Essai
Nouvelle parution
D. Cohen, La nature du peuple. Les formes de l'imaginaire social (XVIIIe-XXIe s.)

D. Cohen, La nature du peuple. Les formes de l'imaginaire social (XVIIIe-XXIe s.)

Publié le par Marc Escola

La nature du peuple.

Les formes de l'imaginaire social (XVIIIe-XXIe s.)

Déborah Cohen

Paru le : 10/03/2010
Editeur : Champ Vallon
Collection : La chose publique
ISBN : 978-2-87673-526-2
EAN : 9782876735262
Nb. de pages : 441 pages

Prix éditeur : 27,00€

C'est du fourmillement des archives judiciaires qu'est né ce livre; grâce à l'analyse minutieuse de cette matière concrète, formidablement vivante, l'auteur nous permet de comprendre comment les catégories populaires du mile siècle français se sont pensées comme groupe et comment les individus populaires ont construit une image d'eux-mêmes, jusque dans leur rapport le plus intime à leur trajectoire, à leur quotidien et à leur corps.

Leur parole dit le sentiment d'indignité, tel Damiens, régicide inaccompli, à qui son juge demandait s'il n'avait pas souhaité parler au roi, et qui répondait " que non, que ce n'est pas un homme de son espèce qui ira parler au Roi ". Parfois aussi, du fond du mépris dans lequel on les tient, des hommes du peuple disent haut et fort leur envie de liberté, leur défense des règles traditionnelles contre la volonté de contrôle des institutions.

Mais la manière dont les classes populaires se pensent et se vivent dépend de la manière dont elles sont pensées et parlées par les élites, qui ont le pouvoir de définir les places et les parts. La Nature du peuple est donc également une histoire intellectuelle des types de discours et de porteurs du discours sur les catégories sociales. A un discours naturalisant, qui fait des catégories sociales des essences immuables déterminant les comportements individuels, se substitue peu à peu, dans la seconde partie du siècle, un nouveau discours sur la société en général et sur le peuple en particulier qui fait place à un goût du fait et de l'observation.

L'analyse participe ainsi de l'écriture d'une protohistoire des sciences sociales, certes non constituées en discipline, mais dont les méthodes s'amorcent timidement et qui sont ici étudiées dans les discours académiques, dans la littérature moralisante et dans les textes de l'économie politique naissante. Ce livre nous convie donc à un voyage à la fois concret et conceptuel, du plus haut au plus bas de la société du siècle, entre écriture et oralité, soumission à l'ordre dominant et rébellions.

Il le fait avec la conviction que quelque chose de cet Ancien Régime est en train de revenir: la figure d'un peuple opprimé mais glorieux, celle que portait le marxisme triomphant, est aujourd'hui dissoute en myriades d'individus que ne regroupe aucune conscience de classe et qu'on ne sait comment agréger, comment nommer. Le résultat est une forme d'invisibilisation des réalités plébéiennes. En cela, et par-delà le XIXe et le XXe siècle, notre époque et le XVIIIe siècle sont proches.

Sommaire:

DISCOURS D'ORDRE(S) : DISCOURS DE POUVOIR, DISCOURS ESSENTIALISTES
METAPHYSIQUE ET ESTHETIQUE DU FAIT (1750-1789) : UN NOUVEAU REGARD SUR LE PEUPLE ?
PEUPLE PRODUCTEUR CONSOMMATEUR : DES DISCOURS ENTRE THEORIE ET EMPIRIE
HAINE DE SOI ET RESISTANCES AU STIGMATE
AUTONOMIES POPULAIRES : DISCOURS DU FAIT, DISCOURS DU DROIT

L'auteur:

Déborah Cohen est historienne, maître de conférences à l'Université de Provence.

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"La Nature du peuple, les formes de l'imaginaire social" de Déborah Cohen LE MONDE DES LIVRES | 25.06.10 | 18h57
La société est aussi un discours. Les mots participent à l'élaboration des hiérarchies sociales et de l'ordre organisant le monde. Déborah Cohen, maître de conférences à l'université de Provence, explore dans cet ouvrage ambitieux l'émergence de formes nouvelles de l'"imaginaire social" au cours du XVIIIe siècle. Elle analyse le contenu des représentations des nobles et des bourgeois à travers leurs écrits, littéraires ou politiques, mais s'attache également à comprendre comment les gens du "peuple" percevaient et négociaient le rôle et la place qui leur étaient assignés. L'historienne choisit de mettre en perspective ce processus prérévolutionnaire avec les enjeux actuels du débat politique, en opposant "l'empirisme social" du XVIIIe siècle, capable de penser les appartenances au-delà d'un ordre voulu par Dieu, à la conception naturalisante du XXIe siècle, qui tendrait à figer à nouveau les identités des individus.