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Récits de vie et mobilités (Orléans)

Récits de vie et mobilités (Orléans)

Publié le par Marc Escola (Source : Marcos Eymar)

Colloque international

Récits de vie et mobilités

Laboratoire REMELICE / projet APR-IA MIGRATEXT / SHS Centre Val de Loire

Université d’Orléans, 4-5 avril 2024

Tant dans ses pratiques que dans ses imaginaires, l’humanité avance dans une réalité mondialisée de « nouvelles mobilités ». Ce paradigme, repris souvent par les politiques publiques mais aussi les pratiques citoyennes, interroge l’inclusion, entendue comme l’adaptation de l’environnement, de façon à ce que chacun puisse effectivement participer à la vie sociale et y trouver sa place. Témoignages, essais, interventions publiques, récits fictionnalisés, spectacles et performances – une foison d’écrits et d’images – accompagne ce tournant des mobilités et des migrations, sachant que cette mise en récit de la mobilité (de plus en plus souvent contrainte) en passe parfois par une mise en crise du récit.

Ce colloque propose de repenser ce que l’on sait et perçoit du texte littéraire et de l’œuvre artistique (plastique, théâtral, cinématographique) en parallèle d’un questionnement sur les parcours eux-mêmes, les formes matérielles de l’accueil et les expériences personnelles. En effet, le récit de vie en migration jette le trouble sur le cadre, le lieu, l’espace, devenus labiles et transitoires, placés sous le signe d’une impossible appartenance, ou d’une dualité irréfragable, voire, d’une néantisation sociale, politique et esthétique qui fait du camp de transit un « non-lieu » ou hyper-lieu matriciel du monde contemporain (Augié, Lussault). 

Les auteur.e.s d’un récit de migration et/ou de mobilité rendent compte d’une expérience directe ou indirecte, imaginée, transmise, dans toute sa corporéité, dans ses émotions et son affect (Chemmachery et Jain) et font état des difficultés à dépasser les discours dominants (Bekers, Helff et Merola). L’altérité qui est ainsi expérimentée entraîne souvent, dans sa construction, une problématisation de formes de performativité, ainsi que des modalités d’une demande de reconnaissance (Schaffer et Smith), voire, d’une adresse au lecteur et au public. Les réseaux qui se tissent dans ces nouvelles mobilités ne sauraient masquer les heurts, les asymétries, causés par les distinctions et discriminations genrées, sociales, ethnicisées, racialisées (Ifekwunigwe). Il s’agit de mesurer le potentiel insurrectionnel de ces récits faisant effraction dans une structure discursive privilégiant les voix venues d’un centre stable (Le Blanc). Ces reconfigurations permettent de relire des récits de vie ayant structuré nos perceptions de l’autre depuis le début du 16ème siècle au prisme de théories éclairantes. Elles impliquent notamment un réexamen des récits qui entourent la moralité de l’approche occidentale du nombre toujours croissant de personnes cherchant à atteindre les pays développés, dans le cadre d’un capitalisme global (Agier) : comment lire cette « crise » en continuité avec le passé des colonisation et des impérialismes, comment insérer cette actualité dans un continuum historique et donc, esthétique ? Quelles modifications des concepts de l’intériorité, de l’intimité, de l’individualité, faut-il considérer se faisant ?

Les récits de vie conduiront à interroger aussi la notion de vie (entre le vivant et le vécu) qui n’est pas un objet comme un autre et que les contextes de mobilité et/ou de migration affectent profondément (Fassin). Ce colloque mettra à l’épreuve ces concepts à partir de situations vécues pour éclairer les phénomènes de fragmentation d’un moi souverain, central, en surplomb de son expérience, et permettre une exploration de modalités alternatives de ce que l’on ne peut plus nommer autobiographie, sauf à redéfinir le terme (Anderson, Whitlock). Dans le champ des sciences sociales, le sujet des récits en migration permettra une réactivation contemporaine des méthodologies de la micro-histoire, dans une perspective comparatiste. L’articulation des récits de vie avec un large panel de disciplines conduira enfin à déplacer le regard sur des faits tant personnels que politiques et sociaux en renouvelant les usages de la distanciation critique de la recherche en langues-cultures. 

Certaines pistes pourront être explorées de manière privilégiée :

-        solitude et sociabilité, récits individuels et collectifs

-        rôle de l’archive, et mise en place d’un dispositif (éthique, social) de témoignage

-        utopies et dystopies comme cadre de la migration, toujours fantasmée, évitant le réel

-        récit de migration et approche expérimentale de la représentation artistique ; nouvelles formes de représentations, nouveaux médias, nouvelles technologies, nouveaux réseaux

-        matérialité de la voix auctoriale, évolutions de la figure de l’écrivain / du témoin, pratiques participatives, co-auctorialité

-        perte et gain, oubli et anamnèse, exils

-        polyphonie et polyglossie, traduction, auto-traduction, « auto-ethnographie » (Pratt)

-        performativité du moi en migration 

-        stratégies de la parole muette (Rancière), du détour (Glissant), indicibilité (Didi-Huberman)

-        décentrements et déterritorialisations (Deleuze et Guattari), diasporas

-        appartenances (Fortier), interconnectivités, inclusions

-        concurrence faite à l’état-nation, passage des frontières, modernité liquide (Bauman)

-        représentation artistique et subjectivité, rapports réalité / fiction 

-        récits de migration comme genre (fictions, documentaires)

Ce colloque s’inscrit dans le prolongement des travaux sur les expériences diasporiques et les dynamiques interculturelles qui fédèrent l’unité de recherche REMELICE. Plus précisément, ce colloque a vocation à faire entrer en synergie les deux axes structurant le laboratoire, à savoir, l’axe « décentrements » et l’axe « citoyennetés ». Il s’inscrit par ailleurs dans le programme du projet de recherche MIGRATEXT (lauréat d’un financement Région 23-25 qui problématise la pratique du récit de vie en migration).

Calendrier

La langue de communication du colloque sera le français, sauf exception(s) ponctuelle(s).

Les propositions de communication peuvent être envoyées jusqu’au 20 décembre 2023 aux adresses suivantes :

genevieve.guetemme@univ-orleans.fr et marcos.eymar@univ-orleans.fr  

Les notifications d’acceptation seront envoyées par le comité d’organisation le 15 janvier 2024. 

Bibliographie sélective

Agier, Michel. Les Migrants et nous, Comprendre Babel. Paris : CNRS Edition, 2016.

Anderson, Linda. Autobiography, London: Routledge, 2001.

Augé, Marc. Non-Lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris : Seuil, 1992.

Bauman, Zygmunt. La Vie liquide. Arles : Editions du Rouergue, 2006.

Bekers, Elisabeth, Sissy Helff et Daniela Merola. Transcultural Modernities: Narrating Africa in Europe. Amsterdam: Brill, 2010.

Butler, Judith. An Account of Oneself, New York: Fordham University Press, 2005.

Chemmachery Jaine et Bhawana Jain. Mobility and Corporeality in Nineteenth- to Twenty-First-Century Literature. Blue Ridge Summit: Lexington Books, 2021.

Didi-Hubermann, Georges et Niki Giannari. Passer, quoi qu’il en coûte. Paris : Minuit, 2017.

Fassin, Didier, La Vie mode d’emploi critique. Paris : Seuil, 2018

Fortier, Anne-Marie. Migrant Belongings: Memory, Space, Identity. London: Routledge, 2000.

Glissant, Edouard. Le Discours antillais. Paris : Gallimard, 1981. 

Ifekwunigwe, Jayne. Scattered Belongings: Cultural Paradoxes of `Race', Nation and Gender. London: Routledge, 1999. 

Le Blanc, Guillaume. L’insurrection des vies minuscules, Montrouge : Bayard, 2020. 

Lussault, Michel. Hyper-lieux, les nouvelles géographies de la mondialisation. Paris : Seuil, 2017. 

Pratt, May Louise. Imperial Eyes, Travel Writing and Transculturation. 2nde edition. London: Routledge, 2008.

Rancière, Jacques. La Parole muette. Paris : Pluriel, 2011.

Schaffer, Kay et Sidonie Smith. Human Rights and Narrated Lives: The Ethics of Recognition. New York: Palgrave Macmillan, 2004. 

Sheller Mimi et John Urry. “The New Mobilities Paradigm,’ Environment and Planning A: Economy and Space, 38.2 (2006): 207-226.

Whitlock, Gillian. Soft Weapons: Autobiography in Transit, Chicago: University of Chicago Press, 2007.

 

Comité d’organisation :

Marcos Eymar, Geneviève Guetemme, Mayumi Shimosakai, Elise Schramm, Kerry-Jane Wallart.