Questions de société
Julie Pagis, Le prophète rouge

Julie Pagis, Le prophète rouge

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne

C'est une histoire qui semble typique des milieux maoïstes dans la France de l'après-Mai 68, mais sur laquelle plane un fantôme.
En 1971, six couples décident de faire ensemble table rase de leur vie passée au nom de leurs idéaux politiques. Leur chef est un ouvrier espagnol dénommé Fernando. Dans l'effervescence de l'époque, et suivant l'appel du président Mao, ils partent " enquêter " dans des foyers de travailleurs immigrés, s'établissent comme ouvriers en usine et emménagent collectivement dans un ancien couvent.

Progressivement, au gré d'incessantes (auto)critiques, cette communauté bascule d'un engagement au service du peuple à une soumission totale à Fernando, devenu tout-puissant. Sous son emprise, un couple se déchire, une militante est " rectifiée ", un autre, accusé d'être un traître, se voit traduit devant un tribunal populaire. L'expérience prend fin au début des années 1980 lorsque le prophète rouge, qui continue d'exercer son autorité à distance, déclare leur rendre leur liberté, avant de se volatiliser une fois pour toutes.
Intriguée par le pouvoir charismatique de Fernando après avoir été contactée par une ancienne membre du groupe, Julie Pagis s'est lancée dans une enquête de longue haleine pour reconstituer cette incroyable histoire.

À partir des témoignages recueillis, des archives de la communauté, mais aussi celles des services de renseignement, son enquête explore les zones d'ombre de la biographie de Fernando et éclaire les ressorts de l'emprise. Ce dont l'autrice ne se doutait pas, c'est que cette domination charismatique allait également agir sur elle, jusqu'à mettre en péril l'écriture de cet ouvrage. 

Lire un extrait…

On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"De l’art et des perversions du militantisme", par Philippe Artières (en ligne le 10 décembre 2024).

De Charles Piaget, célèbre figure de l’après-68 par son engagement syndicaliste dans la lutte des Lip, Théo Roumier a écrit une biographie des plus documentées en forme d’hommage à ce « fédérateur de collectifs ». Sur Fernando Gonzales, aussi ignoré que la petite communauté maoïste qu’il dirigea d’une main de fer à Clichy-la-Garenne, la sociologue et politiste Julie Pagis livre un récit d’enquête sur ce personnage qui toujours échappe, militant espagnol maoïste, espion à la solde de la CIA. L’ambition des deux auteurs diffère aussi : si l’un souhaite, en retraçant le parcours d’un militant exemplaire, diffuser son possible héritage, l’autre entend à partir d’un cas mettre en œuvre le concept weberien de « domination charismatique ».