Les lettres des Lumières : ressources, réseaux, circulation du savoir (XVe Congrès de l’Association allemande des francoromanistes, Kassel)
Les lettres des Lumières : ressources, réseaux, circulation du savoir
XVe Congrès de l’Association allemande des francoromanistes,
Université de Kassel, 29 septembre – 2 octobre 2026
Les lettres constituent une ressource fondamentale des Lumières. Moyen de communication clé des échanges érudits entre les salons bourgeois et les cercles courtois, elles permettent le transfert des idées ainsi qu’une participation aux débats intellectuels qui se déroulent surtout à Paris comme centre culturel. Dans ce contexte, les progrès de la poste jouent un rôle important dans l’expansion des réseaux de correspondance. En même temps, ces derniers contribuent aussi à la genèse du roman épistolaire qui reflète la perméabilité entre les lettres historiques et les fictions épistolaires en termes de pratiques et modèles discursifs à la mode.
Parallèlement, les lettres se révèlent être non seulement des ressources communicatives, mais aussi épistémiques, agissant comme des médias de production et de circulation du savoir. C’est précisément au XVIIIe siècle que la confrontation (verbalisée) avec des objets culturellement novateurs se déroule dans les lettres. Elles permettent ainsi d’accéder à la res en tant que savoir potentiel, une qualité qui devient déterminante pour aborder les objets du Nouveau Monde et qui renvoie notamment à la notion d’ « ordre du discours » tel que l’a décrit Foucault pour l’époque pré-moderne. Cet aspect de la rencontre avec « l’autre » apparaît clairement, par exemple, dans les romans épistolaires de de Graffigny ou de Montesquieu.
Cette section se penche donc sur les lettres en tant que « Leitmedium » des Lumières en choisissant la perspective de la ressource. À travers les lettres se révèlent des dynamiques de circulation du savoir, des réseaux culturels, des formes résultant de l’hybridation des genres « érudits » et du roman « populaire » ainsi que des aspects de style et des modèles intertextuels (Voiture, Sévigné).
Un premier axe de travail (textualité : discours et genre) portera sur la question des genres et analysera les contacts entre les corpus de lettres historiques et les romans épistolaires. En ce qui concerne l’aspect du genre, on se demandera dans quelle mesure une négociation du savoir contemporain se retrouve dans les lettres, soient-elles factuelles ou fictionnelles. Celles-ci abordent souvent des aspects économiques, coloniaux ou de genre très actuels et les mettent en scène pour un public de cour ou de salon. Un deuxième axe (lettres dans l’action : dispositifs, outils, artefacts) se concentrera sur la dimension médiatique et matérielle des lettres, les pratiques concrètes de l’écriture et de la lecture, mais aussi sur l’insertion des lettres dans des réseaux érudits transnationaux. Un troisième axe (canonisation, archive, gender) sera consacré au canon historique et posera notamment la question des femmes écrivaines et savantes qui cultivaient les lettres et les romans épistolaires, à quoi s’ajouteront les aspects de la possession de livres par les femmes et du mécénat au XVIIIe siècle.
Le cadre théorique et méthodique de la section reprendra les approches établies de l’histoire culturelle et littéraire des Lumières (Elias, Foucault, Starobinski) ainsi que celles de la critique coloniale et économique (Lévi-Strauss, Deleuze/Guattari) toutefois complétées par les aspects de la généalogie technique, de la matérialité des lettres et des pratiques d’écriture concrètes (Latour, Koschorke, Schüttpelz).
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Nous demandons des propositions de contribution en allemand ou en français, les résumés n’excédant pas 500 mots (bibliographie exclue). La soumission des résumés se fait à l’aide du formulaire ci-joint. Veuillez envoyer votre proposition jusqu‘au 31 janvier 2026 (date limite) aux adresses suivantes :
chrmueller.lueneschloss@romanistik.uni-kiel.de, franknagel@romanistik.uni-kiel.de
Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 28 février 2026.
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Bibliographie
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Bru, Thérèse & Solène de la Forest d’Amaillé, Solène (eds.). 2017. Matière à écrire. Les échanges de correspondance du XVIe au XIXe siècle. Vincennes: Presses universitaires.
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Daston, Lorraine (ed.). 2004. Things that talk: Object lessons from Art and Science. New York: Zone Books.
Elias, Norbert. 2019. Die höfische Gesellschaft. Untersuchungen zur Soziologie des Königtums und der höfischen Aristokratie. Berlin: Suhrkamp.
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Grewe, Andrea & Helga Meise (eds.). 2025. Französische Bücher in deutschen Fürstinnenbibliotheken. Konjunkturen des Französischen 1550-1800. Berlin, Heidelberg: Metzler.
Hagengruber, Ruth & Hartmut Hecht (eds.). 2019. Emilie du Châtelet und die deutsche Aufklärung. Wiesbade: Springer VS.
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