Collectif
Nouvelle parution
Gérard Pfister (dir.)., La poésie, c'est autre chose - Mille et une définitions de la poésie.

Gérard Pfister (dir.)., La poésie, c'est autre chose - Mille et une définitions de la poésie.

Publié le par Marc Escola

La poésie, c'est autre chose - Mille et une définitions de la poésie
Gérard Pfister, Collectif


Paru le : 15/05/2008
Editeur : Arfuyen
Collection : Les Cahiers d'Arfuyen
ISBN : 978-2-84590-121-6
EAN : 9782845901216
Nb. de pages : 223 pages

Prix éditeur : 15,00€

Sommaire

À comme Affirmation
C comme Connaissance
E comme Émotion
L comme Licorne
M comme Musique
O comme Objet
R comme Révélation
V comme vie

*  *  *

""La poésie c'est autre chose". 1001 définitions de la poésie", sous la direction de Gérard Pfister : la poésie en questions

LE MONDE DES LIVRES | 30.10.08 | 11h20  •  Mis à jour le 30.10.08 | 11h20


On peut lire desromans toute sa vie sans jamais s'intéresser à la théorie du roman.Cette indifférence n'est pas concevable à l'égard de la poésie, qui senourrit constamment des questions qu'elle suscite. Tout poète, dequelque manière, témoigne de cette autoréflexion permanente etnécessaire. Et de ce vaste territoire de la pensée poétique, les 1001 définitions(en fait près de 700) que Gérard Pfister vient de rassembler etd'organiser témoignent à leur tour. Inédite à notre connaissance, ladémarche est stimulante et pleine d'enseignements.

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Extraits:

"La poésie est sans réponse -
océan sans fin
elle se noie
dans un coquillage"

Anise Koltz

"Les Poètes allument les lampes - Eux-mêmes - s'éteignent -
Les mèches qu'ils activent -
Si la lumière vitale

Demeure comme font les Soleils -
Chaque Âge est un Verre
Qui propage leur
Circonférence -"

Emily Dickinson

Onse lamente souvent du désintérêt que rencontre la poésie de nos joursen France. Bien inutilement. Mais il est un autre péril, plusinsidieux, celui de tomber dans une coupable candeur, de tout confondre: la chansonnette et le plus haut poème, le divertissement de salon etl'approche du mystère de l'être, l'accessoire, le décoratif, etl'essence même de la parole. Ce n'est pas pour se distraire de laphilosophie, mais pour approcher cette essence qu'Heidegger se mit àl'écoute d'Hölderlin durant toute sa vie.

A toute époque et entout lieu, les poètes n'ont donc cessé de s'interroger et d'interroger.Leur art bien sûr, et au-delà son étrange capacité à rendre visibles,audibles, comme par éclats, les mystères du monde et de l'être. Maisune telle révélation n'est pas stable. A tout moment il faut larepenser.

A qui s'adresse ce livre ? Certes aux lecteurs depoésie, mais aussi à ceux qui, par crainte ou préjugé, se méfient,hésitent, ou, mieux encore, ne lui reconnaissent tant de prestige quepour mieux s'écarter d'elle. Avec un respect qui ressemble fortement àdu mépris.

Le prestige est d'ailleurs une manière peu risquée d'entretenir le flou. Paul Valéry le savait bien, qui notait : "Certains se font de la poésie une idée si vague qu'ils prennent ce vague pour l'idée même de la poésie." L'incertitude est plus féconde, plus nécessaire... Selon Michel Deguy, "l'inquiétude de la poésie sur son essence habite la poésie depuis son commencement grec". Mais pour sortir de ce "vague"les chemins sont parfois obscurs et la signalisation paradoxale. Surcette question de l'obscurité, il y a ce juste mot de Georges Perros : "La poésie n'est pas obscure parce qu'on ne la comprend pas, mais parce qu'on ne finit pas de la comprendre." Placide, sans plainte, le même constatait : "Les grands poètes ont très peu de lecteurs à leur disposition." Le sort des moins grands n'est pas plus enviable...

Magicien, "voyant" même si l'on en croit Rimbaud, le poète a-t-il la capacité d'aller au-delà de ses limites naturelles? Saint-Pol Roux, pour qui "l'arbre de poésie plonge ses racines dans l'avenir", semblait le penser. Il n'était pas le seul : "Le poète se souvient de l'avenir", professait Cocteau. Avant lui, Baudelaire parlait d'une "sorcellerie évocatoire" et Apollinaire d'un "art de prédire".

"UN RIEN QUI ANNULE LE RESTE"

La sagesse est-elle le but de la poésie ? Peut-être, mais là aussi une parfaite lumière est difficile à obtenir... Car si "les poètes, selon Bachelard, sont les véritables maîtres du philosophe", ils avancent sans savoir, dans une sorte de vide, d'ignorance. Pascal, d'ailleurs, nous prévenait : "...on ne sait pas en quoi consiste l'agrément, qui est l'objet de la poésie." Sur la pente du paradoxe, Guillevic parle de "la recherche /Passionnée et comblée/De quelque chose que l'on sait/Ne jamais atteindre." André du Bouchet : "La poésie est ce rien -, mais un rien qui annule le reste." Propos que confirme la Brésilienne Maria Angela Alvim, parlant d'un "art du manque, le plus sûr".Et, plus mystérieusement, Michael Edwards, poète et théoricien, auteurd'un magnifique essai qui fait toute sa place à la poésie, De l'émerveillement (Fayard, 2008) : "La poésie est le possible qui demeure possible, l'attente qui accepte d'attendre." Toujours du côté de ce "métier d'ignorance" (Claude Royet-Journoud), Henri Michaux avec sa souveraine ironie, lançait cette maxime : "Poète n'est pas maître chez lui."

Le silence et le blanc de la page sont les partenaires naturels des muses... "Le blanc, pensait Claudel, n'estpas seulement pour le poème une nécessité matérielle imposée du dehors.Il est la condition même de son existence, de sa vie, de sarespiration." Jean Bastaire, lecteur de Claudel autant que de Péguy, évoque quant à lui une "parole essentielle libérée du bruit" ; et même d'"un silence qui parle".Peu à peu, quelque chose de vital se dessine. Le verbe respirern'est-il pas celui qui peut le mieux l'exprimer ? Jean Paulhan n'étaitpas loin de le penser, qui soulignait, avec son audacieuse prudence : "Ce n'est pas à la légère, sans doute, que l'on compare la poésie à l'air le plus pur." Le Polonais Tadeusz Rozewicz lui donna raison : "... la poésie de nos jours/est une lutte pour respirer."

Inspiré,le poète ? Certes, mais plus encore inspirateur, selon Paul Eluard.Cependant, ce n'est pas dans les poumons qu'il faut chercher l'organede cette respiration, mais dans l'âme - cette "âme" que Rimbaud voulut "faire (...) monstrueuse". Plus policé, Mallarmé précisait : "Toute âme est une mélodie qu'il s'agit de renouer." D'ailleurs, on ne peut soustraire le sens à la voix et à l'harmonie qui le portent. Pour Paul Valéry, le poème est "cette hésitation prolongée entre le son et le sens". Selon Octavio Paz, il "est mémoire devenue image et image devenue voix".

Alors où ranger la poésie ? Et d'abord, est-elle seulement utile ? Seuls les esprits les plus vulgaires pourraient le penser... "La poésie n'est pas/une solution/ Aucune solution/ n'est une poésie", résume Serge Pey. Et si pour Goethe, dans "la sérénité et la conscience",elle trône au-dessus des partis, on ne peut taire sa force subversive.C'est elle dont Lautréamont témoigne par cette apostrophe qui nousinvite à habiter poétiquement le monde : "Sachez que la poésie se trouve partout où n'est pas le sourire, stupidement railleur, de l'homme à la figure de canard."