouve manipulée dans un espace spécifique – qui n'est pas, à l'origine, le plateau des acteurs –, la marionnette détient à elle seule le pouvoir de captiver ou de capturer l'attention d'un spectateur. Ce pouvoir vient d'abord du fait que sa manipulation devient « magique », lorsque le marionnettiste reste invisible, en étant caché, masqué ou situé dans la pénombre. Il peut aussi venir, selon les traditions de différents pays du monde, de sa place centrale à l'intérieur d'un castelet qui l'isole par rapport à un plateau de théâtre, aussi bien que sur une place publique. Dans ce cas-là, le pantin possède un espace de jeu propre, dans un univers fictionnel généralement proportionné à sa taille, et visuellement cohérent avec le personnage incarné, ce qui accroît le principe de l'illusion. La scénographie se travaille alors dans la miniature, et, même si elle fonctionne comme pour un théâtre d'acteurs, avec un décor et des accessoires, elle se doit de prendre en compte le fonctionnement ou la mobilité de la marionnette. On pourrait pour cette raison interroger en tant que telle la question de la manipulation, ou les modalités d'existence scénique de la marionnette, car selon le nombre de ses points d'articulation, celle-ci ne réalise pas les mêmes mouvements, et ne produit pas le même effet d'identification. Ainsi, une marionnette à gaine chinoise ou une marionnette à fils s'animent de façon plus beaucoup plus réaliste qu'une poupée à gaine lyonnaise, une marionnette-totem ou un simple objet. Les possibilités d'usage de la bande ou même la circulation entre elles des figures – et par conséquent leurs moyens d'investir un espace de jeu –, ne sont pas aussi simples dans le second cas que dans le premier. Or, il peut s'avérer intéressant de transgresser les règles, en jouant avec le principe d'une manipulation plus ou moins réaliste ou virtuose, pour créer un autre rapport à l'espace fictionnel de la marionnette.
Utilisation, réinvention ou subversion du castelet
Les praticiens et les auteurs se consacrant à l'objet ou à la marionnette peuvent encore jouer avec le castelet ou n'importe quel dispositif proposant un « cadre », et servant à centrer autrement le regard sur la poupée. Par exemple, lorsqu'on fait ponctuellement sortir les marionnettes du castelet ou du « cadre », ou que l'on en multiplie le nombre à plusieurs endroits du plateau. On pourrait également songer à un castelet à transformations, soit démontable et remontable au cours d'une mise en scène, soit doté de plusieurs « cadres » à ouvrir et à fermer selon les besoins. Sachant qu'une pluralité d'espaces marionnettiques permet de faire coexister des poupées de taille ou de facture différentes, voire plusieurs modes de manipulation, ce qui peut transformer le rapport à un espace à la fois fictionnel et scénique. Se voit alors mise en question la réception du spectateur. D'une part, parce la multiplication de lieux d'apparition de la marionnette, voire la transformation de la taille ou du mode de manipulation, au sein d'une mise en scène, l'obligent à « adapter » ou à accommoder son regard. D'autre part, parce que le fait d'être confronté à plusieurs régimes de représentation – par exemple, le jeu de la marionnette dans et hors du castelet, ou la transformation d'un castelet devenant à son tour un objet marionnettique – ne le place pas, selon les cas, dans le même registre d'activité spectatrice. Ce type de représentation offrirait le moyen de rendre actif l'imaginaire du public, par les moyens propres du théâtre de marionnettes. Il serait tout aussi pertinent de tenter de faire le point sur ce castelet par exemple réimposé par Antoine Vitez, afin de montrer que, loin de figer les pratiques marionnettiques, il a permis de les renouveler en suscitant des stratégies destinées à le transformer ou à le subvertir. Au Théâtre National de Chaillot, le mythique castelet de Yannis Kokkos associait trois espaces de jeu pour des marionnettes à gaine lyonnaise, et deux coursives latérales pouvant laisser place à des acteurs. Celui de Jean-Baptiste Manessier, ayant remplacé ce premier castelet à la demande des marionnettistes, offrait deux espaces de jeu situés l'un au-dessous de l'autre, lesquels permettaient de passer de la poupée à gaine lyonnaise à la marionnette à gaine chinoise. Or, il existe désormais quantité de manières ou de dispositifs permettant de déjouer ou de défier les contraintes d'un castelet, ou les traces de ce qu'il peut aujourd'hui en subsister.
Quels espaces scéniques et marionnettiques, en l'absence de castelet ?
La scène contemporaine – mais on peut là encore songer aux textes destinés à l'objet ou à la marionnette – s'oriente majoritairement vers la suppression du castelet, et valorise par conséquent le principe de la « triangulation » entre manipulateur, marionnette et spectateur par le biais de dispositifs divers. Par exemple, en adaptant la taille de la poupée à l'espace de jeu qu'elle doit occuper, qu'il s'agisse d'un plateau ou bien de la rue : avec une maquette miniature transportable, faisant des marionnettistes des géants ne focalisant plus le regard ; ou bien avec des figures ayant la même taille que les marionnettistes. Il peut également s'agir de travailler au retrait de manipulateurs à vue, avec le port de costumes neutres et semblables pour tous les marionnettistes, ou avec le gigantisme des poupées de la scène ou des « machines » de la rue, gommant alors leur présence. Les artistes peuvent aussi matérialiser un espace de jeu strictement associé à une poupée donnée, au cours d'un spectacle : par exemple, une zone localisée par l'éclairage ou par une architecture ou par des accessoires. Mais on peut encore situer cet espace sur une partie du corps du manipulateur, ou bien « greffer » la marionnette sur un comédien devenant alors l'espace mouvant de l'évolution de la marionnette – une sorte de castelet vivant. En l'absence d'espace spécifique, d'autres principes de focale peuvent se créer par un éclairage isolant la poupée pendant le temps de son animation, par la construction sur la scène de ce qui va ensuite devenir une marionnette, ou par l'effet de grossissement qu'offre le recours à la projection vidéo, pour faire exister une animation d'objets ou de figurines. On peut enfin assumer la confrontation de la marionnette, du manipulateur voire de l'acteur, et proposer un espace conçu à l'échelle de manipulateurs à vue, et d'acteurs interprétant des personnages en chair et en os. Outre la coexistence de différents régimes de représentation au sein d'un spectacle, cette confrontation pose autrement la question de la scénographie, parce qu'il faut trouver le moyen de faire exister la marionnette. Ainsi, certains plateaux se « castelisent », et deviennent des théâtres de marionnettes géants, quelle que soit la taille de celles-ci d'ailleurs. La scénographie mise au service des comédiens comme des marionnettes doit tenir compte, pour ces dernières, de leur mode d'apparition et de disparition, de leur manipulation ou de leur mobilité, et du regard que le public doit porter sur elles, ce qui offre le moyen de repenser l'espace scénique.