
Entreprise sous la direction de Matthieu Vernet, l'un des maîtres d'œuvre par ailleurs du volume des Essais de Marcel Proust dans "La Bibliothèque de la Pléiade", la nouvelle édition d'À la recherche du temps perdu au Livre de Poche s'installe tranquillement dans le paysage éditorial. Le cinquième volume paraît ces jours-ci : La Prisonnière, dans un texte procuré par Maya Lavault. Paru à titre posthume le 14 novembre 1923, presque un an jour pour jour après la mort de Marcel Proust, La Prisonnière est le volet central d’un roman de la jalousie, dont les fils enferment les deux protagonistes. D’enquêtes en interrogatoires, le narrateur, geôlier prisonnier de sa propre jalousie, exacerbe les penchants d’Albertine pour le mensonge et, finalement, précipite sa fuite. Drame à huis clos marqué du sceau de la mort imminente, La Prisonnière donne pourtant un souffle nouveau à la Recherche du temps perdu, tissant tous les fils romanesques autour du personnage d’Albertine, insaisissable "être de fuite" et héroïne d’une fulgurante modernité.
Les plus fidèles lecteurs de Fabula se souviennent peut-être, et les autres auront plaisir à le découvrir, que la réflexion de Maya Lavault sur ce versant de la Recherche avait été inaugurée il y a tout juste vingt ans dans Acta fabula par les comptes rendus de "L’Albertine disparue de Jean Milly : ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre" et de l'essai de Nathalie Mauriac-Dyer, Proust inachevé. Le dossier "Albertine disparue" (Champion, 2005) : "Albertine disparue et ses possibles. Ce qui achève de faire la preuve que pour travailler sur Proust, il faut avoir de la suite dans les idées. Mais aussi : qu'à écrire pour Fabula, on ne perd jamais son temps.