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La Belle Époque a-t-elle été virale? Circulation, diffusion, reproduction des images et des textes dans les périodiques au tournant du siècle (1870-1930)

La Belle Époque a-t-elle été virale? Circulation, diffusion, reproduction des images et des textes dans les périodiques au tournant du siècle (1870-1930)

Publié le par Marie-Eve Thérenty (Source : Numapresse)

Appel à communication

La Belle Époque a-t-elle été virale ?

Circulation, diffusion, reproduction des images et des textes dans les périodiques au tournant du siècle

(1870-1930)

Université Paris Nanterre, 25-26 juin 2020

Date limite d’envoi des propositions : 6 avril 2020

Argumentaire

La fin du XIXe siècle peut être considérée comme l’achèvement d’un ensemble de processus de systématisation et de rationalisation des techniques de production et de diffusion de l’imprimé : au niveau technique, la mise au point des procédés de reproduction photomécanique rendant possible la reproduction à faible coût et sans perte d’information des images et des textes ; au niveau rhétorique, le journalisme valorise des formes simples, directes, qui augmentent l’efficacité communicationnelle.
Ces processus donnent naissance à des pratiques de réappropriation et de rediffusion des images et des textes à une échelle massive à travers la presse. On retrouve les mêmes récits, les mêmes illustrations, dispersées dans des périodiques et des ouvrages différents, par un phénomène de dissémination qui semble adopter les mécanismes de la contagion. Pour parler de ces phénomènes, certains chercheurs ont alors délibérément choisi de transposer le terme de viralité sur des objets culturels anciens ; c’est par exemple le cas du projet « Viral Texts » de Ryan Cordell qui propose de s’intéresser au phénomène de la « viralité » dans la presse du XIXe siècle en repérant de manière automatisée toutes les reproductions textuelles d’une certaine ampleur dans les journaux américains. Cette notion de viralité est liée à notre culture numérique contemporaine : elle désigne la diffusion d’images et de textes dans les réseaux sociaux (en particulier dans les médias non conventionnels comme facebook ou twitter), impliquant une forme de circulation épidémique : l’information serait comme un virus qui se propage de proche en proche, avec des foyers de contamination, sans aucune stratégie globale de communication puisque ce sont les usagers mêmes des réseaux qui choisissent ou non la diffusion.
Le terme est fort, mais ne tend-il pas à effacer les particularités des différentes formes de reproduction, de réappropriation, de variation sérielle autour de quelques modèles qu’on retrouve à une échelle globale dans les médias depuis le XIXe siècle ? La question que souhaite soulever ce colloque est celle de la pertinence de l’application de la notion de viralité à la culture (et plus particulièrement la culture de la presse) au tournant des XIXe et XXe siècles, à travers l’étude de diverses problématiques :

Mécanismes de la viralité

Le concept de viralité recouvre des phénomènes qui ne relèvent pas forcément du même niveau d’analyse. On tentera de multiplier les approches pour mieux définir ces phénomènes :
- définitions de la viralité : quels sont les noms que l’époque attribue à ces pratiques, et comment se distinguent-elles ? Comment le cadre législatif s’adapte-t-il à ces phénomènes ? On tentera de distinguer le plagiat, la reprise, la citation, le collage, l’hommage, l’imitation…
- rhétorique de la viralité : la pratique de la reprise, de la répétition implique des choix de sélection, de transformation, de recontextualisation des matériaux réutilisés. Assiste-t-on à l’émergence de normes collectives du réemploi ?
- esthétique de la viralité : les formes les plus susceptibles d’être reprises sont souvent des formes courtes, simples, frappantes ; la culture virale a-t-elle des conséquences sur les valeurs esthétiques d’une époque ?
- sociologie et psychologie de la viralité : la reprise de textes et d’images est un acte social ; qu’est-ce qui explique le potentiel viral de certains contenus médiatiques ?

Typologie des objets viraux

Qu’est-ce qui fait l’objet de reproductions, de réappropriations, d’une diffusion non contrôlée au XIXe siècle ? S’agit-il d’information, de message, d’images, de modèles ? Les réalités sont multiples ; on cherchera à multiplier les cas d’étude :

- fausses nouvelles (canards, serpents de mer, etc.)
- formes courtes (citations, formules, blagues…)
- récits (contes et nouvelles, faits divers)
- informations (journaux voleurs, faits divers)
- images (caricatures, illustrations, modèles graphiques)
- circulations transmédiatiques

Circuits de la viralité

On tentera de reconstruire les écosystèmes médiatiques qui autorisent la viralité :

- acteurs : quelles sont les personnes qui produisent, se réapproprient et font circuler les textes et les images ?
- techniques : quelles évolutions des techniques de reproduction matérielle (clichage, stéréotypage, copier-coller) et aussi des techniques de communication (télégraphie, messageries, radio) permettent la viralité ?
- réseaux : quels sont les circuits des objets viraux ?  quelles géographies sociale, économique, médiatique émergent de l’analyse de ces circulations ?
- rythmes : à quelle vitesse sont diffusés les objets viraux ? que nous apprennent ces rythmes sur les structures médiatiques de ces époques ?

Imaginaires de la contagion culturelle

Quels modèles sont utilisés pour penser ces phénomènes à l’époque ? On pourra s’intéresser à l’imitation sociale chez Gabriel Tarde ou Gustave Le Bon, à l’application du darwinisme à l’analyse de la communication, à l’imaginaire de la colle et des ciseaux dans le journalisme, à l’identification de la rumeur à une forme de contagion sociale…

Les propositions de communication (2000 signes maximum) devront être envoyées à Julien Schuh (jschuh@parisnanterre.fr) avant le 6 avril 2020, accompagnées d’une courte bio-bibliographie. La liste des propositions retenues sera annoncée le 20 avril 2020. Le colloque se tiendra à l’Université Paris Nanterre, les 25 et 26 juin 2020.

Organisation 

Ce colloque est organisé par Julien Schuh (Université Paris Nanterre) dans le cadre du projet IUF « Synthétismes fin de siècle : Littérature, art et théâtre, entre culture de masse et avant-garde (1880-1910) » et de l’ANR Numapresse (http://numapresse.org/).

Comité scientifique :

Marie-Ève Thérenty
Pierre-Carl Langlais
Guillaume Pinson
Stéphanie Dord-Crouslé
Sarah Mombert
Jean-Didier Wagneur
Adeline Wrona
Nejma Omari

Bibliographie

  • Blackmore Susan J., The Meme Machine, Oxford, Oxford University Press, 1999.
  • Bode Katherine, A World of Fiction: Digital Collections and the Future of Literary History, University of Michigan Press, 2018.
  • Bolter, Jay David et Richard Grusin, Remediation. Understanding New Media, Boston, MIT Press, 2000.
  • Cagé Julia, Hervé Nicolas, Viaud Marie-Luce, L’Information à tout prix, Bry-sur-Marne, Ina, coll. Médias et humanités, 2017.
  • Dawkins Richard, Le Gène égoïste, trad. fr., Paris, Poches Odile Jacob, 2003.
  • Fourmentraux Jean-Paul et Popper Frank, L’œuvre virale : net art et culture hacker, Bruxelles, la Lettre volée, 2013.
  • Garvey Ellen Gruber, Writing with Scissors : American Scrapbooks from the Civil War to the Harlem Renaisssance, Oxford, OUP, 2013.
  • Jenkins Henry, Ford Sam, Green Joshua, Spreadable Media: Creating Value and Meaning in a Networked Culture, New York, NYU Press, 2013.
  • Kendall Tina and Koster Kristin, « Critical Approaches to Cultural Recycling: Introduction », Other Voices, n° 3.1, May 2007. URL : http://www.othervoices.org/3.1/guesteditors/index.php
  • Klucinskas Jean et Moser Walter (dir.), Esthétique et recyclages culturels : Explorations de la culture contemporaine,  Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa / University of Ottawa Press, 2004. Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/uop/2196
  • Latour, Bruno, Jensen, Pablo, Venturini, Tommaso et al., « “Le tout est toujours plus petit que ses parties”. Une expérimentation numérique des monades de Gabriel Tarde », Réseaux, n° 177, 2013/1, p. 197-232.
  • Leplatre Olivier et Tran Trung (dir.), L’image répétée Imitation, copie, remploi, recyclage, revue en ligne Textimage, Le Conférencier, octobre 2012, URL : http://www.revue-textimage.com/conferencier/01_image_repetee/sommaire.htm
  • Lessig Lawrence, Remix: making art and commerce thrive in the hybrid economy, Londres, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Bloomsbury, 2008.
  • Liddle Dallas, “The News Machine: Textual Form and Information Function in the London Times, 1785–1885”, Book History 19 (1), 2017, p. 132–68. URL: http://doi.org/10.1353/bh.2016.0003
  • Sampson Tony D., Virality: Contagion Theory in the Age of Networks, Minneapolis/London, University of Minnesota Press, 2012.
  • Scissors and Paste: https://osf.io/nm2rq/
  • Slauter Will, Who Owns the News? A History of Copyright, Stanford, Stanford University Press, 2019.
  • St-Germain Philippe, La culture recyclée en dix chapitres réutilisables, Montréal, Éditions Liber, 2012.
  • Thérenty Marie-Eve et Vaillant Alain (dirs.), Presse, nations et mondialisation au XIXe siècle, Nouveau Monde, 2010.
  • Viral Texts Project : http://viraltexts.org/