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Appels à contributions

"L’œil (toujours) vivant ?" (Journée d’étude des doctorant.e.s du CSLF)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Hélène Parent)

APPEL À CONTRIBUTION

"L’œil (toujours) vivant ?"

Journée d’étude des doctorant.e.s du CSLF

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“Si je pouvais changer la nature de mon être et devenir un oeil vivant, je ferais volontiers cet échange.”  (Rousseau, La Nouvelle Héloïse)

La journée d'étude du CSLF, qui s’inscrit dans la continuité du séminaire des doctorant.e.s, entend explorer le thème de l’œil. Elle s’inspire du colloque du VIIIe Congrès de la Société des études romantiques et dix-neuviémistes (SERD) intitulé « L’œil du XIXe »  (mars 2018), qui interrogeait déjà la fécondité extraordinaire de cet objet. Or, si la SERD a fait du XIXe siècle le moment central du thème de l’œil, il nous a semblé pertinent d’élargir la question en variant les périodes, les disciplines et les perspectives méthodologiques. Par ailleurs, l’ambition de cette journée est d’étudier l’œil, non pas seulement en tant que thème, mais en tant que concept à la fois théorique, esthétique et ludique. 

La citation en exergue, à l’origine de l’essai de J. Starobinski, L’Œil vivant (1961), nous invite à réfléchir sur la capacité de voir et sur le regard en général : qu’est-ce qui le motive ? Qu’est-ce qui l’empêche ? Qu’est-ce qui le décide ? J. Starobinski interroge en effet toutes les pulsions liées au regard. Organe du désir et des perversions desquelles il s’accompagne parfois, l’œil est d’abord, nous dit-il, un tremplin vers l’invisible et l’imaginaire. Cependant, à la différence d’autres parties emblématiques du corps humain, l’œil a rarement été envisagé comme un objet théorique à part entière - d’aucuns lui préférant la main comme métaphore de la technique, ou le coeur qui, dans l’histoire de la culture occidentale, voire au-delà, continue de symboliser la lutte de l’homme avec son âme ou ses passions. Certes, les études critiques ont souvent abordé la question du visuel, de l’image, de l’imaginaire ou du figural sans faire nécessairement référence à l’œil en tant que tel. C’est notre but ici: constituer l’œil en tant qu’objet d’étude, en jouant sur les différents sens que le mot offre. 

Au mépris de toutes les évidences, l’œil doit d’abord être défini pour ce qu’il est, c’est-à-dire un organe - qui n’est d’ailleurs pas spécifiquement humain. L’œil pourrait ainsi être étudié comme motif à part entière dans une œuvre ou une époque, au sens littéral ou symbolique. L’œil, mais aussi tout ce qui le déborde (couleur, forme, larmes, marques, lunettes, blessures) apparaît évidemment comme un motif esthétique, un détail anatomique dont l’histoire culturelle demeure inépuisable. En outre, l’œil, défini comme organe de la vue, est associé à de nombreuses significations qui peuvent désigner à la fois un organe et un sens, une action (le regard) et une production (la vision). L’œil doit aussi être défini, du point de vue métonymique, comme un relais du jugement de goût ou d’opinion - ne parle-t-on pas de regard critique et de point de vue ? Porter un œil sur quelque chose, c’est tout à la fois interroger les liens qui existent dans le fait de voir et de montrer, et la production de savoirs et de connaissances. L’œil documente aussi bien qu’il témoigne ou qu’il espionne. Il pourra, en ce sens, être interrogé, autant à l’aune de ses potentialités que de ses limites. 

Les propositions pourront s’inscrire dans les axes suivants, sans nécessairement s’y limiter:

I- L’œil comme motif 

  • Les représentations de l’œil (littérature, peinture, cinéma…)

  • Utilisation de l’œil comme ressort narratif (sans se limiter au point de vue)

  • La portée symbolique de l’œil

II- “Manières de voir”

  • Œil numérique, œil mécanique versus œil humain ou animal 

  • Les dispositifs techniques liés à la vue

  • Œil qui dévoile, œil qui voile : aveuglement, cécité, éblouissement, hallucinations

  • L’œil créateur (œil du photographe, œil du peintre…) 

III- L’œil : pouvoirs et limites

  • L’œil, siège de la connaissance empirique ? 

  • L’œil et le désir (voir, être vu.e) 

  • La vue et l’imagination 

IV- L’œil critique 

  • L’œil comme outil méthodologique et critique

  • Place de la vue dans la constitution des savoirs théoriques 

  • Perspectives diachroniques 

 

Les propositions de communication, d’une longueur d’environ 700 mots, sont à envoyer pour le 29 février 2020 au plus tard au comité scientifique à l’adresse suivante : journee.oeil@gmail.com, accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique.

Les propositions de toutes disciplines seront bienvenues (Histoire, Histoire des Arts, Musicologie, Littérature, Philosophie, Stylistique, Photographie...), et notamment avec la perspective d’ouvrir l’étude à des œuvres peu étudiées. La journée est ouverte en priorité aux jeunes chercheurs / chercheuses. 

Les réponses seront données début mars 2020. La journée d’étude aura lieu le jeudi 22 octobre 2020 à l’Université Paris Nanterre.

Comité d'organisation :

Marianne Albertan-Coppola, Alicja Chwieduk, Joao Da Rocha,

Lou Legros-Lefeuvre, Julia Pont, Hélène Parent, Luce Roudier.

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Bibliographie indicative:

ARASSE, Daniel, On y voit rien. Descriptions, Paris, Gallimard, coll. “Folio”, 2002. 

—,  Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture [1992], Paris, Flammarion, coll. “Champs-Arts”, 2014. 

BATAILLE, Georges, Histoire de l’œil, Paris, Gallimard, 1993.

CLAUDEL, Paul, L’Œil écoute, Paris, Gallimard, 1990 [1946]. 

CRARY, Jonathan, Techniques de l’observateur. Vision et modernité au XIXe siècle, traduction de Frédéric Maurin, Bellevaux, Editions du Dehors, 2016. 

DIDI-HUBERMAN, Georges, L’Œil de l’histoire, tomes 1 à 6, Paris, Minuit, 2009-2016.  

—, Essayer voir, Paris, Minuit, 2014. 

FREEMAN, Michael, L’Œil du photographe et l’art de la composition, Paris, Dunod, 2007. 

MERLEAU-PONTY, Maurice, L’Œil et l’Esprit, Paris, Gallimard, coll. “Folio essais”, 1985 [1964].

MEYER, Philippe, L’Œil et le cerveau. Biophilosophie de la perception visuelle, Paris, Odile Jacob, 1997. 

MILNER, Max, On est prié de fermer les yeux. Le regard interdit, Paris, Gallimard, coll. “Connaissance de l’Inconscient”, 1991. 

OUELLET, Pierre, Poétique du regard. Littérature, perception, identité, Sillery (Québec) : Ed. du Septentrion ; Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2000.

PASTOUREAU, Michel, SIMONNET, Dominique, Le petit livre des couleurs, Paris, Points, coll. “Points Histoire”, 2014. 

POULIQUEN, Yves, La transparence de l’œil, Paris, Odile Jacob, 1992. [sur l’évolution biologique de l’oeil, l’histoire de l’ophtalmologie].

QUINTANE, Nathalie, Un Œil en moins, Paris, P.O.L, 2018. 

ROUSSET, Jean, Leurs yeux se rencontrèrent : la scène de première vue dans le roman, Paris, Corti, 1981.     

SERRES, Michel, Yeux, Paris, Editions le Pommier-Humensis, coll. “Poche-le Pommier”, 2018. 

STAROBINSKI, Jean, L’œil vivant, Paris, Gallimard, coll. “Tel”, 1961.