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Plurilinguisme, insularité, écritures littéraires et créations artistiques (Djerba, Tunisie)

Plurilinguisme, insularité, écritures littéraires et créations artistiques (Djerba, Tunisie)

Publié le par Marc Escola (Source : Chokri Rhibi )

Le département des langues étrangères de l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Médenine, Université de Gabès. Tunisie

Laboratoire Dynamique du Langage In Situ. Université de Rouen Normandie 

Laboratoire Savoirs, Langage et Traitement Automatique et intelligent. Université de Sfax

Laboratoire Ecole et Littérature, Université de Sousse

organisent un colloque international

Plurilinguisme, insularité, écritures littéraires et créations artistiques

Djerba, les 22,23 et 24 décembre 2025

« Je suis un arbre qui parle. Mes racines sont enfoncées profondément dans la terre d’Haïti. Mes branches cherchent l’espace et la lumière. » Frankétienne, Les Affres d’un défi, 1979.

L'insularité, conçue comme un espace géographique, linguistique, culturel et mental, agit comme un catalyseur unique pour l'émergence de formes littéraires et artistiques plurilingues et transforme la contrainte linguistique en une force créative et identitaire. L'insularité crée un espace paradoxal, lequel est à la fois un isolat propice à la conservation et un carrefour ouvert aux influences externes. Ce double mouvement fait de l'île un laboratoire exceptionnel pour observer la dynamique des langues et leur expression dans les arts. Le plurilinguisme n’y est pas une simple superposition de codes linguistiques, mais une matrice fondamentale de la création. 

L'insularité : un écosystème linguistique et culturel unique 

La contrainte comme creuset : l'espace limité de l'île intensifie les contacts entre les langues et les cultures insulaires quel que soit le statut de la langue. Cette promiscuité linguistique produit et structure les interactions, les contacts, les mélanges et les créations hybrides. 

Le double rapport à l’espace : l'île est pensée à la fois comme un espace fermé (frontières naturelles, protection des particularismes linguistiques et culturels, conservation du patrimoine historique…) et ouvert (porte d'entrée des navires, des empires, des cultures, lieu de refuge…). Cette dialectique intérieur/extérieur et ouvert/fermé façonne les pratiques langagièreset leur donne sens. Les expressions littéraires et artistiquesqui en découlent sont constamment tiraillées entre l'enracinement et l'ouverture.

La question de la légitimité : dans un contexte post-colonial, les langues s'inscrivent dans une hiérarchie implicite (langue dominante de l'ancien colonisateur vs langues dominées ou vernaculaires). L'écriture littéraire etla production artistique deviennent un champ de bataille pour déconstruire cette hiérarchie et affirmer la valeur esthétique de toutes les langues en présence quel que soit leur statut. 

Stratégies d'écriture et de création plurilingue 

Face à ce paysage linguistique complexe mais d’une richesse inouïe, les artistes et écrivains insulaires développent des stratégies pour transformer cette contrainte en richesse. Prenons à titre d’exemple, le contexte créole, on parle souvent de créolisation, laquelle est une sorte de mélange et de métissage linguistique et culturel. N’est-ce pas Patrick Chamoiseau (Martinique) qui écrit dans un français dit « créolisé », intégrantdes structures syntaxiques, des lexiques et une oralité du créole. Son œuvre n'est ni totalement en français ni totalement en créole, mais dans unevariété qui invente sa propre tonalité musicale en se nourrissant des deux univers linguistiques. · Quant à Édouard Glissant, il a théorisé la « créolisation » comme un processus mondial de mise en contact des cultures qui produit de « l'imprévisible », l’île en étant le paradigme. 

Par ailleurs, l'écriture littéraire peut intégrer la traduction en son sein (un mot en créole ou en arabe suivi de sa « traduction »(en français, anglais, arabe…) ou inversement), non pas pour soumettre une langue à une autre, mais pour les faire dialoguer d'égale à égale. Cela crée un rythme et une pédagogie du texte précieux pour le lecteur. L’écriture insulaire n’est pas un nouveau système d’écriture mais une pratique stylistique et orthographique propre aux écrivains insulaires. Nassur Atoumani (Mayotte), par exemple, écrit dans une langue française teintée de fortes influences créoles et comoriennes (shimaore) à la fois dans le lexique, la syntaxe et la musicalité. C’est en quelque sorte une transcription du shimaore de Mayotte dans la structure écrite du français. L’écrivain déforme délibérément le français standard pour épouser la phonétique, la grammaire ou les tournures des langues locales. Les écrivains insulaires jouent avec les langues, détournent les proverbes et expressions idiomatiques, mélangent les registres de langue (soutenu/très familier) et créent des formes hybrides vivantes, subversives et satiriques. Cette écriture n’est pas un simple folklore, c’est un acte politique et culturel et une affirmation identitaire forte refusant de se soumettre à la norme d’un idiome académique, perçu comme la langue dominante de l’ancien colonisateur. L’œuvre des écrivains insulaires (Caraïbes, océan Indien, Méditerranée, Pacifique, etc.) s’inscrit plus largement dans une écriture exprimant une réalité unique et constituant une forme de résistance contre l’uniformisation linguistique et culturelle.

Cependant, cette interaction entre les langues au sein des espaces insulaires ne concerne pas que les écritures mais touchent les productions orales aussi : si, par exemple, la poésie de Derek Walcott (Sainte-Lucie) est profondément influencée par le rythme et la sonorité de l'anglais parlé dans les Caraïbes, cellesd’Aimé Césaire (Martinique), d’Edouard Maunick (Maurice), de Jean-Joseph Rabearivelo (Madagascar), de Boris Gamaleya (La Réunion), de Camille Olivier Monchoachi (Martinique), de Frankétienne (Haïti), et de bien d’autres, sont conçues pour être dites à voix haute, avec la cadence et les accents des îles, pour être criées, chantées, performées. Les jeux de mots, les onomatopées et le rythme sont centraux. C’est une poésie riche, vivante, qui puise constamment ses références dans la parole métissée, les contes, les chants et la transmission orale. Ce qui caractérise fondamentalement cette poésie insulaire, c’est qu’elle n’utilise pas les langues locales comme une simple couleur, mais en faisant acte de résistance culturelle, elle les élève au rang de langues littéraires.

Plurilinguisme et créations artistiques

L’histoire des espaces insulaires est souvent marquée par la colonisation, les migrations et les échanges. Les îles sont des creusets où se côtoient et se mélangent plusieurs langues. Des Caraïbes à l'océan Indien et de la Méditerranée au Pacifique, les artistes insulaires transforment cette contrainte historique en une formidable ressource esthétique et identitaire.

En musique, les paroles plurilingues sont récurrentes. Un même morceau peut mêler créole, français et anglais (le zouk ou le seggae des Mascareignes) ou maltais et anglais (la musique maltaise moderne). Chanter en créole fut longtemps un acte de résistance culturelle (le gwo ka en Guadeloupe, le maloya à La Réunion). À cela s’ajoute la fusion des styles dans la mesure où la diversité linguistique va de pair avec la fusion musicale (reggae, soul, rythmes traditionnels), créant des genres nouveaux. Par ailleurs, dans le théâtre, le cinéma, la peinture, la sculpture et le cinéma insulaires, la thématique de l’identité multiple, du métissage et de la mémoire est centrale. L’œuvre visuelle peut être une langue en soi pour exprimer l’hybridité.

Enjeux identitaires et politiques 

L'écriture plurilingue dans un contexte insulaire est un acte profondément politique. Il s’agit de l’affirmation d'une identité complexe qui refuse le choix binaire (être « créole » ou « français », « arabe » ou « français ») et revendique une identité multiple, composite et dynamique. Elle est l'expression d'une « identité-relation », pour reprendre l’expression d’Edouard Glissant, qui se construit dans le rapport à l'autre. 

Cette écriture décolonise la langue et l'imaginaire en s'appropriant la langue du colonisateur en latorsadant, en la mélangeant. Elle lui retire son pouvoir dominateur pour en faire un outil de libération. Elle crée un nouvel idiome qui appartient en propre à la culture insulaire. Dans un monde largement globalisé, la résistance à l'uniformisation devient incontournable, la pratique artistique se met au service de la diversité culturelle et linguistique. Les défis qu'elle affronte (cohabitation des langues et des cultures, enjeux identitaires, rapports à l'histoire complexes…) sont ceux de la planète en réduction. Sa production littéraire et artistique, née de la contrainte insulaire, offre ainsi des outils précieux pour penser la complexité du monde contemporain (Glissant). L'écriture plurilingue n'est pas un artifice exotique mais une nécessité intérieure pour des artistes qui portent en eux plusieurs mondes et qui inventent, pour les dire, un langage nouveau à l'image de leur identité : archipélique, connectée et multiple. L’écriture plurilingue transforme la fragilité linguistique en une force poétique et politique majeure.

Axes de recherche

1.     L’île comme espace de contacts et de métissages linguistiques et culturels

2.     Esthétique et poétique de la fragmentation et du métissage

3.     Le plurilinguisme dans le texte (hybridation des langues et des signes)

4.     Déconstructions identitaires : entre enracinement et archipélisation

5.     Les enjeux d’une didactique insulaire : quelle place pour la diversité linguistique ?

6.     La traduction comme métaphore de la condition insulaire

7.     Exil, migration et mémoire : l’île comme lieu de départ (diaspora) et comme lieu d’arrivée (migration)

8.     Plurilinguisme et créations artistiques

9.     Études de cas (les Caraïbes, les îles de l’océan Indien, les îles méditerranéennes…)

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 Les propositions de communication, d’environ une page, (titre et résumé) accompagnées d'une courte notice biographique sont à envoyer uniquement par voie électronique avant le 15 novembre  2025 à l'adresse suivante:  colloque.plurilinguisme.djerba@gmail.com   

Inscription : Les participants procèderons à l'inscription une fois leur proposition acceptée

Les frais de participation : (hébergement [3 nuitées] dans un hôtel sur l'île de Djerba, Tunisie),  pauses café, pack du colloque et publication des actes) : 

·         350 euros pour les non-Maghrébins
·         550 dinars TND pour les Tunisiens et les Maghrébins

Frais de participation (sans hébergement) :
·         150 euros pour les non-Maghrébins
·         250 dinars TND pour les Tunisiens et les Maghrébins 

Les frais d’inscription sans hébergement couvrent les pauses café, le déjeuner et le pack du colloque. 

Le déplacement restera à la charge des communicants.

Langues du colloque : français et anglais

Calendrier

15 novembre 2025 : dernier délai pour réception des propositions de communication
20 novembre 2025 : notification aux auteurs
22,23 et 24 décembre 2025 : déroulement du Colloque international
2026 : publication 

COMITE SCIENTIFIQUE

-Foued Laroussi, Université de Rouen. France

-Akinci Mehmet-Ali, Université de Rouen. France
-Chokri Rhibi, Université de Gabès. Tunisie

-Nizar Ben Saad,Université de Sousse. Tunisie
-Nedjma Cherrad, Université de Constantine. Algérie
-Ramzi Turki, Université de Sfax. Tunisie
-Mounir Triki, Université de Sfax. Tunisie
-Mokhtar Farhat, Université de Gafsa. Tunisie
-Mustapha Trabelsi, Université de Sfax.Tunisie
-Hassen Amdouni, Université de Jendouba. Tunisie

-Lassad Kalai, Université de Carthage. Tunisie

-Saloua Béji Ben Hmid, Université de Kairouen. Tunisie

COMITE D'ORGANISATION

-Awatef  Boubakri (Université de Gabes)
-Faouzi Horchani (Université de Gabes)
-Mehdi Boujlida (Université de Gabes)
-Jamel Zaidi (Université de Gabes)
-Mourad Abdelkébir (Université de Gabes)
-Bilel Salem ( Université de Carthage)
-Nouseiba ouakaoui (Université de Tunis)
-Feten Boubakri (Université de Gabes)

-Afifa Zaghouani, (Université de Gabes)