
La séparation entre l’étude scientifique de la nature et la création littéraire structure la pensée depuis le xixe siècle. Face à l’urgence actuelle, des spécialistes de la biodiversité et de littérature proposent des perspectives nouvelles, par-delà le dualisme entre « nature » et culture. Les premiers interrogent le « renouveau du sauvage » qui libère animaux et végétaux devenus « féraux ». Comment trouver ce qui pourrait être une bonne distance entre eux et les humains ?
Et la littérature, que peut-elle ? Enquêter? Décrire? Constater l’étendue des désastres ? Éveiller la conscience de la vulnérabilité des vivants et des atteintes qu’ils subissent (pollution, déforestation, élevage industriel) ? Développer l’attention à leur égard ? Affronter l’altérité d’un animal ou d’un arbre ? Déployer la complexité du réel ? Déplacer les certitudes ? Éprouver des liens solidaires avec les vivants ? Émerveiller ? Réenchanter ?
Dénonçant les mécanismes de domination qui séparent les humains des autres êtres vivants, scientifiques et littéraires cherchent à toucher le plus grand nombre et à susciter le désir de changer. Ils ont échangé leurs recherches en vue d’un humanisme responsable qui ouvre un avenir à la croissance des Terrestres — feuillus, truies, cerfs, flamants roses, crocodiles, souris et poètes…
"Rien n’est joué et la résistance doit aujourd’hui s’organiser avec toujours plus de vigueur et une capacité immense à relever les défis. C’est d’engagements, de combats qu’il est question. Tour de force, coup de force ? La tâche à accomplir semble parfois « surhumaine ». Que ce soit par l’enquête, le récit, le conte, le poème, ou leur hybridation, la démarche littéraire comme la démarche scientifique peuvent faire toucher du doigt ce qui se joue, ce que nous avons à perdre, ce à quoi nous tenons et ce que nous souhaitons préserver et défendre." Lucile Schmid, "Être(s) vivant(s)".
Colette Camelin, spécialiste de poésie du xxe siècle (Saint-John Perse, Segalen notamment), est professeure émérite de littérature à l’Université de Poitiers. Elle consacre actuellement ses recherches à l’écopoétique.
Raphaël Larrère, directeur de recherche à L’INRA à la retraite. Après s’être consacré à l’analyse des usages et des représentations de la nature, et donc des conflits d’usage et d’images, il s’est spécialisé en éthique environnementale (respect du vivant et responsabilité de l’action technique).
Alain Romestaing est professeur de littérature française à l’Université Clermont Auvergne (CELIS). Il travaille sur la question animale dans la littérature des XXe et XXIe siècles et plus largement sur les représentations du vivant dans une perspective écopoétiqu
SOMMAIRE
Préface « Être(s) vivant(s) », Lucile Schmid
Avant-propos. « La nature férale et la “grammaire fauve”», Raphaël Larrère, Colette Camelin et Alain Romestaing.
PARTIE 1 LE RENOUVEAU DU SAUVAGE
Introduction. « Le renouveau du sauvage », Raphaël Larrère
Chapitre 1. « Le sauvage, le domestique et l’entre-deux », Raphaël Larrère
Chapitre 2. « Comment s’est-on approprié la wilderness et la nature férale en Europe et en France ? », Christian Barthod
Chapitre 3. « Figures contemporaines du sauvage : le nouveau, l’ancien et le trouble », Rémi Beau
Chapitre 4. « “Nous avons toujours été sauvages” : dynamiques des paysages ruraux », Pascal Marty et Paul Caplat
Chapitre 5. « C’est arrivé près de chez vous : la dynamique du sauvage sous pression », Vincent Devictor et Laurent Godet
Chapitre 6. « Quelle(s) place(s) laisser aux autres qu’humains ? Regard historien sur deux figures et récits : l’Étranger et le Nuisible, » Rémi Luglia
Chapitre 7. « Ces “envahissants” qui NOUS dérangent : du loup à l’ibis sacré », Farid Benhammou
Chapitre 8. « Les représentations savantes de l’animal : hôte, réservoir et débordement pathogénique », Serge Morand
Chapitre 9. « Écologie et zoopolitique du sauvage », Raphaël Mathevet
PARTIE 2 QUE PEUT LA LITTÉRATURE POUR LES VIVANTS ?
Introduction. « Prendre langue(s) avec les vivants », Alain Romestaing
Chapitre 1. « Changer de paradigme par le biais de l’écopoétique », Bénédicte Meillon
Chapitre 2. « Ensauvager la langue ». Entretien de Colette Camelin avec Jean-Claude Pinson
Chapitre 3. « De l’écosensibilité », Michel Collot
Chapitre 4. « Maurice Genevoix : natures pensées, natures sensibles » Jacques Tassin
Chapitre 5. « Entre l’attention et l’émerveillement : Gisèle Bienne et Christophe Mahy », Judyta Zbierska-Mościcka
Chapitre 6. « Changer d’échelle, approfondir le temps. Quelques ressources de la littérature contemporaine », Jean-Paul Engélibert
Chapitre 7. « Imagination littéraire et crise climatique », Riccardo Barontini
Chapitre 8. « Écrire contre la monumentalisation impériale du vivant », Xavier Garnier
Chapitre 9. « Impérialisme écologique et ontologique. La représentation des monocultures dans la littérature africaine contemporaine », Sara Buekens
Chapitre 10. « Le droit peut-il vraiment préserver le vivant ? Les marées noires : un désastre silencieux », Christine Baron
Chapitre 11. « “Le sang se mit à couler” : (Retour à la) nature et (non-)violence dans la littérature des années 70 », Pierre Schoentjes
Chapitre 12. « “L’animal que donc je suis” : réversibilité de l’animal et de l’humain dans Sing, Unburied, Sing (2019) de Jesmyn Ward », Frédérique Spill
Chapitre 13. « Face à la mort animale : L’Instruction (2023), d’Isabelle Sorente », Alain Romestaing
PARTIE 3 RENCONTRES
Introduction. « Faire avec le sauvage, renouer avec les vivants », Colette Camelin
Chapitre 1. « La Recouvrance des noms de lieux “sauvages” au Québec et à Hokkaidô », Francine Adam et Augustin Berque
Chapitre 2. « Le sauvage du domestique : art brut et art de l’attention », Joëlle Salomon Cavin
Chapitre 3. « La tornade et le crocodile : empêchements, complicités et vraisemblance du récit à l’heure du “grand dérangement” », Marie Cazaban-Mazerolles
Chapitre 4. « Perspectives écoféministes sur le réensauvagement », Virginie Maris
Chapitre 5. « Vivant, nature, sauvage... : mots-mania ou mots-tabous ? », Anne Simon
Chapitre 6. « Le degré Zorro de l’écriture. Notes sur la réparation littéraire », Jean-Christophe Cavallin
Chapitre 7. « Des mots vivants. Langages habités et extension herméneutique », Bertrand Guest
Chapitre 8. « Roman, littérature et science face aux biocides », entretien entre Gisèle Bienne et Gilles-Éric Séralini, animé par Noël Cordonier
Chapitre 9. « Des nouveaux récits sur la biodiversité ». Échanges entre littéraires (Rachel Bouvet, Stéphanie Posthumus) et scientifiques (Laurent Germain et Gérald Mannaerts, Christophe Aubel et Charlène Kermagoret )
Raphaël Larrère (1942-2025), Colette Camelin
À Raphaël Larrère
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Autrices et auteurs
Remerciements