Journée d'études dans le cadre du LIRIS (Laboratoire International de Recherche sur les Images et la Scénographie) au sein de l'IRET (Institut de Recherche en Etudes Théâtrales-Sorbonne nouvelle), en collaboration avec l'université de Fort-De-France (Caraïbes)
Archéologie du geste scénographique dans le théatre caribéen et guyanais
Vendredi 19 avril entre 13h et 15h30 (heure de Paris)
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Introduction
Dans le cadre du cycle de séminaires proposé par LIRIS, ce premier rendez-vous consacré à l’aire artistique caribéenne et guyanaise entend partir sur les traces archéologiques du geste scénographique. Le contexte d’énonciation des premières créations et spectacles caribéens et guyanais, dans la deuxième moitié du XXe siècle, imprima des empreintes notables sur la tessiture thématique mais également sur l’esthétique théâtrale de ce corpus de textes et de spectacles. Si cette journée d’études n’a pas de vocation historiographique, elle entend percer à jour les fondements historiques de la création dramatique contemporaine. En d’autres termes, il s’agira de réfléchir à l’articulation, du point de vue scénique et scénographique, entre les réflexions et propositions esthétiques des dramaturgies des années 1970-1990 et les dramaturgies contemporaines. Dans quelle mesure, les artistes et spectacles contemporains prolongent un geste scénographique, actualisent des traditions esthétiques déjà apparentes dans les théâtres de la fin du siècle dernier ? Est-il-possible de repérer des invariants esthétiques, scéniques, scénographiques de ce théâtre de l’espace Américano-Caraïbe ? A partir de quelles archives – esthétiques, visuelles, scénographiques – s’énoncent les dramaturgies contemporaines ?
Diversité du paysage scénographique caribéen contemporain
Axel Arthéron (Université des Antilles)
Cette introduction se penchera sur les esthétiques contemporaines et leur approche de la scénographie. Ces deux dernières décennies ont coïncidé à un renouveau des dramaturgies caribéennes. Investissant les réseaux de la francophonie théâtrale, du théâtre public français, ces dramaturgies proposent de nouvelles configurations scéniques qui s’adaptent aux contraintes de la diffusion extraterritoriale. Il s’agira dans cette communication de présenter les formes scénographiques et enjeux de quelques spectacles emblématiques.
(10 minutes)
Scénographier en Haïti malgré tout
Romain Fohr (Université Sorbonne nouvelle)
La rencontre le 17 juillet 2015 avec Faubert Bolivar, James Saint-Felix, Jean d’Amérique, Néhémie Pierre-Dahomey et le sculpteur Muscadin m’a ouvert les yeux sur la puissance du geste artistique des Caraïbes. C’est ce qui m’a donné envie de créer un espace de réflexion en Caraïbes sur la scénographie contemporaine. Nous évoquerons très brièvement les aventures du collectif Clorat Biz’Art (avec les scénographes plasticiens Jose Midi et Francisco Silva), le Festival en lisant (avec Elizere Guerisme qui dirige le théâtre national et la Brigade d’Intervention Théâtrale Haïtienne) avec leurs aménagements pour le théâtre de rue et leurs propositions scénographiques poétiques dans ce pays en proie à la violence naturelle et politique qu’est Haïti.
(5 minutes)
Thème 1 : Les substrats du geste scénographique dans la Caraïbe
L’empreinte du conte caribéen dans la scénographie théâtrale moderne
Jean-Georges Chali (Université des Antilles)
La tradition orale se fondant sur le rapport au langage, il s'agit de comprendre quels liens existent entre le langage verbal et le langage paraverbal. Toute la symbolique du conte populaire Martiniquais s'inscrit dans la logique de ce continuum entre gestuelle, occupation spatiale et verbalisation. C'est ce tout qui constitue cette empreinte que va laisser la tradition orale dans la dramatisation et la théâtralité autour de la question de la dé-dramatisation de la mort et de l'au-delà. La cour, la scène tragique (ligne imaginaire), le corps (vivant et dépouille), sont autant d'éléments constitutifs du discours et de sa récupération par le théâtre moderne caribéen".
(10 minutes suivies de 5 minutes d’échanges)
Les différents espaces carnavalesques
Mauffret Blodwenn (Université Rennes 2)
Peut-on parler de scénographie carnavalesque ? Quelles scènes ou quels espaces de représentations se dessinent en période de carnaval ? Le carnaval est-il une source de création pour les dramaturgies caribéennes et leurs scénographies ? Tout d’abord, on pourrait mettre en avant les différents espaces liés au collectif. Dans les carnavals de type parade, on peut constater un espace lié au parcours du défilé : déambulatoire, circulaire, avec une zone où la représentation est la plus intense. Par ailleurs, au sein même de ce parcours, se créer des instances dramaturgiques qui créent leurs propres espaces scéniques : mouvants, changeants, avec parfois une forte proximité avec le spectateur. Ce patchwork d’espaces changeants évolue au sein d’une scénographie, généralement de couloir, dessinée par les artères de la ville. Ensuite, peut-on parler d’espaces carnavalesques individuels qui seraient liés à l’expérience même du carnaval ? Il s’agirait alors de l’espace de l’entre-deux qui se crée au sein d’une danse de bal : tout à la fois restreint à la salle de bal, aux corps des deux partenaires, mais aussi qui serait un espace dilaté, lié à l’imaginaire des cavalier.ière.s. Il s’agirait aussi peut-être d’un espace de marronnage ou de liberté ou d’émancipation, celui qui se profile derrière l’anonymat du masque : un espace décloisonné, déterritorialisé. Enfin, il faudrait évoquer les influences entre espaces privés et espaces publics : les espaces préparatoires, les espaces de continuité. Mais alors, quels liens peut-on faire avec la scénographie théâtrale caribéenne ?
(10 minutes suivies de 5 minutes d’échanges)
La méthode lewoz : pour une esthétique scénographique
Gilbert Laumord (metteur en scène, doctorant Université de Montréal Guadeloupe)
Cette communication se propose d’analyser l’influence de la cérémonie du lewoz, pratique culturelle guadeloupéenne d’origine africaine, sur l’esthétique scénographique et théâtrale. A partir de la création du spectacle Histoire de nègres (1972) d’Edouard Glissant par la compagnie Siyaj de Guadeloupe, nous examinerons les modalités et les enjeux d’une scénographie théâtrale puisant ses référents dans l’oralité caribéenne créole. Quels rapports ce spectacle fait advenir entre la singularité du lewoz et la scène contemporaine ? Comment la scénographie actualise une conception de l’espace propre au lewoz ? En quoi la dimension intimiste et immersive de la cérémonie du lewoz participe au renouvellement de la relation entre acteurs et public ?
(10 minutes suivies de 5 minutes d’échanges)
Thèmes 2 : Échos contemporains
Du texte à la scène : écrire avec un espace imaginaire en tête
Bernard Lagier (auteur et dramaturge Martinique)
La scénographie est à la fois une écriture et un art à part entière. Au théâtre certaines scénographies sont de véritables œuvres plastiques tant par l’organisation de l’espace et les ambiances crées que par les intentions qu’elles développent autour du texte. L’auteur de théâtre fige des mots sur des pages, mais ces mots sont censés être la traduction d’actions de moments de vie sur le papier. Dans mon écriture je convoque un espace imaginaire assez précis qui me permet d’une scène à l’autre de circuler sans me poser des questions techniques. En quelque sorte J’écris avec « un casque à réalité virtuelle ! » pour transposer et transcrire des idées, si folles soient-elles, que celle d’humaniser un chien ou de manigancer un homicide. Certaines images certains sons certaines odeurs accompagnent les pensées qui arrivent avant l’écriture et elles restent jusqu’à la fin de l’acte d’écriture.
(10 minutes suivies de 5 minutes d’échanges)
Scénographier la catastrophe : Retour sur la création à Port au Prince de « De toute la terre le grand effarement »
Guy Régis Junior (auteur et metteur en scène Haïti)
A partir du texte de théâtre "De toute la terre le grand effarement", Guy Régis Jr créé un parcours dans la ville de Port-au-Prince à bord d'un bus, rythmé par des interventions inattendues dans le parcours : Rex Théâtre, Palais des Ministères, Place Quai Colomb, Fokal... Deux femmes sur une colline après une grande catastrophe. Il s’agira d’elles deux et de bien d’autres encore. Puis, de l’incurie séculaire. Des gouvernants avant, pendant, après. De l’aide internationale. Tout au long de cette promenade, dans le bus, les spectateurs pourront entendre une création sonore, à partir du texte de la pièce, et de témoignages.
(10 minutes suivies de 5 minutes d’échanges)
L'approche scénographique d'un espace non dédié à la diffusion de spectacle vivant, à travers la matière première du territoire d'implantation in situ de l'action.
Grégory Alexander (metteur en scène théâtre Macouria Guyane)
La Bou sou la po est un texte dramaturgique, qui réunit trois auteur.ice.s, issus de trois territoires outre-mer. La Réunion, La Martinique et la Guyane. Fruit d’une rêverie initiale de l’autrice Lolita Monga, qui met en œuvre les premiers temps de production d’écrits, le projet évolue à la suite des rencontres de Lolita avec les auteurs Faubert Bolivar (Haïti, Martinique) et Grégory Alexander (Guyane). Lors de la dernière sortie de résidence à la mi-mars 2024, Lolita Monga et moi-même, avons co-mis en espace la lecture du texte auprès des publics invités. La forme proposait un espace assez sobre, constitué de matières liées au propos général de l’œuvre. En premier lieu de la terre. Une terre « objet » ou mise en situation par l’homme (placé dans des « Kwi » ou calebasse), mais également une terre proposées en tant que matière première à l’état brut. Parmi les matières, nous avons également disposé dans l’espace des éléments vestimentaires usuels des communautés humaines évoquées dans le récit et arpentant cette terre si présente. Nous avons souhaité proposer un espace qui fasse directement écho à l’imaginaire immédiat et « fabriqués » des publics du fait de l’objet premier du récit. Franchir le « mur » de l’écoute et de l’œil afin d’atteindre quelque chose d’une dimension spirituelle et animiste pour le spectateur. L’espace de représentation, dit le CARMA, où se diffusait la sortie de résidence, proposait initialement un mur végétal. Nous avons choisi, dans ce même ordre d’idée de situer le rapport scène/salle à cet endroit.
(10 minutes suivies de 5 minutes d’échanges)
La scénographie dramaturgique de « Moi dispositif vénus »
Adeline Flaun (autrice, metteuse en scène Martinique)
Le spectacle Moi dispositif Venus est une proposition théâtrale qui allie performance, théâtre et nouvelles technologies. Il s’agira d’évoquer l’utilisation des dispositifs technologiques comme figures dramaturgiques et l’influence de ceux-ci sur le dispositif scénographique.
(10 minutes suivies de 5 minutes d’échanges)
Scénographie caribéenne minimaliste au service d’une esthétique et économie du plateau
Jose Exelis (metteur en scène, directeur de la Compagnie Les Enfants de la Mer Martinique)
Durant la seconde moitié du XXe siècle, l’économie de plantation, le dénuement, la période post-esclavagiste ont permis l’éclosion d’une pensée singulière dans les scénographies du théâtre caribéen. Ces facteurs favorisèrent le développement de dispositifs scénographiques d’une grande sobriété misant sur la mise en place de processus symboliques et une esthétique soumise aux injonctions économiques. En arrière-plan, c’est toute une spiritualité-mémoire qui se dévoile de manière circulaire, en non-dits, en feintes, en soubassements, en dérobades. Il s’agira, dans cette communication, d’examiner les enjeux esthétiques, anthropologiques, symboliques de ces scénographies dépouillées.
(10 minutes suivies de 5 minutes d’échanges)