
Centre de recherches sur l’Europe classique
(XVII° et XVIII° siècles)
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III
Domaine universitaire.
33607 – PESSAC Cédex
APPEL A COMMUNICATIONS
Notre Centre a décidé de consacrer son prochain colloque à « L’Extrême-Orient dans la culture des XVII° et XVIII° siècles ». Selon la double orientation du Centre, nous souhaitons que ce colloque, comme ceux qui l’ont précédés, soit à la fois pluridisciplinaire et européen, qu’il fasse réfléchir ensemble des chercheurs d’horizons variés et s’intéresse à divers pays de l’Europe. Chercheurs dans les différentes littératures européennes, spécialistes en histoire de l’art, musicologues, historiens, historiens des idées ou des religions sont sollicités pour apporter leur contribution à la recherche commune.
Ce colloque se tiendra à Bordeaux, en mai 2008.
J’en ai confié la préparation à un comité scientifique dont font partie Florence Boulerie (littérature française), Marc Favreau (histoire de l’art) et Eric Francalanza (littérature française). Le texte ci-après, qu’ils ont rédigé, précise les attendus du projet de recherche et dessine ses axes principaux.
L’Extrême-Orient dans la culture européenne
des XVIIe et XVIIIe siècles
Parler d’Extrême-Orient aux XVIIe et XVIIIe siècles peut apparaître comme un curieux anachronisme : le mot lui-même ne figure pas dans les dictionnaires avant la seconde moitié du XIXe siècle. Ainsi, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert incluait ce que nous appelons Extrême-Orient dans un immense ensemble désigné sous le terme d’Orient, lequel recouvrait « toutes les parties du monde qui sont situées à notre égard vers les lieux où nous voyons lever le soleil. Il ne se dit néanmoins communément que de celles qui sont les plus éloignées de nous, comme la Chine, le Japon, le Mogol, et le reste de l’Inde, l’Arabie et la Perse. Les autres dont nous sommes plus voisins, comme les îles de l’Archipel, et les côtes de la Méditerranée, où sont Constantinople, Smyrne, Alep, Seyde, etc. même le Caire, ne sont connues dans le commerce que sous le nom de Levant » (Jaucourt, art. « Orient (commerce) », Encyclopédie, 1765, vol. 11, p. 642). Les pourtours de la Méditerranée sont donc identifiés par un terme spécifique ; en revanche, le reste du monde oriental était-il conçu comme un tout homogène, allant de la Perse à la Chine, sorte de vaste Orient sans extrême ? Que toutes les contrées aient pu être mêlées dans l’imaginaire oriental que développait l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles ne fait guère de doute. Cependant, la spécificité des relations entretenues par les pays européens avec la Chine, le Japon ou le Royaume de Siam, sans oublier le royaume d’Ava, les îles de Ceylan et de la Sonde, tant du point de vue des missions religieuses que des échanges commerciaux, laisse à penser que l’Europe percevait la différence de cet orient de l’Orient. Aussi nous intéresserons-nous à cette conscience de l’Extrême-Orient et à la manière dont elle peut traverser l’Europe du Grand siècle au siècle des Lumières.
Si le phénomène européen de la chinoiserie est bien connu (voir Madeleine Jarry, Chinoiseries. Le rayonnement du goût chinois sur les arts décoratifs des XVIIe et XVIIIe siècles, Paris-Fribourg, Editions Vilo-Office du Livre, 1981 ; Dawn Jacobson, Chinoiseries, London, Phaidon, 1993 ; ou encore la thèse d’Hélène Bélévitch-Stankévitch, Le Goût chinois en France au temps de Louis XIV, 1910), les récits de voyage ont été moins abordés (voir Dirk van der Cruysse, Noble désir de courir le monde. Voyager en Asie au XVIIe siècle, Fayard, 2003 ; Xavier Béguin Billecocq, Henry de Feynes (1573-1647) : le premier Français en Extrême-Orient, Aix-Marseille, thèse de Lettres, 1999 ; Clothilde Pambel-Jacquelard, De Séville à Manille : premiers regards espagnols sur la mer de Chine (1520-1609), Paris IV-Sorbonne, thèse d’Histoire, 2001), ou bien l’ont été dans des études déjà anciennes (Geoffroy Atkinson, Les Relations de voyages du XVIIe siècle et l’évolution des idées. Contribution à l’étude de la formation de l’esprit du XVIIIe siècle, réimpr. Slatkine Reprints, 1972).
Les travaux de Jacques Bésineau (Au Japon avec Joâo Rodriguez (1580-1620), Fondation C. Gulbenkian, 1998 ; Matteo Ricci, Serviteur du Maître du Ciel, Desclée de Brouwer, 2003) ou encore la thèse de Pascale Girard sur Les Religieux occidentaux en Chine à l’époque moderne (EHESS, 1996) ont mieux fait connaître l’œuvre des missionnaires ; mais force est de constater qu’il reste encore beaucoup à faire en ce domaine. Ces récits ainsi que les journaux et les ouvrages des libertins propagent également dans toute l’Europe une représentation de l’Extrême-Orient qu’il convient d’étudier de plus près. D’ailleurs, peu d’ouvrages peuvent offrir une vision panoramique sur les deux siècles et sur l’Europe (l’on pense à Donald F. Lach, Asia in the making of Europe, Chicago-London, The University of Chicago Press, 1965, 2 vol.).
Par ailleurs, en dépit de quelques travaux sur les échanges scientifiques avec l’Extrême-Orient (voir par exemple Jose Antonio Cervera Jimenez, Los Misioneros españoles como via para los intercambios cientificos y culturales entre el Extremo Oriente y Europe en los siglos XVI y XVII, Université de Saragosse, thèse de Sciences, 1998), l’on sait peu, aussi, sur les sociétés savantes et les réseaux orientalistes européens qui se mettent en place dès la fin du XVIIe siècle.
D’autre part, à la suite de l’exposition de l’Orangerie (Phra Narai, roi de Siam et Louis XIV, Paris, 1986), il y a encore à dire sur la présence asiatique en Europe: ambassades des pays d’Extrême-Orient, mais aussi objets, meubles, manuscrits, sans oublier les jardins “anglo-chinois” dont parlait William Chambers en 1781.
Enfin, si l’on connaît assez bien la Chine ou le Japon des philosophes, les études sur la littérature européenne ont surtout traité l’Extrême-Orient comme une variante mineure de l’Orient (voir Pierre Martino, L’Orient dans la littérature française aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Hachette, 1906; Marie-Louise Dufrenoy, L’Orient romanesque en France, 1704-1789, Montréal, Beauchemin, 1946-47). Il conviendrait d’y revenir. De même, le domaine de l’art musical ou celui de la peinture mériteraient de nouvelles recherches.
Les communications s’organiseront autour de trois questions:
1) Par qui et comment l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles prend-elle connaissance de l’Extrême-Orient? Récits de missionnaires, relations de voyage? Ou encore estampes, objets, manuscrits?
2) Comment ce qui vient d’Extrême-Orient est-il mis en circulation dans la culture européenne des XVIIe et XVIIIe siècles? Quelles utilisations, quelles interprétations, quelles adaptations fait-on des objets, images et discours venus d’Extrême-Orient?
3) L’Extrême-Orient incarne-t-il l’Autre, l’étranger lointain, pour les Européens des XVIIe et XVIIIe siècles? Dans quelle mesure le regard que l’Europe porte alors sur l’Asie orientale est-il aussi un regard d’introspection?
Les communications se feront en français. Un projet de communication (titre et résumé d’une dizaine de lignes) pourra être adressé au plus tard le 15 février 2007 à
Charles MAZOUER, UFR des Lettres
charles.mazouer@wanadoo.fr
Le Directeur du Centre de recherches sur l’Europe classique (XVII° et XVIII° siècles),
Charles MAZOUER
15 novembre 2006