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Écritures prolétaires : de la littérature prolétarienne au polar situationniste (ENS Paris)

Écritures prolétaires : de la littérature prolétarienne au polar situationniste (ENS Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Marion Leclair)

Séminaire Littéraire des Armes de la Critique 2024-2025 (ENS-PSL)

6ème séance : Écritures prolétaires. De la littérature prolétarienne au polar situationniste

Modération : Marion Leclair & Mario Ranieri Martinotti

Samia Myers (U. Strasbourg, UR 1337) : Écrire son travail en littérature. Propositions méthodologiques pour l’analyse des littératures ouvrières de la première moitié du XXe siècle (France)

Dans les années 1920 et 1930, des ouvrier·es ont écrit et publié des textes littéraires dans lesquels ils et elles ont mis en mots, dans une grande diversité de formes et de styles, leur(s) expérience(s) du travail dans les usines, les ateliers, les chantiers ou les mines. La critique littéraire, si elle s’est souvent intéressée à la question de la représentation des classes populaires dans les œuvres littéraires, a rarement entrepris d’analyser ces corpus, y percevant souvent une valeur documentaire mais non une valeur littéraire. Pourtant, le geste d’écrire son travail en littérature – au lieu de l’écrire ailleurs – ne doit-il pas intéresser les littéraires, aux côtés, par exemple, des historien·nes du travail ? En effet, nous verrons dans cette communication que l’étude des littératures ouvrières permet d’une part de réfléchir à certains processus de partage de la valeur esthétique, et d’autre part de caractériser le type d’action qui peut être construite dans et par l’écriture – ici, l’écriture littéraire et ouvrière du travail.

Victoria Pleuchot (U. Artois, UR 4028, Textes et Cultures) : Jean Malaquais, passager de cale littéraire – Conditions de production, de représentations et réceptions d’un récit du travail

Les Javanais de Jean Malaquais permet d’interroger les conditions matérielles de production et de réception d’une œuvre issue du monde ouvrier. L’analyse met en lumière comment la conquête d’un temps libéré du travail rend possible l’écriture, et comment le roman construit, par un rapport particulier à l’authenticité et à la temporalité, une esthétique propre à la littérature du travail. La réception contrastée de l’œuvre, ainsi que sa réécriture tardive, abordent les enjeux de reconnaissance littéraire, de mémoire sociale et de positionnement politique dans le champ littéraire du XXe siècle.

Arnaud Massin (U. Liège, UR Traverses), Petits boulots et grandes contradictions d’un écrivain. Jean-Patrick Manchette et le travail culturel

Après Mai 68, peu d’écrivains auront tenté aussi consciemment que Jean-Patrick Manchette de pénétrer le camp de la Culture pour la subvertir. Cependant, cette stratégie mérite d’être interrogée. Influencé par les idées situationnistes de la réalisation de l’art et de la fin du travail, Manchette aura en effet été un prolétaire des lettres, travaillant beaucoup et gagnant peu, mais aussi, une fois le succès acquis, une « starlette prositu », c’est-à-dire un agent du spectacle. Cette communication se propose de revenir sur cette stratégie et son échec en quatre mouvements : d’abord, souligner les rapports d’opposition claire de Manchette au travail en général (il est pour son abolition) ; présenter ensuite sa « carrière » et plus précisément la place et le rôle qu’il occupe dans le processus de production ; exposer sa stratégie de prise à revers des positions ennemies en investissant la section « polar » de la littérature produite directement pour le marché ; récapituler enfin ses contradictions, présentes depuis le début, et ne relevant pas toutes de l’échec tardivement reconnu de sa manœuvre.