Comment écrire pour bien restituer le passage du côté des animaux, pour bien reconstituer des individualités, des sociabilités, pour bien faire saisir et faire ressentir des expériences, des sensations, des vécus différents des nôtres ? La question n’est pas oiseuse, elle est même tout à fait scientifique, contrairement à ce que d’aucuns croient depuis le grand partage instauré entre les sciences et les arts – partage sur lequel d’autres conviennent qu’il faudrait revenir, non pas pour faire ou pour dire n’importe quoi, mais pour mieux faire et mieux dire. D’autant que toutes les sciences sont humaines, avec des questions, des méthodes, des concepts, des lectures forgés par les humains pour parler en l’occurrence d’autres vivants, d’autres animaux.
Tout discours scientifique est aussi une littérature et une mise en scène, même en éthologie comme dans les grands livres d’un Charles Darwin, d’un Jakob von Uexküll, d’une Jane Goodall, d’une Diane Fossey. Dans les autres disciplines, en histoire, en anthropologie, en sociologie, en abordant les animaux pour eux-mêmes, cette question de l’écriture doit être posée, et elle peut l’être avec une grande franchise, à la fois salutaire – il s’agit de ne pas être dupe de l’acte d’écrire – et fructueuse, pour s’en servir comme d’un instrument scientifique supplémentaire.
Ce livre, auquel ont contribué des éthologues, des linguistes, des sémioticiens, des littéraires, des psychologues, des anthropologues et des historiens, s’adresse à tous les chercheurs des sciences de la vie et des sciences humaines – et au public passionné d’animaux.
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Sommaire en ligne via OpenEdition…
Éric Baratay
Introduction. Pourquoi penser l’écriture ?
première partie — Archéologie de l’écriture éthologique
Introduction de la première partie1. Une histoire de mots
Arnaud Zucker
Penser un lexique éthologique pour les animaux : l’apport antique
Fabrice Brandli
« Créer un langage nouveau » ?
Aux origines de l’écriture éthologique (xviiie-xixe siècle)
2. Des lectures aux mots, xxe-xxie siècle
Fabienne Delfour et Raphaël Chalmeau
Les éthologues écrivent-ils du côté des animaux ?
Gérard Leboucher et Michel Kreutzer
Que d’écrits pour décrire les cris d’oiseaux !3. De l’effet des mots
Marie Renoue et Pascal Carlier
Quand l’écriture modalise et modélise la connaissance des comportements animaux
Isabelle George et Clotilde Boitard
Au-delà des mots, quels signes pour transcrire les chants d’oiseaux ?
deuxième partie — Autopsie d’autres écritures
Introduction de la deuxième partie1. Points de vue littéraires
Sophie Milcent-Lawson
Variante physiologique du flux de conscience
Écrire un vécu animal dans la littérature française des xxe et xxie siècles
Myriam White-Le Goff
Écrire du côté d’un porcelet. À la table des hommes de Sylvie Germain2. Points de vue scientifiques
Rémi Luglia
Écrire l’intimité des animaux sauvages, les récits naturalistes, un modèle ?
Alain Rabatel
Les enjeux épistémologiques, éthiques et linguistiques d’une écriture scientifique du côté des animaux et au-dessus d’eux3. Confessions d’auteurs
Nicolas Baron
Cédric Sueur
troisième partie — Essais d’écriture au-delà de l’humain
Introduction de la troisième partie1. Préalables
Fabrice Guizard et Corinne Beck
Écrire du côté de l’animal travailleur : de l’oubli aux essais en histoire médiévale
Catherine Kerbrat-Orecchioni
Anthropomorphisme ou anthropodéni ?
Le vocabulaire animalier en question
Véronique Servais
Comment « bien décrire » une limule ?
Une histoire naturelle augmentée
Florent Kohler
Comment traduire les langages de voisinage ?
Les oiseaux au jardin
Jérémy Clément
Écrire l’histoire d’un cheval de l’Antiquité : Bucéphale avant Alexandre
Éric Baratay
Conclusion particulière. Inventer une écriture ?
Éric Baratay
Conclusion générale. Vers une eth(n)ologie géohistorique des animaux, passés et présentsBibliographie indicativeIndexLes auteurs