Sortir de l’impasse. Réponses contemporaines au mutisme du monde dans la sociologie, la philosophie et les arts (Aix-Marseille Université)
Sortir de l’impasse. Réponses contemporaines au mutisme du monde dans la sociologie, la philosophie et les arts
Journées d’étude internationales, Aix-Marseille Université, 20-22 mars 2024
Le concept de crise semble être indissociablement lié à l’émergence de la modernité. Or, à l’ère de la modernité tardive, la multiplication des périls – changement climatique, catastrophes écologiques ou encore remises en question du système de valeur attaché à la démocratie libérale – paraît cumuler dans une sorte de « polycrise » (Edgar Morin) qui ne peut être pensée qu’à l’échelle planétaire. S’il arrive encore que certaines crises, prises isolément, soient rapportées à l’accélération du capitalisme après la fin de la guerre froide, on assiste aujourd’hui à une convergence de pensées qui remettent en question de manière beaucoup plus fondamentale certaines structures intrinsèquement liées à la mo- dernité en tant que telle. L’accumulation actuelle de crises peut alors être imputée à l’anthropocen- trisme dominateur ainsi qu’à la prépondérance d’une raison instrumentale qui structurent le rapport spécifiquement moderne (et, à l’origine, occidental) au monde. Les phénomènes d’aliénation qui en découlent – relation altérée à l’environnement, maladies psychiques telles que la dépression, le bur- nout ou le bore-out, clivages sociétaux, isolement des individus – sont aux antipodes des promesses portées par la science et la politique (auxquelles on peut bien sûr ajouter les mirages publicitaires de l’économie marchande), et ce précisément parce qu’elles lient l’accroissement du bonheur individuel à l’idée de progrès. Entre catastrophe climatique et multiplication des expériences aliénantes tant au niveau individuel qu’au niveau collectif, le sentiment se propage que le modèle social, politique et économique qui sous-tend la modernité s’approche de plus en plus vite du bout d’une impasse.
Le rôle que joue ici la vision dualiste du monde telle qu’elle est ancrée dans la pensée occidentale a déjà été mis en évidence par Heidegger. Avec le concept de l’être-au-monde, ce dernier a esquissé une nouvelle manière de penser l’homme qui transcende le dualisme entre le moi et le monde, dualisme dont il décèle les origines chez Descartes notamment. On retrouve une telle démarche de remise en question de l’ontologie occidentale chez les penseurs et les penseuses d’aujourd’hui, chez Philippe Descola en particulier, qui la met au cœur de son analyse anthropologique de la crise actuelle pour proposer une manière de la dépasser en instaurant un rapport au monde plus dialogique et harmo- nieux. Dans les pays de langue allemande, les travaux du sociologue Hartmut Rosa sur l’accélération et, plus récemment, la résonance, entendue comme « catégorie d’analyse sociologique qui permettrait de poser les bases d’une sociologie générale des rapports au monde », ont connu une large réception. Dans les domaines de la philosophie ou de l’économie, on trouve toute une série d’approches qui en- visagent une réorientation fondamentale de la manière de penser le monde, que ce soit en se fondant sur des relectures innovantes de modèles classiques (à l’instar du philosophe Kohei Seito et de son analyse de Marx) ou en explorant de nouvelles pistes de réflexion (à l’exemple de l’économiste Ma- riana Mazzucato et de son étude Mission Economy). Au-delà de la tentative de saisir la crise de la mo- dernité tardive, le point commun entre ces approches est qu’elles cherchent aussi à esquisser des portes de sortie en imaginant de nouvelles formes d’être-au-monde voire de décrire ce que serait la « vie bonne » (Hartmut Rosa).
Les journées d’études interdisciplinaires porteront d’une part sur les approches scientifiques et artis- tiques qui, bien qu’elles adoptent des points de vue différents et qu’elles s’appuient sur des méthodo- logies qui leurs sont propres, voient dans le « mutisme du monde » (Hartmut Rosa) un phénomène essentiel pour comprendre la crise de la modernité tardive. Elles se pencheront d’autre part sur les perspectives et les réorientations que ces modèles proposent afin de sortir de l’impasse actuelle.
L’intérêt porte autant sur les théories qui tentent de saisir ce moment de transition que sur ses repré- sentations et/ou transpositions dans les arts et la littérature. Dans le sillage de Hartmut Rosa, pour qui l’art, à côté des deux autres « axes de résonance verticaux » que constituent la religion et la nature, a un rôle central à jouer dans la redéfinition de l’être-au-monde, il s’agira de s’interroger sur les fonc- tions que peuvent remplir littérature, musique ou théâtre comme pratiques sociétales et espaces d’ap- préhension du monde. Dans quelle mesure le diagnostic de crise posé par la philosophie, la sociologie ou l’économie est-il repris dans les arts ? Quels sont les moyens narratifs et esthétiques mis en œuvre pour concrétiser, mais aussi critiquer les perspectives proposées dans le domaine théorique ? Et dans quelle mesure la littérature et les arts peuvent-ils parfois se faire le lieu de l’élaboration d’un contre- discours autonome ?
Les champs thématiques suivants sont envisagés :
1) La modernité tardive en crise : descriptions et analyses d’un rapport au monde déréglé dans la sociologie, la philosophie et les arts ;
2) Esquisses de réorientations : réponses sociologiques, philosophiques, économiques, anthro- pologiques, artistiques et littéraires au mutisme du monde ;
3) Espaces contemporains de résonance et de réflexion dans la littérature et dans les arts (en particulier dans la perspective des « axes de résonance verticaux » postulés par Hartmut Rosa).
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Les journées d’études auront lieu du 20 au 22 mars 2024 à Aix-en-Provence. Hartmut Rosa interviendra dans le cadre d’un Grand séminaire de la Maison de la Recherche le 21 mars 2024 avec une présenta- tion intitulée « Nature, Art, and Religion. The Power and Promise of Vertical Resonance ».
Les propositions de contributions scientifiques ou artistiques en français ou en allemand sont atten- dues jusqu’au 31 octobre 2023. Merci d’envoyer un abstract (max. 400 mots) ainsi qu’une courte no- tice biographique à l’équipe organisatrice. Les frais de transport et d’hébergement des participant.es seront pris en charge dans la limite des fonds disponibles.
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Organisation :
Sebastian Hüsch, UMR 7304 Centre Gilles Gaston Granger (sebastian.husch@univ-amu.fr)
Sophie Picard, UR 4236 ECHANGES (sophie.picard@univ-amu.fr)
Kathrin-Julie Zenker, UR 4236 ECHANGES (kathrin-julie.zenker@univ-amu.fr)
Comité scientifique :
Florence Bancaud (Aix-Marseille) Dorothee Kimmich (Tübingen) Pascal Taranto (Aix-Marseille) Oliver Victor (Düsseldorf)
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Auswege aus der Sackgasse. Zeitgenössische Antworten auf eine verstummende Welt in Soziologie, Philosophie und Kunst
Internationale Tagung an der Universität Aix-Marseille, 20.-22. März 2024
In der Spätmoderne scheint die strukturell mit der Moderne einhergehende Krisenhaftigkeit in einer Art „Polykrise“ (Edgar Morin) zu kumulieren, die insbesondere angesichts des Klimawandels und der drohenden ökologischen Katastrophen, aber auch der Erosion des demokratisch-liberalen Wertesys- tems eine nur global in Angriff zu nehmende Herausforderung darstellt. Wenn bestimmte Krisenphä- nomene einem seit dem Ende des Kalten Krieges entfesselten Kapitalismus zugeschrieben werden(Stichwort „Neoliberalismus“), so zeigen sich zunehmend Tendenzen eines umfassenderen Krisenbe- wusstseins. Die Ursachen für die aktuelle Ausweglosigkeit werden dann in problematischen Elementen der grundlegenden Strukturen des für die (in ihren Ursprüngen) westliche Moderne charakteristischen, anthropozentrisch-dominierenden und rationalistisch-instrumentellen Weltbezugs gesucht, die den Phänomenen multipler Entfremdungserfahrungen Vorschub zu leisten scheinen. Zu den Konsequen- zen gehören neben einem gestörten Bezug zu der uns umgebenden Umwelt auch psychische Erkran- kungen (Depression, Burn-Out, Bore-Out, etc.) sowie Erfahrungen der gesellschaftlichen Spaltung und sozialen Atomisierung. Diese stehen in krassem Widerspruch zu den Fortschrittsversprechen der Wis- senschaft und Politik (und selbstverständlich noch erheblicher zu den Werbeversprechen der Wirt- schaft), gerade weil sie die Steigerung der individuellen Glücksmöglichkeiten an das Fortschrittspara- digma knüpfen. Zwischen Klimakatastrophe und individuellen und kollektiven Entfremdungserfahrun- gen breitet sich konsequenterweise das Gefühl aus, dass das gesellschaftliche, politische und wirt- schaftliche Modell, das das Projekt der Moderne initiiert hat und trägt, sich mit zunehmender Ge- schwindigkeit auf das Ende einer Sackgasse zubewegt.
Dass hier in der einen oder anderen Weise das im westlichen Denken traditionell verankerte dualisti- sche Weltbild eine Rolle spielt, darauf hat bereits Heidegger hingewiesen. Mit dem Konzept des In- der-Welt-Seins hatte er eine Neuausrichtung des Selbstverständnisses des Menschen nahegelegt, um den von ihm maßgeblich auf Descartes zurückgeführten Selbst-Welt-Dualismus zu überwinden. Auch in der aktuellen Diskussion steht etwa in der Analyse des Anthropologen Philippe Descola die westliche Ontologie im Fokus sowohl der Krisendiagnostik als auch der Suche nach neuen Perspektiven eines harmonischeren, d.h. dialogischeren Weltbezugs. In der Soziologie haben im deutschsprachigen Raum insbesondere die Arbeiten Hartmut Rosas zur Beschleunigung und zur Resonanz als „sozialwissen- schaftliche Analysekategorie, auf die sich eine umfassende Soziologie der Weltbeziehung aufbauen“ lasse, eine breite Rezeption erfahren. Aber auch in der Philosophie oder in der Ökonomie entstehen eine Reihe von neuen Ansätzen und Vorschlägen für eine grundlegende Neuausrichtung, die entweder neue Dimensionen und Potentiale in bekannten Theoriemodellen erkennen (wie der Philosoph Kohei Seito in seiner Marx-Analyse) oder neue Denkwege einzuschlagen suchen (wie die Ökonomin Mariana Mazzucato in ihrer Studie Mission Economy). Ihnen ist gemeinsam, dass sie den Versuch wagen, nicht nur die Krise der Spätmoderne zu beschreiben, sondern Auswege zu skizzieren, die neue Arten des In- der-Welt-Seins oder sogar des „Guten Lebens“ (Hartmut Rosa) hervorbringen.
Die geplante Tagung interessiert sich in interdisziplinärer Ausrichtung sowohl für Ansätze einer Krisen- diagnostik, die das Problem eines „Verstummens der Welt“ (Hartmut Rosa) als Merkmal der Spätmo- derne aus unterschiedlichen Blickwinkeln und mit je spezifischer Methodologie thematisieren, als auch für Perspektiven und Vorschläge einer wie auch immer gearteten „Neuausrichtung“, die Auswege aus der aktuellen Sackgasse zu bieten versprechen. Dabei geht es nicht nur um theoretische
Auseinandersetzungen mit diesem Moment des Übergangs, sondern auch um seine Repräsentationen bzw. Umsetzungen in Kunst und Literatur. Anschließend an Hartmut Rosa, der der Kunst neben der Religion und der Natur als „vertikalen Resonanzachsen“ eine zentrale Rolle zuweist, soll nach den Funk- tionen dieser gesellschaftlichen Praxisbereiche und Welterfahrungsräumen gefragt werden. Inwiefern übernehmen Kunst und Literatur die Krisendiagnosen aus der Philosophie, Soziologie oder Ökonomie? Welche narrativen sowie ästhetischen Mittel werden eingesetzt, um die in der Theorie eröffneten Per- spektiven einerseits zu konkretisieren, andererseits auch kritisch zu beleuchten? Und inwiefern kön- nen Kunst und Literatur in einzelnen Fällen zum Ort des Aushandelns und Entstehens eines eigenstän- digen Gegendiskurses werden?
Folgenden Themenbereiche sind vorgesehen:
1) Die Spätmoderne in der Krise: Beschreibungen und Analysen eines gestörten Weltbezugs in Soziologie, Philosophie und Kunst;
2) Ansätze für eine Neuausrichtung: soziologische, philosophische, ökonomische, anthropologi- sche und künstlerisch-literarische Antworten auf das Verstummen der Welt;
3) Zeitgenössische Resonanz- und Aushandlungsräume (besonders im Sinne von Hartmut Rosas „vertikalen Resonanzachsen“) in Literatur und Kunst.
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Die Tagung findet vom 20. bis 22. März 2024 in Aix-en-Provence statt. Hartmut Rosa wird am 21. März eine Keynote zu „Nature, Art, and Religion. The Power and Promise of Vertical Resonance“ halten.
Für die Teilnahme mit einem wissenschaftlichen oder künstlerischen Beitrag in deutscher oder franzö- sischer Sprache bitten wir bis zum 31. Oktober 2023 um die Einsendung eines Abstracts (max. 400 Wörter) einschl. einer Kurzbiografie an die OrganisatorInnen. Die Reise- und Übernachtungskosten der Vortragenden werden in Abhängigkeit von den eingeworbenen Drittmitteln übernommen.
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Organisation:
Prof. Dr. Sebastian Hüsch, UMR 7304 Centre Gilles Gaston Granger (sebastian.husch@univ-amu.fr)
Dr. Sophie Picard, UR 4236 ECHANGES (sophie.picard@univ-amu.fr)
Dr. Kathrin-Julie Zenker, UR 4236 ECHANGES (kathrin-julie.zenker@univ-amu.fr)
Wissenschaftlicher Beirat:
Prof. Dr. Florence Bancaud (Aix-Marseille) Prof. Dr. Dorothee Kimmich (Tübingen) Prof. Dr. Pascal Taranto (Aix-Marseille) Dr. Oliver Victor (Düsseldorf).