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Pouvoir(s), responsabilités et cas de conscience en science-fiction (Colloque Stella Incognita, Reims)

Pouvoir(s), responsabilités et cas de conscience en science-fiction (Colloque Stella Incognita, Reims)

Publié le par Marc Escola (Source : Hervé Lagoguey)

Appel à communications

Colloque Stella Incognita

Université de Reims Champagne-Ardenne,

les 6-7-8 avril 2022

Pouvoir(s), responsabilités et cas de conscience en science-fiction

 

Champ d’exploration de tous les possibles, technologiques, scientifiques, mais aussi sociétaux, politiques, écologiques et philosophiques, la science-fiction s’est dès son origine posé la question des pouvoirs et des responsabilités, ainsi que des cas de conscience provoqués par des décisions lourdes de conséquences.

Premier roman de proto SF, Frankenstein repense les rapports entre créateur et créature à l’aune des possibilités scientifiques. Le savant (fou ou éclairé ?) a-t-il le droit de donner naissance à la créature qu’il a le pouvoir de concevoir ? Doit-il la détruire quand il se rend compte des conséquences de son ambition démesurée, du défi qu’il a lancé aux lois naturelles et aux dieux ? Des monstres de H.G. Wells (le Dr Moreau) aux clones de la SF moderne (J.-M. Truong), en passant par les hybrides et les cyborgs (Homme-Plus, F. Pohl) aux hommes augmentés du post-humanisme (J. Varley), la question de la faisabilité est aussitôt doublée d’un questionnement moral et éthique, car ainsi que l’écrivait Rabelais, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Le pouvoir, qu’il soit réel ou provisoirement du domaine de l’imaginaire, met les héros des récits de SF devant un dilemme qui, schématiquement, revient à se poser la question du bien et du mal, face aux tentations que propose le côté obscur du pouvoir, qu’il soit politique (dérives totalitaires), religieux (endoctrinement), intime (rapport des genres, emprise, domination sexuelle), professionnel (organisation du travail, hiérarchie) ou scientifique (création de chimères mutantes, de fléaux biologiques, d’armes de destruction totale), les boîtes à outils des savants s’avérant autant de boîtes de Pandore, et les progrès technologiques source inépuisable de questionnement quant à leur bon usage (voir la série Black Mirror).

Le héros, miraculeusement doté d’un pouvoir que lui aurait donné un « génie », aura-t-il des motivations altruistes ou égoïstes, agira-t-il pour son bien personnel ou pour le bien de l’humanité ? Le conflit interne entre désir et devoir trouvera-t-il une résolution satisfaisante ? L’homme invisible (H.G. Wells) ou le passe-muraille (M. Aymé) vont-ils céder à la tentation du vol, du voyeurisme, du harcèlement ? Le voyageur temporel doit-il tuer Hitler au berceau (Dieu porte-t-il des lunettes noires ?, M.G. Dantec) ? Peut-il s’enrichir (Dr Mops, J. Spitz, Back to the Future II, R. Zemeckis) ? Le télépathe peut-il s’empêcher de voler les pensées intimes de ses proches, de les manipuler (L’Homme démoli, A. Bester, L’Oreille interne, R. Silverberg, L’Homme nu, D. Simmons, Scanners, D. Cronenberg) ? Le précognitif va-t-il se servir de son pouvoir divinatoire à des fins despotiques (Les Chaînes de l’avenir, P.K. Dick) , civiques ou sécuritaire (Minority Report, S. Spielberg) ? Quel prix est-on prêt à payer pour l’immortalité (Le Livre des crânes, R. Silverberg, Le Vaisseau des voyageurs, R.C. Wilson, La Cité des permutants, G. Egan) ? « De grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités », lit-on dans Amazing Spider-Man, comme en écho aux mots de Portalis : « à chaque liberté s’attache une responsabilité ». Une évidence que la BD, les comics, les mangas et leurs adaptations cinématographiques ont illustré d’abondance, des premiers X-Men (se ranger aux côtés des bons ou des mauvais mutants ?) aux Avengers de Civil War (obéir ou désobéir à une loi contestable) ?

Mais il n’est nul besoin de pouvoir extra-ordinaire ou quasi-divin pour être confronté à ce type de dilemme, comme l’illustre le roman de James Blish… A Case of Conscience (1958). Il suffit d’avoir le pouvoir politique, financier, militaire ou religieux (Dune, F. Herbert ; Cleer, L.L. Kloetzer ; La Panse, L. Henry ; F.A.U.S.T., S. Lehman). Faut-il lâcher la bombe ou pas (Dr Folamour, S. Kubrick, Point Limite, S. Lumet) ? Faut-il négocier ou entamer la guerre (la série du Vieil homme et la guerre, J. Scalzi) ? Faut-il envahir, coloniser, piller, ou collaborer en toute intelligence (voir les textes de SF écrits à l’occasion de la guerre du Vietnam ; les romans « africains » de Mike Resnick ; Avatar, J. Cameron) ? Qu’il soit dictateur sans pitié, stratège militaire pragmatique ou médecin bienveillant, comment le détenteur du droit de vie et de mort opèrera-t-il ses choix ?

De l’autre côté, celui des non-décisionnaires confrontés à des régimes totalitaires de type 1984 ou Brave New World, les peuples opprimés sont alors en face d’un triple choix, entre la sécurité de la soumission, les risques de la rébellion, mais aussi le confort coupable de la collaboration. De même, comment, face à la domination d’un genre sur un autre, ne pas explorer l’hyperdomination (Swastika Night, K. Burdekin ; La Servante écarlate, M. Atwood), l’inversion (Le Pouvoir, N. Alderman), le double genre (La Main gauche de la Nuit, U. le Guin), l’alternance (Le Ravin des ténèbres, R. Heinlein ; Le Silence de la cité, E. Vonarburg ; Gens de la Lune, J. Varley), la relation aliène (Des Rapports étranges, P.J. Farmer), ou la sexualité technologique (L’Ève future, Villiers de l’Isle-Adam ; Innocence, M. Oshii) ?

Comme le savoir, l’information est synonyme de pouvoir. Mais que faire lorsqu’on est détenteur d’un lourd secret, sur la nature du réel (Le Maître du Haut Château, La Vérité avant-dernière, P.K. Dick ; Silo, H. Howey), sur un scandale politique (Jack Barron et l’éternité, N. Spinrad) ou sanitaire (L’Échelle de Darwin, G. Bear) ? Doit-on le révéler ou pas ? Et à qui ?

Confronté à un réel insoutenable, le héros de SF a une alternative, qui cependant relève aussi du cas de conscience : rester dans une réalité invivable ou se réfugier dans un monde imaginaire, des enclaves oniriques (Vermilion Sands, J.G. Ballard, L’Archipel du rêve, C. Priest), des échappatoires générées par des drogues (Le Dieu venu du Centaure, P.K. Dick) ou la cyber-technologie (W. Gibson, B. Sterling, P. Cadigan) ? Une situation se résumant à « prendre la pilule bleue ou la pilule rouge ? » (Matrix, les Wachowski). Le dilemme fait naître le doute, qui devra faire place à la décision.

Les auteurs et œuvres cités ne sont que quelques illustrations des cas de conscience que la science-fiction peut offrir à notre réflexion, tant les questionnements sont nombreux, que ce soit dans les livres, les films, les séries, les bandes dessinées ou les jeux vidéo. Le point commun de ces œuvres est de mettre le lecteur / spectateur / joueur dans une position où, s’identifiant ou non au héros, il va inévitablement se poser la question : « Et moi ? ». Que ferais-je de tel pouvoir ? Comment me comporterais-je dans cette situation ? Comment affronterais-je de telles responsabilités ? Quelle décision prendrais-je ? Cette décision serait-elle rationnelle ou émotionnelle, réfléchie ou impulsive ? Assumerais-je toutes les conséquences de mon choix ? Quels sacrifices serais-je prêt à envisager ? Au-delà du vertige métaphysique ou existentiel qu’elles peuvent provoquer, de telles expériences de pensée nous amènent à nous interroger et à en apprendre un peu plus sur nous-mêmes, sur ce que nous estimons être prioritaire ou secondaire, juste ou injuste, souhaitable ou inacceptable.

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Comité scientifique :

Hervé Lagoguey, Jérôme Goffette, Danièle André

Les propositions de communication pourront concerner tous les champs d’expression de la science-fiction : romans, films, séries, bandes dessinées, animation, peinture, sculpture, jeux vidéo, jeux de rôle… Ces propositions pourront utiliser des champs disciplinaires très différents : analyses littéraires, approches culturelles, anthropologie, philosophie, sociologie, histoire, sciences et technologie, etc.

Ces propositions devront contenir :
• un titre
• un résumé de 300 à 500 mots
• une courte présentation de l’auteur de la proposition (2 à 5 lignes)

Elles sont à envoyer aux 3 adresses suivantes :

herve.lagoguey@univ-reims.fr 

jerome.goffette@univ-lyon1.fr 

daniele.andre.univ.larochelle@gmail.com

Il est nécessaire d’adhérer à l’association pour participer au colloque :

http://stella-incognita.byethost18.com/devenir-membre/

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Calendrier :
• Date limite de soumission : 15 octobre 2021
• Date de réponse :  15 décembre 2021
• Date du colloque : 6-8 avril 2022

Publication :

Un appel à texte (ouvert) pour un ouvrage collectif sera lancé peu après le colloque.
- Un Comité de Lecture associant Stella Incognita et AAH sera constitué.
- L’ouvrage sera publié dans les 12 à 24 mois suivant le colloque.