En 1945, le jeune Philippe Jaccottet signe une critique élogieuse du recueil Verdures de la nuit, de son compatriote suisse Maurice Chappaz. S’ouvre un dialogue complice et fraternel qui va durer près de soixante ans, entre deux poètes que tout semble opposer. Chappaz le "catholique païen" est l’homme des hymnes à la vie et à la nature ; Jaccottet, à la rigueur toute protestante, est traversé de doutes et de chants tourmentés…. Tous deux admirent profondément le poète Gustave Roud et posent, dans son sillage, la question toujours exigeante du rapport entre la poésie et l’existence. Tous deux encore traduisent les grandes voix de l’Antiquité, l’un Homère, l’autre Théocrite et Virgile. Avec un enthousiasme lucide et toujours mesuré, Jaccottet porte l’œuvre de Chappaz vers les lecteurs français en passeur infatigable. Chappaz, par sa vitalité exubérante et généreuse, communique à Jaccottet une force rassurante. Cette amitié de toute une vie nous est aujourd'hui rendue avec leur Correspondance 1946-2009 dans un texte établi par José-Flore Tappy pour Gallimard.
Rappelons la récente édition déjà saluée par Fabula de la correspondance de Maurice Chappaz et Jean-Marc Lovay, rééditée sous le titre La Tentation de l'Orient par les éditions Zoé, qui reprend la préface de Nicolas Bouvier et offre une postface nouvelle de Jérôme Meizoz.