La nostalgie, passion des retours impossibles, naît de l’expérience du manque. Les lieux, temps et états hors de portée – terre natale, âge d’or, origine, vie intacte – sont les objets de cette langueur, faisant du sujet nostalgique un être doublement présent et absent, entre enracinement et errance. Ce néologisme, forgé au xviie siècle pour désigner le mal du pays, évoque aujourd’hui aussi bien une posture passéiste qu’une ressource psychique face à la mort inévitable, ou encore l’aspiration à un idéal.
Faits et fantasmes à la fois, les objets hybrides de la nostalgie sont invoqués et transposés par le théâtre. Art des sens et du partage de matières, d’odeurs, de lumières et d’ombres, de sons et de silences, il sait, tout comme la madeleine de Proust, rendre présent l’inaccessible et faire émerger des sensations nostalgiques en donnant chair et relief aux « fantômes du regret » (A. Camus).
Cet ouvrage réunit vingt-et-un textes sur les pratiques et les discours nostalgiques – ou anti-nostalgiques – du xviie au xxie siècle, questionnant des stratégies et des dispositifs de mise en scène, de dramaturgie, du corps en scène, de transmission des savoirs incarnés, de scénographie et d’historiographie des arts vivants.
Contributions de : Eugenio Barba, E. Baudou, Magdalena Bournot, Laurette Burgholzer, Guido Di Palma, Pierre Frantz, Raimondo Guarino, Thibaut Julian, Pierre Lesquelen, Arnaud Maïsetti, Samantha Marenzi, Vincenzo Mazza, Dario Maria Nicolosi, Lydie Parisse, Nicola Pasqualicchio, Béatrice Picon-Vallin, Tiphaine Pocquet, Stéphane Poliakov, Jean-Marie Pradier, Franco Ruffini, Klaas Tindemans.
Avec six dessins de Laurette Burgholzer.
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Laurette Burgholzer est chercheuse en études théâtrales et plasticienne. Attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’université Paris 8, elle est l'auteur d'une thèse de doctorat sur les redécouvertes du masque en France autour de 1900. Ses recherches portent sur les pratiques de transmission en arts du spectacle et les théâtres de la marionnette, des matériaux et du masque.
Vincenzo Mazza est enseignant au département Arts du spectacle de l’université Paris Nanterre. Ses recherches portent notamment sur les rapports entre dramaturges et metteurs en scène ainsi que l’historiographie théâtrale. Il a publié, entre autres, Albert Camus et L’état de siège. Genèse d’un spectacle (2017) ainsi que les anthologies Jean-Louis Barrault (2020) et Jacques Copeau (2023).
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Avant-propos. Nostalgia
par Eugenio Barba
Introduction. S’absenter du présent, se réconcilier avec la vie : la nostalgie au théâtre
par Laurette Burgholzer et Vincenzo Mazza
PARTIE I. RÉVOLTE, SACRIFICE ET ANTI-NOSTALGIE
Le théâtre ou le rite perdu
par Jean-Marie Pradier
La plénitude du passé. L’archéologie du théâtre au xxe siècle
par Raimondo Guarino
Une petite note contre la nostalgie… Vsevolod Meyerhold et l’éblouissement dynamique des époques « authentiquement théâtrales »
par Béatrice Picon-Vallin
PARTIE II. IDOLES ET MODÈLES
Beaumarchais, ouverture à la nostalgie
par Pierre Frantz
Les « charmes » du théâtre troubadour au tournant des Lumières
par Thibaut Julian
Pour une nostalgie baroque : étude de quelques objets mémoriels dans le théâtre du début XVIIe siècle
par Tiphaine Pocquet
Les Philoctète de Chateaubrun et La Harpe, ou comment évolue la nostalgie de l’Antiquité au XVIIIe siècle
par Dario Maria Nicolosi
PARTIE III. CORPS SOCIAL ET RÉSISTANCE
La nostalgie du présent dans The Encounter de Simon McBurney
par Lydie Parisse
Nostalgies politiques : les scènes contemporaines de la mélancolie révolutionnaire
par Arnaud Maïsetti
La révolution, le corps et le langage. La nostalgie postcommuniste dans l’œuvre de Willem de Wolf
par Klaas Tindemans
PARTIE IV. CHŒURS, CORPS ET MYTHES
Nostalgie du commun. Mises en scène contemporaines du chœur tragique
par E. Baudou
La trace de l’ancien dans les images de la danse moderne. Une nostalgie des pratiques
par Samantha Marenzi
Deux nostalgies pour un nouveau théâtre : l’univers précolonial et la mythologie grecque
dans le théâtre latino-américain au XXe siècle
par Magdalena Bournot
PARTIE V. LANGAGES DE L’AVANT ET DE L’APRÈS
« La nostalgie d’une vie meilleure » dans le théâtre de Tchekhov
par Stéphane Poliakov
La nostalgie symboliste de Peter Handke, de Voyage au pays sonore à Toujours la tempête
par Pierre Lesquelen
PARTIE VI. ABSENCES, ANACHRONISMES ET TRANSMISSION
Carmelo Bene et le théâtre comme nostalgie d’une absence
par Nicola Pasqualicchio
La tradition comme nostalgie des origines. La transmission des savoirs du corps
par Guido Di Palma
Les topographies et généalogies nostalgiques du mime Farina (1883‑1943)
par Laurette Burgholzer
Postface. La nostalgie du Paradis
par Franco Ruffini
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