Dans Derrière la vitre, roman choral sur mai 68, Robert Merle, lui-même professeur d’anglais à Nanterre, s’agaçait, non sans une certaine tendresse, de l’érudition minutieuse consignée dans des livres universitaires voués à n’être lus que par des spécialistes tout aussi obscurs. Merle opposait à cela, en manière d’antithèse, le roman populaire qu’il voulait faire, qu’il fit, comme le montre le succès qu’il rencontre encore en librairie. Il y aurait d’un côté, donc, l’essai aride au public fatigué, issu de presses universitaires ; de l’autre, le roman, aimable et partageux.
À l’occasion des 20 ans de sa mort, les Presses universitaires de Nanterre s’attachent à lui donner tort en publiant ce texte inclassable, Robert Merle : roman, essai littéraire qui se veut à la fois érudit, accessible et ému, entrecoupé de chapitres de fiction qui viennent l’éclairer autrement.
On se souvient le plus souvent de Merle comme de l’auteur de la saga historique Fortune de France, qui s’est vendue à des millions d’exemplaires, et dont une adaptation télévisuelle sera d’ailleurs diffusée à la rentrée. Mais sa carrière fut d’une richesse qui dépasse largement cette série tardive : Week-end à Zuydcoote, son premier roman existentialiste, qui lui valut le prix Goncourt en 1949 ; La mort est mon métier, récit à la première personne de la construction et de la gestion d’Auschwitz par un officier nazi ; Malevil, récit d’une post-apocalypse virant aux guerres de religion ; ou encore L’Île, inspiré de la mutinerie du Bounty, fable humaniste et subtile... Des œuvres qui continuent de se lire à bas bruit.
Comment, pourquoi un auteur si aimé et si bon a-t-il pu connaître un relatif délaissement critique ? Il faut interroger ce paradoxe, et ce qu’il dit de la vie littéraire. C’est en jouant avec la fiction que ce livre tente de le faire.