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Appel à contributions pour le 5e numéro de la revue Turbulences :

Appel à contributions pour le 5e numéro de la revue Turbulences : "S’entretenir, artistes & chercheur·es en arts aujourd’hui : Matérialité - Praxis - Épistémologie"

Publié le par Léo Mesguich (Source : Sabrina Dubbeld, Anyssa Kapelusz, Arnaud Maïsetti)

Appel à contributions

5e numéro de la revue Turbulences

S’entretenir, artistes & chercheur·es en arts aujourd’hui : 

Matérialité - Praxis - Épistémologie 

 

Résumé : Cet appel à contributions invite les chercheur·es en arts, lettres, philosophie, sciences humaines et sociales à réfléchir aux usages actuels, aux formats et à la réception qui est faite de la parole des artistes, par l’analyse des spécificités de l’entretien entre artistes et chercheur·es. L’approche proposée ici se veut résolument interdisciplinaire et interartistique. Elle cherche : 

- à penser l’entretien comme un objet permettant de questionner ce que le discours des artistes, accompagné ou confronté au regard du/de la chercheur·e, éclaire des pratiques de l’art ; 

- et, au-delà de son statut d’outil ou de moyen, à considérer l’entretien comme un lieu de production spécifique où quelque chose advient dans et par l’échange, et où se tissent des relations inédites qui excèdent les intentions et les attentes initiales des interlocuteur·ices.

 

Appel : La revue Turbulences est une publication numérique annuelle du Laboratoire d’Études en Sciences des Arts (LESA EA 3274) d’Aix-Marseille Université. Celui-ci soutient les recherches et recherches-créations en arts plastiques, théâtre et arts de la scène, cinéma, esthétique et sciences des arts, médiation culturelle des arts, musique et musicologie.

Conçue par des chercheur·es en arts, cette revue vise en outre à valoriser, au sein de chacune de ses publications, la diffusion d’œuvres visuelles, sonores ou vidéographiques. 

L’entretien artiste-chercheur·e constitue aujourd’hui un dispositif de recherche particulièrement privilégié pour appréhender les pratiques artistiques contemporaines – plastiques, théâtrales, chorégraphiques, sonores, textuelles, etc. Ce développement récent témoigne de transformations profondes des arts contemporains et de leur réception. Il révèle également des mutations du rapport entre théorie et pratique, et des évolutions dans les modes de légitimation et de diffusion des arts.

C’est dans ce contexte que le programme « S’entretenir » s’est construit au sein du LESA depuis neuf ans, au cours desquels nous avons expérimenté plusieurs modalités d’échanges avec les artistes et publié des entretiens sous diverses formes. Nous avons questionné à la fois les contextes, les processus de création, les pratiques et les objets produits. À la suite de cette approche principalement expérientielle, il s’agit désormais de faire le point sur ces recherches et d’en interroger les fondements et la portée.

L’entretien tel que nous le pratiquons ne constitue pas un simple moyen – par exemple un moyen d’accès à une vérité qui lui serait extérieure et qui résiderait dans la parole de l’artiste. Il est envisagé en tant qu’objet autonome et dynamique. L’entretien nous intéresse dans la mesure où il devient un lieu de production spécifique par lequel quelque chose advient dans et par la rencontre, et grâce auquel se tissent des relations inédites qui excèdent les intentions initiales des interlocuteur·ices. C’est cette capacité de l’entretien à générer de la pensée dans son propre déploiement, à actualiser les virtualités de l’œuvre par l’échange qui en fait un objet d’investigation à part entière. Comme l’écrit Jean-Luc Nancy, « dans le dialogue, le monde est tissé tout autrement, sans fond ni scène (1) ». C’est cet autrement tissé, dans d’autres temporalités et d’autres espaces, que nous cherchons collectivement à saisir. 

Cette approche nous distingue des entretiens journalistiques ou encore des enquêtes sociologiques quantitatives. Nous posons l’hypothèse que l’entretien artiste-chercheur·e est aussi un dialogue qui participe activement de l’élaboration même de ce dont il traite. En outre, il ne se contente pas de rendre compte des pratiques de création artistique : il informe le discours, l’enrichit, voire l’oriente.

Cette perspective implique une reconsidération fondamentale de la relation entre chercheur·e et artiste. Nous envisageons ainsi l’entretien comme un potentiel de co-construction où s’élabore une pensée « en risque de dérive ou en danger d’improvisation puisqu’un autre le "tient" avec soi (2) », selon l’expression de Louis Marin. La relation entre les interlocuteur·ices voudrait également échapper aux logiques de légitimation mutuelle – l’artiste légitimé·e par la recherche, le/la chercheur·e légitimé·e par l’accès à la « Grande Figure de l’Artiste » – pour ouvrir un territoire d’interlocution inédit.

La singularité de notre démarche tient dans son affranchissement des barrières disciplinaires, d’abord celles qui séparent les arts ; ensuite celles qui isolent les disciplines et leurs méthodologies. De fait, dans d’autres domaines de la recherche, des chercheur·es développent également des manières de s’entretenir qui enrichissent notre approche. C’est dans cette circulation des savoirs, des pratiques et des questionnements que réside la richesse de notre objet d’étude, dont nous souhaitons interroger, dans ce 5e numéro de la revue Turbulences, à la fois la matérialité (formats, supports, traces), la praxis (modalités concrètes de l’échange) et l’épistémologie (production de savoirs spécifiques).

 

Axes de recherche : Les chercheur·es en arts – théâtre et arts de la scène, en cinéma, arts plastiques et sciences de l’art, histoire de l’art, mais aussi en anthropologie, philosophie, esthétique, littérature, socio-linguistique, etc.– sont invité·es à explorer les pistes de réflexion suivantes, sans que celles-ci soient exclusives les unes des autres. 

 

Axe 1 : Fonctions et usages de l’entretien artiste-chercheur·e

Ce premier axe s’intéresse aux entretiens artistes-chercheur·es dans l’économie contemporaine du savoir artistique, et à la façon dont ils peuvent contribuer à la définition et à la légitimation de certaines formes artistiques. 

Ces pistes peuvent être appréhendées selon différentes approches : 

- Interroger l’entretien en tant que moyen de production de connaissances ;

- Questionner la modalité même de l’entretien comme espace tiers et comme potentialité, entre la création, le/la chercheur·e et l’artiste ;

- Constituer un corpus qui vise à éclairer les mutations actuelles dans les processus de création : statut d’auteur·e (individuel ou collectif ?), nature de la création (objet ? performance ? processus ? protocole ? dispositif ? concept ?), enjeux esthétiques, économiques ou politiques de la fabrique et de la réception d’une œuvre aujourd’hui ; 

- Créer un espace de connaissance pour des pratiques qui échappent aux discours (notamment les arts d’interprétation, traditionnellement non-dépositaires du statut d’auteur·e : art de l’acteur·ice, clown, danseur·euse, circassien·ne) ;

- Examiner la considération de cet objet d’étude sur le plan disciplinaire, dans la recherche et la formation, ainsi que dans la méthodologie de la recherche (par exemple, sa place parfois subalterne dans les revues scientifiques) ; 

- Retracer une historiographie de l’entretien artiste-chercheur·e dans le domaine des arts. 

 

Axe 2 : Formats, formes et matérialités de l’entretien

Ce second axe porte sur l’entretien en tant que technique liée à des supports et des matériaux spécifiques (entretiens oraux ou écrits, traces sonores, audiovisuelles, graphiques ou scripturaires), mais aussi en tant qu’espace-temps spécifique (enregistrement ou non, entretien en direct ou différé, à distance ou non, temporalités brèves ou longues). Il soulève plusieurs interrogations : 

- Quelles sont les différentes modalités de fabrique et de transmission de l’entretien artiste-chercheur·e ? 

- Les formats (oral, écrit, vidéo, numérique, etc.) sont-ils à même d’influencer la production du discours artistique ? 

- Peut-on, également, déceler des normes langagières spécifiques à l’entretien artiste-chercheur·e qui dessineraient un idiolecte propre à cette forme d’échange (présence d’expressions métaphoriques ; utilisation d’un répertoire linguistique particulier ; existence de routines ou de règles d’usage communes implicites…) ? 

- Quels enjeux soulèvent les processus d’édition, de montage et de publication des entretiens – notamment les pratiques de transcription et les relations entre formes écrites et formes orales ? Dans ce cadre, pourraient être notamment questionnées les différentes formes de restitution : polyphonies graphiques, mises en forme artistique, présentations partitionnées…

- Comment, également, appréhender la dimension performative de l’entretien, expérimenter toutes sortes de modalités d’échanges avec l’artiste, voire concevoir des entretiens performés ? 

- Comment, enfin, penser les éventuels écueils de l’entretien : entretiens ratés, refus du dialogue, asymétries, rapports de force, situations de vulnérabilité ; et réfléchir à une éthique de l’entretien qui favoriserait une co-construction de l’échange ? 

 

Axe 3 : La réception des entretiens

Ce troisième axe s’intéresse à la fortune des entretiens artistes-chercheur·es du côté des lecteur·ices. Il invite à réfléchir à l’enjeu de la réception des entretiens : 

- Pourquoi, au cours d’une recherche, le format de l’entretien s’impose-t-il plutôt que celui de l’article ? 

- Quel intérêt, quel plaisir suscite la lecture des entretiens ? (Place de l’intimité, découvrir autrement la pensée d’un·e artiste, sa langue, les déplacements et désajustements que l’entretien produit) ; 

- Quelles expériences sensibles, sensorielles et affectives les entretiens artistes-chercheur·es produisent-ils ? (Images mentales, sensations sonores et haptiques, par exemple liées à l’écoute de la voix, aux signes de présence corporelle, etc.) ;

- Comment les différents médias de diffusion produisent-ils des transformations dans la façon de percevoir les entretiens ? 

- Enfin, comment les entretiens artistes-chercheur·es s’inscrivent-ils dans les politiques d’exposition, de conservation et de restauration et quelles questions ces éléments soulèvent-ils quant à la pérennisation de l’œuvre ? 

 

Cet appel est ouvert à des articles de recherche et de recherche-création. Le format numérique de la revue Turbulences offre aux chercheur·es la possibilité de soumettre des documents audiovisuels et sonores libres de droits en complément des textes.

 

Calendrier et modalités de soumission :

Turbulences est une revue en open access à comité de lecture. Les langues de publication acceptées sont le français, l’anglais, l’espagnol, le catalan, l’italien et le néerlandais.

Les chercheur·es désireux·euses de contribuer à ce numéro sont invité·es à soumettre une proposition (en français ou en anglais) de 5000 signes (maximum) et de l’envoyer, conjointement, à Sabrina Dubbeld (sabrina.dubbeld@univ-amu.fr), Anyssa Kapelusz (anyssa.kapelusz@univ-amu.fr) et Arnaud Maïsetti (arnaud.maisetti@univ-amu.fr), au plus tard le 15 décembre 2025. 

Outre le résumé, celle-ci comprendra un titre, 3 à 6 mots-clés et une courte biobibliographie de l’auteur·e.

 

Dates récapitulatives : 

- Rendu des propositions : 15 décembre 2025

- Retour aux auteur·es sur les propositions d’articles : 18 janvier 2026

- Rendu des articles : 1er septembre 2026

- Publication du 5e numéro de la revue : avril 2027

> Lien vers la Revue https://turbulences-revue.univ-amu.fr/

 

Direction scientifique de Turbulences #5 : 

Sabrina Dubbeld - MCF Histoire et théorie de l’art contemporain

Anyssa Kapelusz - MCF Études théâtrales et arts de la scène

Arnaud Maïsetti - MCF Études théâtrales et arts de la scène

 

Comité de rédaction de Turbulences : Jean Arnaud (PR émérite Arts Plastiques), Sabrina Dubbeld (MCF Histoire et théorie de l’art contemporain), Jean-Michel Durafour (PR Cinéma), Anna Guilló (PR Arts Plastiques), Anyssa Kapelusz (MCF Théâtre et Arts de la scène), Magalie Martin (Doctorante contractuelle Arts Plastiques), Marie Rebecchi (MCF Cinéma), Marie Renoue (MCF HDR en Sciences de l’Art). 

 

(1)   Jean-Luc Nancy, Journal des Phéniciennes, Paris, Christian Bourgois Éditeur, Collection Détroits, 2015, p. 24.

(2)   Louis Marin, De l’entretien, Paris, Minuit, 1997, p. 12.