Vendredi prochain 12 avril à Montpellier, l’université Paul-Valéry Montpellier 3 (laboratoire RIRRA 21/ programme « Jean Cocteau et les écrivains de son temps ») organise une Journée d’étude Relire Delteil à l’heure de l’écologie. Journée organisée par Pierre-Marie Héron (Montpellier 3), Aude Bonord (Montpellier 3) et Marie-Françoise Lemonnier-Delpy (Université de Picardie Jules Verne).
VENDREDI 12 AVRIL – 9h30-16h30. Lieu : site Saint-Charles 2, salle des Actes. Accès tramway : lignes 1 et 4, arrêt place Albert 1er Saint-Charles.
Samedi 13 avril, l’université organise une Table ronde Relire Delteil à l’heure de l’écologie, en partenariat avec la Médiathèque centrale d’agglomération Émile-Zola, dépositaire d’un Fonds patrimonial Delteil, qui proposera aussi une Exposition de livres et documents du Fonds Delteil et un comptoir de livres de Delteil par la librairie Sauramps.
SAMEDI 13 AVRIL – 14h-15h30. Lieu: Médiathèque centrale Émile-Zola, salle Cinéma et Rencontres. Accès tramway : lignes 1 et 4, arrêt Place de l’Europe.
Dimanche 14 avril, une manifestation Un dimanche chez Joseph et Caroline, lectures champêtres sera aussi organisée par la Ville de Grabels, où l’écrivain a vécu de 1937 à sa mort en 1978.
DIMANCHE 14 AVRIL – Entre 11h30 et 17h. Lieu : Jardin de la Tuilerie de Massane à Grabels. Renseignements : Direction Culture et Communication, Juliette Escolano (04 67 10 04 02 / j.escolano@ville-grabels.fr)
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Né dans l’Aude en 1894 dans une famille de paysans, monté à Paris en 1920, affilié au mouvement surréaliste jusqu’à la publication d’une Jeanne d’Arc en 1925 qui pousse Breton à l’en exclure, poussé lui-même par la maladie à quitter la vie parisienne en 1931, Delteil s’installe à la Tuilerie de Massane à Grabels, tout contre Montpellier, en 1937, et y meurt en 1978.
Le rapport au monde et à la nature occupe une place déterminante dans son œuvre, des premiers poèmes jusqu’à La Deltheillerie (1968), Alphabet (1973) et Le Sacré corps (1976), dont telle phrase de La Belle Corisande (1930) nous donne une idée : « La nature nous dépasse, nous surpasse, nous embrasse, la nature et son fils le mystère. » S’y ajoutent une figure d’écrivain-paysan ou vigneron, plus ou moins cultivée selon les époques de sa vie littéraire, un style de vie et des prises de position sur des questions qu’on peut dire écologiques avant la lettre.
Pourtant Delteil s’avère quasiment absent, jusqu’à une période très récente, des réflexions contemporaines sur l’écologie comme des relectures écopoétiques de la littérature du XXe siècle. Il y a là un vide que la Journée d’étude et la Table ronde souhaitent, même modestement, combler un peu.
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PROGRAMME DE LA JOURNÉE D'ÉTUDE
9h30 Ouverture
9h45 Marie-Françoise Lemonnier-Delpy
Le recyclage selon Delteil
Joseph Delteil fait du recyclage un art. Ni « Homo detritus », ni écrivain gaspilleur, il pratique sans cesse la récupération. Adepte du « vivre de peu », hostile à la société de consommation, il adopte et défend un art de vivre fondé sur le réemploi et associé à une forme de frugalité. Lorsqu’il crée, il en est de même. Artisan prompt à utiliser tous les supports possibles d’écriture et de dessin, il se montre aussi grand réutilisateur de lui-même dans la genèse de ses textes. C’est pourtant le même Delteil qui n’a pas hésité à sacrifier une partie importante de son œuvre en 1960 (parution des Œuvres Complètes chez Grasset) avant de revenir sur sa décision en 1975. Le monde de Delteil est ainsi un monde où rien ne se perd et où tout peut renaître au gré de métamorphoses successives.
10h15 Émilien Sermier
« Le roman, c’est le grand Pan ! » La prose éco-romanesque de Delteil
« Le Roman, c’est le grand Pan ! » : à en croire cette définition donnée dans Mes Amours (…spirituelles) en 1926, le genre romanesque serait pour Joseph Delteil conçu comme un organisme vivant et sauvage. Dépliant cette analogie, cette présentation voudra examiner la manière dont l’écrivain a pu formellement faire entrer la « nature » dans ses récits des Années folles parisiennes (en particulier Choléra). Il s’agira de mesurer combien, aux antipodes des épistémologies naturalistes, Delteil invente une prose du vivant particulièrement énergique et mouvante, dans laquelle le narrateur lui-même se trouve incorporé. Cet examen permettra non seulement d’envisager par induction une certaine conception écologique, mais aussi de resituer historiquement la singularité des romans de Delteil (en marge de ceux de Giono ou de Ramuz) – tant ils produisent, pour reprendre la perspective de Gracq, une « sève qui nous irrigue et nous recharge de vitalité » (1961).
10h45 Pause
11h-11h30 Anne Chamayou
Le corps sacré des bêtes : l’amour animal dans l’œuvre de Delteil
Si Delteil n’a aucun doute sur l’existence d’une échelle des êtres, s’il place l’homme tout en haut d’une gradation qui va du physique au métaphysique, il a, et l’un des premiers, mis en avant la co-existence des êtres vivants, au sein d’une nature ramifiée et entièrement animée de sensations, de sentiment, voire de pensée. L’un des motifs qui permet d’explorer cette conviction est l’animal, sur lequel l’écrivain porte un regard passionné. Mais la passion, qui subjugue ou qui domine, est-elle l’amour, généreux, consenti, égalitaire? Que dit de l’humain l’omniprésence des animaux dans l’œuvre et qu’en est-il de leur relation ? Quelle économie du vivant Delteil a-t-il pensé ? On s’interrogera sur la nature des liens qui font tenir ensemble les animaux et les hommes dans l’œuvre de Delteil, à la fois ce qui irréductiblement les distingue et ce qui, malgré ces différences voire ces profondes étrangetés, les attache, les rend les uns aux autres infiniment précieux.
APRÈS-MIDI
14h15 Aude Bonord
La vertu du « sauvage ». Delteil et la reconquête de la nature
Il s’agira de montrer les différentes facettes du « sauvage » selon Delteil et les significations qu’il donne à cet idéal. Le lien avec ses mythologies personnelles montre combien il dépasse un sens seulement sociologique de « surréaliste en sabots ». Il modélise en effet un rapport de l’homme à la nature, mais aussi une posture d’écrivain et des principes esthétiques.
14h45 Pierre-Marie Héron
Jésus II, version de 1947 : un livre contre la « condition humaine »
Sur fond de réchauffement climatique, les discours écologistes d’aujourd’hui prennent volontiers des accents d’épopée, en invitant au sursaut héroïque, à la rupture avec des modes de vie délétères, au combat contre tout ce qui met la planète au défi de survivre. Ce ton épique à propos de survie du monde, on le trouve déjà, il y a huit décennies, dans Jésus II (1947), mais assumé sur un mode aussi frénétique que drolatique et assorti, dans l’édition originale de ce conte philosophique, d’un curieux appel aux lecteurs percutés par le livre à rejoindre son auteur dans une sorte de communauté idéale dispersée, une société secrète de sages, dont l’avenir a montré qu’il n’a eu aucune suite sous cette forme. Dans cette communication, on s’intéressera à la tension entre « condition humaine » et condition terrestre qui habite l’approche résolument spéciste de Delteil ; au style épique adopté pour mettre la pression sur le lecteur ; à la curieuse option carnavalesque qui s’y superpose, par laquelle un message de soi-disant bon sens, l’appel à dénaturer la nature, est raconté dans un « style de fou » ; et, pour finir, au beau ratage, pragmatiquement parlant, de la « Lettre au lecteur » finale et peut-être bien du livre tout entier.
15h15 Pause
15h30 Mathieu Gimenez
Delteil à l’épreuve de l’écopoétique chrétienne
Avec Jésus II, Delteil fait le pari d’une parole qui soit aussi mise en action, le pari d’une littérature qui serait un lieu de sauvegarde et de création, lieu où l’on pourrait redevenir humain, c’est-à-dire sauvage. Son "Mobilisez-vous" (variante delteillienne du "convertissez-vous" évangélique) se veut le premier acte de résistance face aux multiples crises que rencontre la société moderne. Pour répondre à ces crises, l’écrivain met en récit la manière dont une attitude chrétienne (sorte de conversion écologique avant l’heure) pourrait court-circuiter le monde moderne et constituer une révolution à la hauteur des enjeux écologiques. Lors de cette communication, je souhaite interroger le lien entre le discours delteillien et cette attitude chrétienne qu’incarnent les personnages de Jésus II, François d’Assise et, de façon prémonitoire, Saint Don Juan.
16h15 Fin
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PROGRAMME DE LA TABLE RONDE
Table ronde avec Magali Arnaud (modératrice), Aude Bonord, Robert Briatte, Gilles Gudin de Vallerin, Jean-Paul Court, Marie-Françoise Lemonnier-Delpy, suivie d’un échange avec le public.
L’œuvre de Delteil est-elle soluble dans l’écologie ? Peut-on y trouver une défense et illustration de l’environnement naturel contre les dérives et menaces de l’activité humaine ? Delteil lanceur d’alerte ? Pour redécouvrir et évaluer la force d’insurrection de son œuvre aujourd’hui, sans transformer en militant un écrivain qui fut toujours rétif aux doctrines, la rencontre privilégiera quelques livres clés :
· En robe des champs (1934)
· Jésus II (1947)
· François d’Assise (1960)
· La Deltheillerie (1968)