Pendant la colonisation, pour sauver en Afrique la nature déjà disparue en Europe, les colons créent des parcs en expulsant brutalement ceux qui cultivent la terre. Et au lendemain des indépendances, avec l'Unesco ou le WWF, les dirigeants africains " protègent " la même nature, une nature que le monde entier veut vierge, sauvage, sans hommes.
Les suites de cette histoire sont connues : des millions de paysans africains expulsés et violentés, aujourd'hui encore. Mais comment a-t-elle pu advenir ? Qui a bien pu organiser cette continuité entre le temps des colonies et le temps des indépendances ? Guillaume Blanc répond à ces questions en plongeant le lecteur au cœur d'une étrange mission écologique mondiale, lancée en 1961 : le " Projet spécial africain ".
L'auteur raconte l'histoire de ce Projet, mais, plutôt que de suivre un seul fil narratif, il redonne vie à quatre mondes, que l'on découvre l'un après l'autre : le monde des experts-gentlemen qui pensent l'Afrique comme le dernier refuge naturel du monde ; celui des colons d'Afrique de l'Est qui se reconvertissent en experts internationaux ; celui des dirigeants africains qui entendent contrôler leurs peuples tout en satisfaisant les exigences de leurs partenaires occidentaux ; celui, enfin, de paysans auxquels il est demandé de s'adapter ou de disparaître. Ces hommes ne parlent pas de la même nature, mais, pas à pas, leurs mondes se rapprochent, et ils se rencontrent, pour de bon. Ici naît la violence. Car c'est la nature des hommes que d'échanger, pour le meilleur et pour le pire.
On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage…
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Table des matières :
Introduction. Violences en milieu naturel : du pourquoi au comment 
Face au présent
Saisir le moment
Faire des choix 
Une galerie d'institutions 
Une galerie d'acteurs 
1. Protéger l'Afrique des Africains. L'univers des experts-gentlemen 
Arusha 1961. Tout changer, pour ne rien changer 
Un projet " réellement international " 
Aider l'Afrique à s'aider elle-même 
Le parc, toujours le parc 
De l'impérialisme à l'internationalisme. Histoires 
Imaginaires coloniaux 
Promouvoir le " développement " 
Lutter contre la " surpopulation " 
Ascension d'une Internationale conservationniste 
De la préservation à la conservation 
De l'action coloniale à la coopération internationale 
WWF, la banque des experts 
Pour conserver : mondialiser d'un côté, africaniser de l'autre 
Un seul monde, une seule nature 
L'" Afrique " comme catégorie écologique 
Protéger la planète, agir en Afrique 
L'Afrique comme " bombe humaine " 
Sauver ce qui peut encore l'être 
La quête (a)politique des experts 
Pour guider l'empire : la science 
Pour guider l'Afrique : les parcs 
Pour l'emporter sur la décolonisation : la conservation 
Visages et figures d'Afrique 
Les Africains poursuivent l'oeuvre colonisatrice 
La faune africaine vit encore 
L'Afrique, ou l'échantillon originel du monde 
2. Sauver la citadelle est-africaine. Le monde de ceux qui restent 
Arusha 1961. Travailler dans une Afrique libérée 
La nouvelle donne indépendantiste 
Le succès conservationniste 
Accompagner la transition indépendantiste. Histoires 
Les coloniaux reconvertis en experts 
Le moment postcolonial 
À chaque rupture sa continuité 
L'Internationale est-africaine 
L'Afrique de l'Est, ou " le meilleur de l'Afrique " 
Une " mission régionale " 
Un véritable " régime circulatoire " 
Au nom du dernier bastion de la nature 
Tuer pour protéger 
Contrôler pour conserver 
Naturaliser, par tous les moyens 
Avec les " Africains ", contre les " Africains " 
Coopération d'un côté, répression de l'autre 
L'indépendance menaçante, mais salvatrice 
Un impossible rêve 
Les scientifiques au pouvoir 
Les baroudeurs administrateurs 
Les coloniaux contre les incapables. 
Un cauchemar 
" Un gardien de parc sans vrai parc " 
" Une fois pas plus, merci " 
" Si seulement le gouvernement nous soutenait ! " 
3. Gouverner l'Éthiopie.  La nation-monde des dirigeants africains
Arusha 1961. Protéger la nature, faire de la politique 
La nature aux Africains 
Les Africains face aux experts 
La naturelle extraversion de l'État africain. Histoires 
La dépendance comme stratégie 
L'art de l'entre-deux 
L'Éthiopie subissante et agissante 
Statut actuel : demandeur d'aide 
Faire appel aux institutions internationales 
Faire avec le monde extérieur 
Négocier et consentir 
Accepter la dépendance 
De la conservation pour les étrangers, avec les étrangers 
De la nature pour les anciens colons, sans les Éthiopiens 
L'Éthiopie d'abord 
Le monde au service de la nation 
Se faire reconnaître par l'extérieur, puis s'imposer à l'intérieur 
Un peu de nature, beaucoup de pouvoir 
Maudits farenj' 
Souveraineté contestée, souveraineté revendiquée 
Arrogance coloniale contre fierté nationale 
Être vainqueur... et vaincu 
Revanches 
Meurtres en milieu naturel 
Ne fait pas la loi qui veut 
Le prix du prestige 
4. Vivre en parc. Le village global des anonymes 
Arusha 1961. La nature des uns, la vie des Autres
À la recherche des subalternes. Histoires 
Écouter les sans-voix 
Retrouver les modes d'action 
Du présent jusqu'au passé 
Tekelakay, ou comment résister 
La contestation du quotidien 
À chacun son pouvoir 
Qui dit nature dit violence 
Mengest, le puissant du coin 
S'imposer sur la nature et ses voisins 
Conserver, surveiller et punir 
Serateña, employé invisible 
Parc et précarité 
Les anonymes disparus 
Dehaw : le pauvre 
Survivre dans la " nature " 
Subir l'injustice 
Être privé 
Yemiyastekaklew, le débrouillard 
Mille et une façons de s'adapter 
À chacun son histoire 
Épilogue. Un peu de nature, beaucoup (trop) d'humanité
Quand s'achève le moment postcolonial
Quand débute le temps durable des postcolonies 
Remerciements 
Acronymes 
Index 
Références 
Notes.