Préface de François Ouellet.
Notes d'Emmanuel Bluteau.
Quatre-vingt-dix ans après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, André Beucler demeure un passeur essentiel. Il a informé ses lecteurs français de l’actualité d’outre-Rhin à la une de la presse à grand tirage. Ses reportages ont été lus, admirés, commentés : la classe politique ne les ignorait pas. Son honnêteté y est pour beaucoup.
Pour Pierre Bost, rédacteur en chef de Marianne : « C’est un trait essentiel du personnage ; il dit ce qu’il voit ; il sait voir ; il aime à voir juste ; et son écriture directe, drue, si riche en formules éclatantes, semble faite tout exprès pour ces récits de voyages, pittoresques comme des films et rigoureux comme des rapports. »
Ses articles ratissent large et en profondeur. En journaliste avisé, il explore la société allemande pour décrire les répercussions de l’arrivée des nazis en multipliant angles et interlocuteurs. Son talent de conteur contribue à dresser un panorama exhaustif de cette période cruciale. Il constate la mise en coupe réglée d’un peuple qui se jette dans les bras d’Hitler et subit sa propagande. Il rencontre aussi les dignitaires nazis.
Dès février 1933, dans L’Intransigeant, Beucler conclut : « Le danger, pour l’Allemagne traversée de courants contraires, fiévreuse et impulsive, est que le programme hitlérien comporte certains chapitres qui ne sont pas destinés à apporter l’apaisement, ce sont les déclarations de guerre à la démocratie, que le chef trouve d’inspiration un peu trop française, et au socialisme juif. [...] Quant à son attitude à l’égard des organisations communistes et à ses idées sur le Traité de Versailles, elles ne sont pas faites non plus pour rassurer l’opinion. »
André Beucler (1898-1985), homme de lettres, ne s’interdit aucune forme d’écriture. Figure de la modernité littéraire de l’entre-deux-guerres, il publie entre autres La Ville anonyme et Gueule d’amour, porté à l’écran avec Jean Gabin. Préfacier de Courrier sud d’Antoine de Saint-Exupéry en 1929, il travaille ensuite pour le cinéma à Berlin et comme envoyé spécial de la presse française en Allemagne dans les années 1930. Son œuvre comprend une quarantaine d’ouvrages et plus de mille articles.
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Un écrivain français chez les nazis", par Jean-Luc Tiesset (en ligne le 6 février 2024)
André Beucler, intellectuel français des années 1930 quelque peu oublié, figure opportunément au programme des éditions La Thébaïde, au moment où les heures sombres qu’il a vécues entrent en résonance avec l’actualité. Si son nom reste attaché au roman Gueule d’amour, immortalisé à l’écran par Jean Gabin dans le film éponyme de Jean Grémillon, Beucler fut non seulement un personnage connu qui laissa une œuvre abondante, mais aussi un des rares journalistes à avoir observé d’aussi près l’Allemagne en train de sombrer dans le national-socialisme. D’une plume alerte, il en donne dans ces pages une série d’images prises sur le vif, à la coloration toujours plus sombre.