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Alternance codique : diversité des contextes et perspectives (Marrakech, Maroc)

Alternance codique : diversité des contextes et perspectives (Marrakech, Maroc)

Publié le par Marc Escola (Source : Lahcen Kaddouri)

 « Alternance codique : diversité des contextes et perspectives »

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines-Marrakech

13 et 14 Avril 2026

Il existe sur la planète presque 7000 langues et environ 200 Etats reconnus par l’Organisation des Nations Unies. Un simple calcul dévoile qu’il y aurait théoriquement à peu près 30 langues par pays. Ce qui signifie que le plurilinguisme est la règle et le monolinguisme est l’exception. D’ailleurs, la majorité des locuteurs parlent actuellement plus d’une langue. Ajoutons que dans un monde de plus en plus connecté, les langues sont aujourd’hui en contact ininterrompu. Le lieu de ce contact peut être le locuteur ou la communauté linguistique.

Pour décrire la coexistence des langues, plusieurs concepts ont été développés par des chercheurs. Les principaux termes utilisés sont le bilinguisme, la bilingualité, le plurilinguisme, le multilinguisme, la diglossie, le contact des langues et le répertoire linguistique. Et pour décrire les effets et les conséquences des langues en contact, on avance plusieurs termes qui renvoient à la même réalité, à savoir le passage d’une langue à une autre dans les interactions entre les différents codes aussi bien au niveau individuel qu’au niveau sociétal. Il s’agit principalement de l’emprunt linguistique, du calque, des interférences linguistiques et de l’alternance codique ou le code switching.

L’alternance codique est généralement utilisée comme hyperonyme caractérisant toute situation de coexistence de deux ou plusieurs langues. Sophie ALBY avance que ‘‘Le terme d’alternance codique […] est considérée […]  comme un terme générique rendant compte d’un grand nombre de terminologies en français : alternances de langues, alternances codiques, mélange de langues, mélange codique, marques transcodiques, incorporation (Boyd, Andersson et Thornell, 1991), bouée transcodique, structures mixtes (Canut, 2002), etc. ; et en anglais : code-switching / codeswitching / code switching, code-mixing, language alternation, intra-sentential code switching, inter-sentential  code switching, extra sentential  code switching, odd switching (Gardner-Chloros, 1991), tag-switching, situational switching et metaphorical switching (Blom et Gumperz, 1972), conversational switching (Gumperz, 1989), language mixing (Auer, 1999), emblematic switching (Milroy et Muysken, 1995), fluent code-switching (ou skilled code-switching) / flagged switching (Poplack, 1988), etc.’’(2013 :43). L’alternance codique (ou le code switching) renvoie donc à une diversité terminologique pour décrire toute situation des langues en contact. Pour ce faire, les études de ce champ de recherche sont très abondantes à tel point qu’il est difficile de les présenter de manière exhaustive. Nous assistons alors à un foisonnement de ses définitions, de ses typologies, de ses fonctions, des règles de son fonctionnement, etc. 

L’alternance codique tend à être un objet d’étude autonome. En effet, plusieurs linguistes la considèrent comme un système linguistique propre aux locuteurs multilingues. C’est le cas de HAMERS et BLANC qui jugent le code swiching ou le code mixing comme un code propre aux bilingues (1983 :197). Des études se multiplient (depuis Weinreich 1953) pour expliquer son fonctionnement. Elles s’inscrivent dans des sous disciplines linguistiques (morphosyntaxe, phonologie/phonétique, sémantique, etc.), mais elles s’inspirent aussi d’autres domaines de recherche (psychologie, communication, sociologie, ethnologie, didactique, etc.). Ces travaux relèvent d’une approche pluridisciplinaire dans le but de mieux saisir le fonctionnement de l’alternance codique.

Certains linguistes traitent l’alternance codique comme une langue naturelle en la considérant comme un système linguistique autonome. Ils adoptant la démarche de la linguistique descriptive en se basant sur des corpus des paires des langues en contact pour décrire de manière objective les règles de fonctionnement du code switching.  Des modèles théoriques ont été élaborés pour identifier les aspects structuraux de l’alternance codique et décrire les niveaux et les modes de son insertion (les types de l’alternance codique). Ces modèles linguistiques s’intéressent principalement au volet morphosyntaxique de l’alternance codique en essayant d’établir sa grammaire tout en se basant sur les deux présupposés méthodologiques incontournables pour les linguistes, à savoir l’ordre et la structure. Soulignons que les principaux modèles qui s’intéressent à ce volet d’étude sont le modèle linéaire, le modèle du gouvernement et les approches insertionnelles. 

L’alternance codique est un axe fondamental dans les études sociolinguistiques qui s’intéressent essentiellement aux facteurs et aux fonctions du changement des langues dans des contextes variés. Les sociolinguistes considèrent le code switching comme une stratégie communicative propre aux locuteurs bilingues qui passent d’une langue à une autre de manière planifiée pour arriver à un objectif communicatif. Les contextes sociolinguistiques de l’alternance codique sont très variés, d’où l’abondance des paradigmes sociolinguistiques explicatifs de ce phénomène des langues en contact et la difficulté de les présenter de manière exhaustive. A titre d’exemples, nous citons les travaux des chercheurs suivants : Penelope GARDNER (1985), John GUMPERZ (1989), GROSJEAN (1983), George LUDI et Bernard PY (2003), Shana POPLACK (1980), SCOTTON et URY (1977), Bernard ZONGO (2004), etc.

D’un autre côté, certains chercheurs considèrent l’alternance codique comme une ressource spécifique aux locuteurs multilingues qu’il faut bien exploiter dans les opérations d’enseignement et d’apprentissage. Leur argument est que le répertoire linguistique d’un locuteur multilingue n’est pas une juxtaposition des monolinguismes, mais toutes les langues acquises interagissent et contribuent à la construction de sa compétence communicative  (l’approche plurilingue). La question didactique de l’alternance codique apparait dans des situations d’acquisition des langues secondes et étrangères, où les langues antérieurement acquises favorisent l’intériorisation des nouvelles langues (Causa 2002, Blanchet 2011, etc.). En outre, le code switching constitue également un potentiel acquisitionnel dans l’enseignement et l’apprentissage des Disciplines dites Non Linguistiques, notamment dans des situations du changement des langues d’enseignement et de fracture linguistique (Gajot 2007, Duverger 2011, Messaoudi 2013, etc.).

L’alternance codique est la conséquence directe de l’aménagement linguistique dans certains territoires plurilingues. D’abord, l’ingénierie linguistique adoptée accorde une distribution fonctionnelle aux différentes langues dans la société (la macro alternance). Parfois les langues locales ne sont pas bien instrumentalisées et sont confinées dans les espaces informel et privé. Quant aux langues internationales, elles sont véhiculaires dans les espaces formels (l’administration, le tissu économique, l’enseignement, la recherche scientifique et technique, etc.). Ce qui impacte souvent et directement les conversations ordinaires des locuteurs dans les sphères de la vie quotidienne qui mélangent toutes les langues en contact dans leur territoire (la micro alternance). Le mélange des langues locales et des langues étrangères apparait également quand on veut instrumentaliser les langues locales en recourant au lexique spécialisé des langues étrangères (le technolecte savant, Messaoudi 2023). De même, les locuteurs recourent parfois aux langues étrangères, en les adaptant souvent aux structures de leurs langues locales, dans leurs pratiques langagières orales dans les différents domaines de leurs activités (technolecte ordinaire, Messaoudi 2023). 

De nos jours, avec la numérisation des sociétés, le monde est devenu un “village global” où les langues en contact dépassent largement les frontières politiques des États. Les interactions entre des locuteurs issus de milieux sociolinguistiques éloignés s’intensifient, notamment dans les espaces numériques (réseaux sociaux, forums, messageries instantanées). L’alternance codique y apparaît avec une fréquence accrue, servant tantôt à marquer une identité ou une appartenance, tantôt à pallier un manque lexical ou à jouer sur les registres. Ces pratiques, particulièrement visibles dans l’écrit numérique (posts, tweets, chats), renforcent le mélange entre langues locales et langues internationales, en particulier dans les échanges à dimension culturelle ou identitaire. 

La littérature est également un lieu de rencontre de plusieurs langues. Par désir d’expressivité, l’écrivain peut recourir à toutes les ressources langagières dont il dispose. L’hybridité linguistique apparaît clairement dans des œuvres dont la langue d’édition est différente des langues locales de leurs auteurs. En effet, souvent le contenu de ces œuvres renvoie à un contexte culturel étranger à la langue d’écriture, et par conséquence certaines expressions culturelles difficiles à traduire, ou non traductibles, (proverbes, adages, expressions figées, etc.) sont intégrées au texte dans leurs langues d’origine. Toutefois, pour clarifier le sens de ces expressions au lecteur, l’auteur passe de nouveau à la langue d’écriture (en glose, entre parenthèses, sous forme d’un pléonasme, etc.). Le maniement de l’alternance codique est alors un procédé qui permet à l’écrivain de marquer les différences sociales et culturelles et la création d’un texte polyphonique et plurilingue.

Le présent appel à communication a pour objectif principal d’examiner la validité des paradigmes théoriques déjà élaborés en appelant les chercheurs à l’analyse de nouveaux corpus des langues en contact dans des contextes variés et dans une perspective pluridisciplinaire. L’objectif est de proposer de nouvelles perspectives théoriques qui pourraient expliquer le fonctionnement des nouvelles paires des langues en contact au cas où les modèles théoriques actuels paraitraient insuffisants. Les contributions proposées peuvent également porter sur des nouvelles propositions de catégorisation et de classification des études de l’alternance codique pour dépasser les lacunes qui pourraient exister dans celles déjà reconnues dans la littérature du code switching, notamment celles de Ndiassé THIAM (1997) et de Bernard ZONGO (2004). De même la description des changements linguistiques et des nouveaux parlers issus des langues en contact sera d’une grande richesse à cette manifestation scientifique.

Les axes thématiques (non exhaustifs) de ce colloque sont :

-        Linguistique de l’alternance codique ;

-        Etude pragmatique et fonctionnelle de l’alternance codique dans des contextes variés ;

-        Didactique de l’alternance codique ;

-        L’alternance codique dans les discours médiatiques et numériques ;

-        L’alternance des langues et la question de l’aménagement linguistique ;

-        L’alternance codique et les technolectes ;

-        Alternance codique et écriture littéraire ;

-        Alternance codique, mobilité, migration et inclusion.

Modalités de soumission 

Les propositions de communication doivent être rédigées en version Word et en version PDF.  Elles doivent contenir les informations suivantes :

-        Auteur : nom et prénom, statut, établissement d'attache, adresse email et numéro de téléphone ;

-        Axe choisi ;

-         Intitulé de la communication ;

-         Le résumé de la communication doit être entre 300 et 500 mots maximum ;

-        Les mots clés (5 mots maximum)

-        Bibliographie sélective (cinq références maximum)

Les propositions de communication seront envoyées à l'adresse suivante : alternancecodique2026@gmail.com   Les langues du colloque sont le français, l'arabe et l'anglais.

Dates à retenir 

-  Date butoir de soumission des propositions : 08/01/2026

-  Retour des propositions aux auteurs : 31/01/ 2026

-  Envoi des textes des communications : 28/02/2026

-  Le colloque aura lieu à la FLSH de Marrakech les 13 et 14 avril 2026.

Comité scientifique 

-  Lalla Khadija ALAOUI YOUSFI, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Abdeljalil AMIME, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Abdelaziz AMRAOUI, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc :

-  Fatima Ezzahra BENKHELLOUQ, FLAM, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Abdelilah BENTHAMI, FLSH, Université Abdelmalek Essaâdi, Maroc ;

-   Abdellah BOUNFOUR, Professeur des Universités Emérite, INALCO, Paris, France 

-  Samir BOUZRARA, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Dominique CAUBET, Professeure des Universités Emérite, INALCO, Paris, France ;

-  Hafida El AMRANI, Université Ibn Tofaïl, Kenitra, Maroc ;

-  Yassine EL HAJOUBI, FSJES, UCA, Marrakech, Maroc

-  Abdeljalil HANOUCHE, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Lahcen KADDOURI, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc

-  Leila KHATEF, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Mustapha KHIRI, FPE, Université Moulay Ismail, Maroc ;

-  Aziz KRIM, FPE, Université Moulay Ismail, Maroc ;

-  Abderrahmane KICH, FLSH, Université Hassan II, Casablanca, Maroc ;

-  Mohamed LAHLOU, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Rabia MAAROUFI, FLSH, Université Ibn Zohr, Agadir, Maroc ;

-  Leila MESSAOUDI, Université Ibn Tofaïl, Kenitra, Maroc ;  

-  Kamal NAÏT ZERRAD, INALCO, Paris, France ;

-  Ali OUASSOU, Université Ibn Tofaïl, Maroc

-  Amal OUSSIKOUM, FLSH, Université Sultan Moulay Slimane, Beni Mellal, Maroc

-  Mounir OUSSIKOUM, FLSH, Université Sultan Moulay Slimane, Beni Mellal, Maroc.

-  Souad OUSSIKOUM, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc.

-  Bernadette REY MIMOSO-RUIZ, Professeur des Universités Emérite, Institut Catholique de Toulouse, France

-  Moulay Abdelaziz SABTI, FLAM, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Noureddine SAMLAK, FLAM, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Rahma TAOUFIQ, FLSH, Université Chouaib Doukkali, Maroc ;

-  Hassan TAKROUR, FP de Safi, UCA, Maroc

-  Karima ZIAMARI, Université Moulay Ismail, Meknès, Maroc

 Comité d'organisation 

-  Yassine BAGGAR ; LCP-V, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Yassine EL HAJOUBI, LCP-V, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-  Lahcen KADDOURI, LCP-V, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc ;

-   Leila KHATEF, LCP-V, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc.

-   Souad OUSSIKOUM, LCP-V, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc.

-   Les doctorants du laboratoire LCP-V, FLSH, UCA, Marrakech, Maroc.

Comité de coordination 

- Yassine EL HAJOUBI, LCP-V, FLSH, UCA ;

- Lahcen KADDOURI, LCP-V, FLSH, UCA ;

- Leila KHATEF, LCP-V, FLSH, UCA ;

- Souad OUSSIKOUM, LCP-V, FLSH, UCA ;

 

Bibliographie sélective

-      ALBY. S, Alternances et mélanges codiques, in Sociolinguistique du contact. Dictionnaire des termes et concepts, Sous la direction de J. SIMONIN et S. WHARTON, ENS EDITIONS, Lyon (France), 2013.

-      AMRAOUI. A, Le roman marocain francophone et l’alternance codique, in Estudios Romanicos, Volumen 32, 2023.

-      BENZAKOUR. F, GAADI. D, et QUEFFELEC. A, Le français au Maroc. Lexique et contact de langues, De Boeck , Bruxelles, 2000.

-      BOCAR. A. P, Le xénisme comme stratégie d’appropriation du français dans le roman sénégalais contemporain, Actes du colloque ‘‘Appropriation de la langue française dans les littératures francophones de l’Afrique subsaharienne, du Maghreb et de l’Océan indien, Dakar, publication de l’AUF, 2006

-      BOREL. S, Langues en contact-Langues en contraste. Typologie, plurilinguismes et apprentissages, collection « Mehrsprachigkeit in Europa / Multilingualism in Europe », volume 4, Peter Lang, Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, 2012.

-      CANUT. C et CAUBET. D, Comment les langues se mélangent : Code-switching en francophonie, édition l’Harmattan, Paris, 2002.

-      CAUBET. D, Alternance de codes au Maghreb : pourquoi le français est-il arabisé ? in Alternance des Langues et apprentissage en contextes plurilingues, Plurilinguismes, N°14, CERPL, Paris V, 1998.

-      CAUSA. M, L’alternance codique dans l’enseignement d’une langue étrangère : stratégies d’enseignement bilingue et transmission de savoir en langue étrangère, Peter Lang, Berne, 2002.

-      DABENE. L, Alternance codique : enjeux socioculturels et identitaires, in Revue LIDIL n° 18, Université Stendhal, Novembre 1998.

-      GUMPERZ. J, Sociolinguistique interactionnelle. Une approche interprétative, L'Harmattan, Paris, 1989.

-      HAMERS.J-F et BLANC. M, Bilingualité et bilinguisme, Mardaga, Bruxelles, 1983.

-      HELOT. Ch, Du bilinguisme en famille au plurilinguisme à l’école, L’Harmattan, Paris, 2007.

-      Gajo, L. & Steffen, G, Didactique du plurilinguisme et alternance de codes : le cas de l’enseignement bilingue précoce. Canadian Modern Language Review / Revue canadienne des langues vivantes 71/4, 2015.

-      KADDOURI. L, L’alternance codique est-elle un système linguistique autonome ? in Revue Linguistique et Référentiels interculturels, Volume 2, n°1, 2021.

-      KADDOURI. L, L’alternance codique générée par le berbère en contact avec l’arabe marocain, l’arabe standard et le français : de quelques aspects morphosyntaxiques, in Revue des Etudes Berbères, N° 10, INALCO, Paris, 2016.

-      MYERS-SCOTTON. C, Duelling languages : grammatical structure in code swiching, Clarendon Press, Oxford, 2002.

-      THAMIN. N, Dynamique des répertoires langagiers et identités plurilingues de sujets en situation de mobilité, Thèse de doctorat, Université Stendhal-Grenoble III, France, 2007.

-      ZIAMARI. K, Le code swiching au Maroc L’arabe marocain au contact du français, L’Harmattan, 2008.

-      ZONGO. B, Alternance des langues et stratégies langagières en milieu d’hétérogénéité culturelle : vers un modèle d’analyse, publications d’Université de Rouen, France, 2007.