Essai
Nouvelle parution
B. Mousli, Philippe Soupault

B. Mousli, Philippe Soupault

Publié le par Laurent Zimmermann

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Béatrice Mousli, PhilippeSoupault

Flammarion

Coll. Grandes biographies

471 p.

ISBN : 978-2-08-068930-6

25 euros

  Présentation de l'éditeur :

   " Poète, vagabond.

     Voyageur. Contestataire ",Philippe Soupault (1897-1990), fondateur du mouvement surréaliste avec AndréBreton et Louis Aragon, a vécu en marge, à dessein et par inadvertance. Adessein, il s'est tenu à l'écart des projecteurs, n'aimant ni l'idée ni lesservitudes de la gloire. Et c'est par inadvertance qu'il est resté dans l'ombre: trop occupé à vivre, il a oublié de préparer sa postérité... Auteur avecBreton, en 1919, des Champs magnétiques,un des livres les plus marquants du XXe siècle, il est avant tout poète.

   Mais c'est aussi un romancier de talent (du Bon Apôtre aux Dernières Nuits de Paris), et un critique prolifique, inclassable.Editeur, journaliste à Paris-Soir et à L'Excelsior, directeur de Radio-Tunis,producteur à Radio-France, sa vie professionnelle est variée et passionnante,marquée par de nombreux voyages, de multiples rencontres. Proche de larésistance gaulliste, il connaît les geôles vichystes à Tunis.

   Considéré comme l'un des plus authentiques écrivainsde la littérature française, on le retrouve en 1944 professeur dans uneuniversité chic de la côte Est des Etats-Unis. Sa vie, retracée ici à traversson oeuvre et de très nombreux inédits, suit les soubresauts littéraires etpolitiques du siècle, du mouvement dada aux errances du surréalisme, de lamontée du nazisme en Allemagne à la dictature du gouvernement de Vichy, de lacréation de l'URSS à la décolonisation.

   De Paris à Mexico, de Tunis à New York en passant parBerlin, Prague et Rio de Janeiro, c'est une longue vie pleine de poèmes et detraversées, cherchant sans cesse un difficile équilibre entre l'écriture, lesamitiés et les amours.

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Dans Le Monde des livres du 18/6/2010, on pouvait lire cet article:

Critique "Philippe Soupault", de Béatrice Mousli : la liberté d'esprit de Philippe Soupault LE MONDE DES LIVRES | 17.06.10 |

Des trois célèbres fondateurs du surréalisme, Philippe Soupault (1897-1990) reste aujourd'hui encore le plus méconnu. C'est lui pourtant qui découvre en 1917, dans le rayon "mathématiques" d'une librairie-papeterie, un exemplaire des Chants de Maldoror et confie ce brûlot à ses deux amis, André Breton et Louis Aragon, provoquant ainsi une véritable révolution dans les lettres. Lui encore qui, à 21 ans, engloutit un petit héritage dans la création d'une revue dont le titre a été "malicieusement" suggéré par Paul Valéry : Littérature. Lui surtout à qui six jours suffisent pour écrire avec André Breton, sans rien raturer ni corriger, Les Champs magnétiques : l'écriture automatique sera la pierre de touche d'une poésie enfin libérée des codes hérités et de "tout l'appareil logique".

35326566343963613461326136336430 En achevant avec Soupault une trilogie biographique débutée en 1998 par Valery Larbaud et suivie en 2005 par Max Jacob (les deux volumes chez Flammarion), Béatrice Mousli fait apparaître une communauté de figures unies par leur statut paradoxal : comme ces deux écrivains qu'il a bien connus, Philippe Soupault fut à la fois central et marginal. Quelques clés permettent de comprendre l'étrange défaveur qui touche le plus discret et le plus modeste des surréalistes.

Liberté d'esprit

Son exclusion du groupe alors en continuelle réorganisation, survenue en novembre 1926, semble l'avoir définitivement guéri des chapelles. Son attitude plutôt conciliante lui avait jusqu'alors permis de ne pas rompre avec ses camarades : une fois condamné, Philippe Soupault poursuit son oeuvre à l'écart de tout autre mouvement littéraire, pour le plus grand bénéfice de sa paix d'esprit, mais au détriment de sa notoriété. Non content d'être resté après 1926 à l'écart des réseaux influents, Soupault n'a pas su bénéficier de l'aura que confère une exclusion éclatante ou un départ fracassant. Loin d'adopter la stratégie de l'écrivain maudit, il reste, par la suite, ami avec André Breton et livre de ses années de formation un témoignage libre de toute rancoeur. Dernier élément : contrairement à nombre de confrères, à commencer par Aragon, Soupault s'est refusé à tout ralliement politique, préférant se consacrer au journalisme, activité alimentaire jugée parfaitement dégradante aux yeux de ses anciens camarades et qui n'a certainement pas contribué à le rehausser auprès des historiens de la littérature - Aragon aussi, dira-t-on, mais lui dirigea Ce soir ou Les Lettres françaises, exerçant un véritable magistère.

La liberté d'esprit : telle est la principale qualité de cet homme qui joua un rôle stratégique aux éditions du Sagittaire (où parut le Manifeste du surréalisme, de Breton, en 1924), établit une solide amitié avec James Joyce ou William Carlos Williams, et célébra "l'âge cinématographique" dont le plus grand représentant à ses yeux était Charlie Chaplin, "poète au sens le plus pur et le plus fort du terme".

La biographie de Béatrice Mousli suffira-t-elle à sauver de l'oubli un écrivain dont la vie n'est inscrite qu'en pointillés dans la plupart des histoires littéraires ? En réalité, Soupault n'avait pas attendu que des spécialistes se penchent sur son cas : dès 1923, il avait livré la chronique romancée de sa folle jeunesse littéraire dans Le Bon Apôtre, suivi de En joue ! (1925), puis raconté ses souvenirs dans Histoire d'un Blanc (1927), avant de publier à la fin de sa vie ses Mémoires de l'oubli en trois tomes, qu'on lira avec bonheur : leur titre, à l'image de son auteur, est fait d'éclat et de pudeur - d'une pudeur excessive peut-être.

PHILIPPE SOUPAULT de Béatrice Mousli. Flammarion, "Grandes biographies", 474 p., 25 €.
Jean-Louis JeannelleArticle paru dans l'édition du 18.06.10