Édition
Nouvelle parution
C. F. Ramuz, Derborence 

C. F. Ramuz, Derborence

Publié le par Université de Lausanne

Antoine est emmené à l'alpage par Séraphin afin qu'il apprenne le métier. Il s'ennuie et ne pense qu'à Thérèse dont il se languit, ils viennent tout juste de se marier. C'est alors qu'un éboulement va ensevelir le héros de longues semaines. Antoine parviendra-t-il à se nourrir, à boire, à respirer ? À ne pas devenir fou ?

Inspiré de faits réels, Derborence est un roman de montagne. Une montagne brutale et belle; une montagne révélatrice de la fragilité et de la grandeur tragique de la condition humaine. Une montagne dont Ramuz cherchait à restituer la solitude et le silence.

Introduction de Peter Utz

Extrait

Est-ce qu’Antoine avait été inquiet ? c’est ce qu’on ne sait pas, mais il était curieux ; et, comme Séraphin s’était levé, il se lève. Séraphin va devant, Séraphin ouvre la porte. On a vu qu’il faisait, en effet, un beau clair de lune qui s’est découpé en blanc et brillant sur le sol de terre battue derrière eux.

            C’est un fond d’herbe, c’est un fond plat avec quelques chalets. C’était une espèce de plaine, mais qui était étroitement fermée, à cause des rochers qu’on voyait de toute part faire leurs superpositions. Car, d’abord tournés vers le sud, les deux hommes ont vu d’où la lune était sortie, c’est-à-dire de derrière beaucoup de cornes qui sont là, et eux sont au pied ; puis, se tournant vers le couchant, ils voient que les parois y commencent, bien que pas très hautes encore, et se continuent en demi-cercle au nord et à l’est.

            Séraphine avait fait quelques pas pour trouver une place d’où la vue fût entièrement dégagée ; Séraphin lève le bras. Séraphin montre là-haut quelque chose, c’est à quinze cents mètres au-dessus de vous.

            Et il était facile de se rendre compte que de ce côté-là aussi, c’est-à-dire du côté nord, on était complètement enfermé et au levant de même, où l’ouverture de la combe était masquée par le premier plan de la montagne. Séraphin lève le bras, il fait naître devant vous un mur plus haut que tous les autres ; et on voit que partout on est au fond d’un trou ; cependant que ce grand mur est tout creusé d’étroites gorges où pendant en bougeant de petites cascades. Le regard le parcourt d’abord lui aussi ; puis il y a le doigt tendu de Séraphin qui l’oblige à s’arrêter.