Compte rendu dans Acta fabula: La voix en ses territoires, par Baptiste Roux.
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Dominique Rabaté
Poétiques de la voix,
coll. " Les Essais ", José Corti, 1999.
Quatrième de couverture :
Il sera, dans ce livre, question de voix, de la voix comme question.
Car la littérature, depuis le tournant de la Modernité, semble vouée
à chercher les modes d'inscription d'une présence qui se fuit dans sa
trace écrite, vouée à interroger la dynamique d'une pluralité qui
défait toute unité. Ce sont les modalités d'énonciation littéraire
qu'invente la littérature moderne qui sont au cur de la réflexion.
Il ne s'agit plus de les penser en termes de genres mais comme des
réponses à cette interrogation première : comment poser sa voix ?
J'envisage donc l'écriture comme lieu de tensions, sans résolution,
entre forme et force. Je cherche d'abord à entendre ces effets de
voix, qui sont de véritables poétiques toujours singulières : le
commentaire (de Blanchot, Céline, ou des Forêts) appelle la
définition de postures subjectives nouvelles (l'écriture brève ou le
monologue écrit). Le roman donne, lui, un autre espace de résonance à
ces voix : il les contextualise de façon critique. Ouvrant l'espace
romanesque à l'indicible, Joyce et Conrad créent des dispositifs qui
tentent d'encadrer un mouvement qui se dérobe pourtant. Mouvement qui
entraîne le vingtième siècle vers un au-delà du roman - que les
uvres de Sarraute ou Quignard représentent exemplairement.
Crise du personnage, éparpillement des voix, mélancolie d'une forme
pleine sont-ils notre lot ? Il me semble que la « malchance » de la
littérature contemporaine est paradoxalement sa chance. Comme le
montre Borges, la littérature doit retourner son impuissance,
accepter de devenir un art du reste. Elle doit maintenir le défaut
d'une traduction qui manquera toujours à notre désir - pour mieux le
relancer.
D.R.