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Appels à contributions
Imagination opérationnelles. Trajectoires matérielles, technologiques, politiques (revue Chiasmi International. Phénoménologie contemporaine et études sur Merleau-Ponty)

Imagination opérationnelles. Trajectoires matérielles, technologiques, politiques (revue Chiasmi International. Phénoménologie contemporaine et études sur Merleau-Ponty)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Anna Caterina Dalmasso)

Appel à contributions

Chiasmi International. Phénoménologie contemporaine et études sur Merleau-Ponty, n. 28 / 2026 

Imagination opérationnelles.. Trajectoires matérielles, technologiques, politiques

sous la direction de Anna Caterina Dalmasso, Sofia Pirandello, Danilo Saretta Verissimo

La manière de concevoir l’imagination est marquée par plusieurs alternatives radicales : s’agit-il d’une faculté qui s’active dans la simulation ou d’une dimension fondatrice de notre rapport au monde ? Est-elle l’expression de la fantaisie ou un élément essentiel dans la construction du réel ? Une représentation mentale ou une expérience préréflexive ? Une capacité autonome ou une pratique matérielle et située ? Est-elle à l’origine de la production d’images ou, au contraire, en dérive-t-elle ? Ces polarités ont acquis une nouvelle importance avec l’émergence du paysage médiatique contemporain, remettant en question une économie de l’imagination que la philosophie est appelée à comprendre dans son historicité.

Le régime médiatique numérique a en effet entraîné une saturation des images et normalisé l’accès à des mondes virtuels, désormais intégrés à nos pratiques quotidiennes. En même temps, les dispositifs technologiques affectent la normativité des corps et des discours, produisant ou radicalisant de nouvelles formes de colonisation du regard à travers des stratégies de captation de l’attention. Ces transformations ouvrent ainsi de nouvelles interrogations, remettant en question certaines coordonnées conceptuelles fondamentales : comment notre rapport sensible avec les dispositifs, les interfaces et les environnements multisensoriels redessine-t-il l’activité imaginative ? Comment notre manière d’imaginer évolue-t-elle au contact d’images interactives et habitables ? Les pouvoirs de l’imagination semblent vertigineusement accrus, mais ne finissent-ils pas par s’atrophier secrètement ? Il s’agit d’interroger les pouvoirs de l’imagination, sa relation à la perception et à l’action, son ouverture à la pensée de l’invisible et de l’inimaginable.

Le dossier “Imagination opérationnelle” propose d’explorer cette constellation de problématiques en prenant appui sur la pensée de Maurice Merleau-Ponty, sur des perspectives développées dans le sillage de son élaboration philosophique ou à partir d’approches et de réflexions critiques capables d’entrer en dialogue avec celle-ci, afin d’explorer les transformations historiques de l’imagination, de l’image et de l’imaginaire. Cette orientation reflète le choix de la revue Chiasmi International ayant, depuis son numéro 25, élargi sa ligne éditoriale pour accueillir des travaux portant sur l’ensemble du domaine phénoménologique, dans une perspective de dialogue entre l’œuvre de Merleau-Ponty avec les principales directions prises par  la philosophie et la pensée contemporaines.

La réflexion de Merleau-Ponty a tracé des trajectoires de recherche décisives pour interroger les tensions et les défis du contexte actuel. Bien que le philosophe n’ait pas consacré d’analyse systématique à l’imagination, il approfondit l’intuition husserlienne en plaçant l’imagination au cœur de l’expérience perceptive : comme trame implicite, fond virtuel et opératoire, accès perspectif du corps au monde. L’imagination se redéfinit alors non pas comme une puissance mentale ou subjective, mais comme une composante structurelle qualifiant la relation spécifique que le corps vécu entretient avec le réel, sa tendance à se projeter ailleurs, toujours au-delà de ses propres limites. Chez Merleau-Ponty, l’imagination devient ainsi un autre nom de la virtualité et de la plasticité du corps comme système de relations possibles.

La conception merleau-pontienne du corps comme entité virtuelle, plutôt que physique, se traduit sur le plan ontologique par le dépassement de l’opposition entre réel et imaginaire, redéfinie comme une relation de latence et de réversibilité toujours imminente. L’imaginaire n’est plus assimilé au domaine de l’irréel ou à une forme de pensée figurative, elle est repensée non pas comme une alternative à l’expérience, mais comme une composante qui accompagne toujours l’apparition du réel et en module la portée. Cela en vient à situer la dimension de l’imaginaire au sein de l’approche de l’ordre praxique et social, des processus de sédimentation et de cristallisation instituant un champ idéologique ou mythique. Le pouvoir opératoire et transformateur de l’imagination devient ainsi factuel sur le plan de l’imaginaire et donc du collectif, et il est d’autant plus important de l’étudier à la lumière de la redéfinition constante du concept de “réalité”, qui caractérise l’époque contemporaine.

Faisant souvent référence à la pensée de Merleau-Ponty, tant l’esthétique d’inspiration écologique que la philosophie analytique récente ont repris la notion de virtualité du corps ainsi que celle d’expérience incarnée, pour développer l’idée d’un esprit étendu et d’un sujet distribué. Le philosophe français est ainsi devenu une référence incontournable dans une large partie des sciences cognitives qui s’intéressent au rôle du corps, de la matière et des artefacts dans le développement de la pensée et plus largement dans l’expérience humaine.

Merleau-Ponty est ainsi aujourd’hui mobilisé pour développer une lecture de l’imagination comme processus matériel, rendu possible uniquement par la coprésence et la collaboration active entre les corps et l’environnement. L’imagination désigne alors aussi l’ouverture à une dimension intersubjective et intercorporelle, comme pensée de l’autre – humain et non-humain – capable d’accueillir des formes d’expérience inattendues, de multiplier les accès perspectifs au monde, d’imaginer le nouveau et le temps à venir. L’œuvre de Merleau-Ponty a ainsi inauguré un plan philosophique permettant de penser l’imagination comme moteur de l’hybridation avec l’altérité, nourrissant des réflexions diverses, parfois opposées, qui continuent aujourd’hui à réélaborer les intuitions du philosophe et ses impensés.

Axes thématiques possibles (liste non exhaustive) :

– lectures contemporaines de Merleau-Ponty en lien avec l’imagination

– perspectives phénoménologiques sur l’imagination

– approches matérielles de l’imagination 

– rôle de l’imagination en relation avec les technologies

– théories de l’image et de l’imagination

– imagination collective, perspectivismes et imaginaires partagés

– approches décoloniales de l’imagination

– politiques et économies de l’imagination

– études de cas liées à des états d’imagination désordonnée et/ou dysfonctionnelle

– études de cas en contexte artistique, formes de résistance et activisme médiatique

Dates limites :

Remise des résumés (300-500 mots) et d’une courte note bio-bibliographique, à l’adresse a chiasmiinternationaljournal@gmail.com: 15 novembre 2025

Notification d’acceptation des résumés : 1 décembre 2025

Remise des contributions (40.000 signes espaces compris) : 15 février 2026

Retour des avis après évaluation : 15 mars 2026

Remise de la version finale révisée : 15 avril 2026.