
Dans le cadre de la présentation de notre trilogie (La véritable destination du Vol 714, La véritable valeur des Bijoux et La véritable révolution des Picaros) destinée à commenter les trois derniers albums de la série des Aventures de Tintin, que nous comparions aux trois piliers d’un seul et même projet que nous avions intitulé « En finir avec Tintin ? », nous écrivions ceci : « Dans l’album Les Bijoux de la Castafiore, Hergé ridiculise Tintin et sa propension maladive à faire de son prochain le coupable potentiel de mauvaises actions, dès que son prochain peut lui permettre de ne pas se remettre question… Dans Vol 714 pour Sydney, Hergé explique à Tintin que le voyage le plus important est celui que doit accomplir la pensée et que toutes ses gesticulations passées à travers le monde ne lui auront pas permis de se rapprocher d’une spiritualité apaisante… Et dans Tintin et les Picaros, Hergé fait admettre à son héros que les gentils et les méchants sont finalement des êtres interchangeables. »
Cette présentation avait le mérite de ne rien dévoiler de nos interprétations futures, celles destinées à accréditer la thèse d’une utilisation du personnage de Tintin à des fins plus philosophiques que psychanalytiques à partir des Bijoux de la Castafiore ; une utilisation qui allait contraindre Hergé à galvauder sa créature ou, plus précisément, à en révéler les failles. Mais alors que s’achève, avec La véritable révolution des Picaros, un projet mené avec un aveuglement émouvant – ce que seuls les néophytes d’un sujet peuvent assumer sans se préoccuper de chercher à justifier la légitimité de leurs intuitions –, nous sommes déjà, alors que rien ne le préméditait, en face d’un constat qui va nous obliger à reconnaître, un peu piteusement, que ce ne sont pas trois piliers, mais bien quatre, qui constituent l’assise de notre trilogie…
Si l’album des « Picaros » reste le socle de notre présente démonstration, il est impossible de comprendre la fin programmée de Tintin, son sacrifice psychanalytique, le piétinement de sa perfection, la mise en scène de ses ambiguïtés, sans, au préalable, avoir appréhendé le véritable enjeu de Tintin au Tibet. Si cet album mythifié du vivant de Hergé signe magistralement, et en toute discrétion, le début de la fin de Tintin, cette tentative, indigne du génie de Hergé, de thérapie par le dessin, méritait bien d’être commentée à l’aune de l’improbable révolution des « Picaros », et démontrer ainsi, de manière imparable, que Hergé n’avait pas l’ambition de mener son œuvre à son terme pour en justifier la cohérence, mais qu’il était nécessaire pour le créateur de Tintin de proposer un album théoriquement autonome, en l’occurrence celui de Tintin et les Picaros, afin de nous donner les moyens de comprendre que son projet ultime était philosophique.
En conséquence, et si nous avions convoqué brièvement Carl Jung dans le premier opus de nos trois essais, ainsi que quelques banalités psychanalytiques, pour justifier la métaphore finale de l’album Vol 714 pour Sydney, nous serons obligés de nous passer de toute référence de cet ordre pour continuer de mieux admettre l’évidence du génie de Hergé.