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La fête foraine dans les arts visuels policiers : film et bande dessinée (revue Complexus) Délai prolongé au 31 Octobre 2023

La fête foraine dans les arts visuels policiers : film et bande dessinée (revue Complexus) Délai prolongé au 31 Octobre 2023

Publié le par Marc Escola (Source : Pascale HELLÉGOUARC’H et Fatima SEDDAOUI)

La fête foraine dans les arts visuels policiers : film et bande dessinée

Du Dit de l’Herberie, rédigé par Rutebœuf au milieu du XIII e siècle à Pierrot mon ami de Raymond Queneau (1942), en passant par les théâtres de foire du XVIII e  et le Capitaine Fracasse de Théophile Gauthier (1863), les « fêteux » qui amènent dans nos villes les fêtes foraines, littéralement « les fêtes en voyage », nourrissent depuis des siècles les imaginaires[1].

Espace privilégié d’échanges et de commerce jusqu’au XVIII e siècle, la foire devient au siècle suivant un lieu festif, consacré essentiellement au divertissement : la fête foraine. Cette transformation reflète le changement de régime politique et économique opéré dans la société. À son apogée, à la Belle Époque, (fin XIX e-début XX e  siècle ), la fête foraine apparaît comme le miroir des désirs de tous ceux qui veulent s’émerveiller ou s’encanailler. Après la Seconde Guerre mondiale, on constate la disparition progressive de la plupart des théâtres, musées, ménageries, cinématographes et autres : ces spectacles nomades quittent la scène foraine pour se sédentariser. Si les jeux de loterie et de tirs subsistent, les attractions où dominent les sensations de vertige et de vitesse se développent rapidement[2].

La fête foraine est un espace de festivité qui fait la part belle à la fanfare, aux jeux de stands, à la loterie.  Symbolisée par ces objets - le manège, la roulotte - celle-ci assure la fonction de lien social. La Belle Époque, d’un point de vue socio-économique et industriel, favorise son émergence dans une volonté de privilégier le loisir, expression de l’insouciance et de la gaité[3]. Le roman  Les fiançailles de Mr Hire de Simenon, publié en 1933, et sa première adaptation filmique Panique par Julien Duvivier, (1946) s’inscrit dans l’espace de la fête foraine, absent de l’hypotexte  romanesque : Alice et Alfred pour échapper à Hire qui les espionne, rentrent dans la roulotte d'une voyante. Alfred décide ensuite de servir de l’attraction des autos- tamponneuses pour piéger Hire. Sur la piste, ce dernier ne tarde pas à être pris en chasse par tous les couples en voitures, sous l'impulsion d'Alfred et Alice – la fête est alors plus qu’un décor, elle sert l’intrigue. La Parade des monstres (Freaks), film de Tod Browning, (1932) transforme la fête foraine en allégorie cette fois : les êtres difformes se produisent dans un univers forain, tristes phénomènes de foire et miroir social.  Le Noyé à deux têtes et Tous des monstres !, sixième et septième volumes des Aventures Extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec de Jacques Tardi, (1994), une bande dessinée  qui mêle enquête et aventure, a pour cadre Paris, juste après la signature de l'Armistice de 1918 : on  y retrouve la figure du clown qui appartient  au monde forain, à la fois familier et inquiétant.

Lien social, espace de liberté, territoire des possibles, mise en scène de la peur et du rire, la fête foraine se joue des contradictions. En outre, cette expression du dynamisme est à mettre en relation avec le manège, objet central de la fête foraine, qui renvoie par ailleurs au cirque et à ses jeux.  Les arts forains, arts populaires par excellence, ont irradié la littérature et le cinéma de leur riche spécificité, ainsi Ray Bradbury avec La Grande Roue (1948, première traduction en français en 1981) ou encore La Dame de Shangaï d’Orson Welles (1947). Cette thématique qui se retrouve dans un large corpus, est cependant  peu  étudiée dans le film  ou  le récit graphique policiers. Qu’en est-il de la fête foraine dans le film policier, dans le film hollywoodien de genre noir, par exemple, ou la bande dessinée « polar » ? Quel rôle joue-t-elle dans le récit filmique ou graphique ? Quels sont ses décors, ses couleurs, ses lumières ? Comment sa scénographie et ses symboles participent à l’élaboration de l’intrigue ? Comment son univers onirique quitte parfois le rêve pour le cauchemar des romans noirs, en particulier lorsque ses lumières s’éteignent ? Cette contribution écrite invite à interroger la fête foraine, son espace, ses objets, ses motifs, ses codes et, par extension, sa visée narrative et stylistique, dans le genre policier, limitée au support filmique et bédéïque, entre le XIXe et le XXIe siècle. 

Les propositions sont ouvertes aux corpus étrangers, traduits en langue française.

Modalités de soumission :

Titre et résumé de la contribution écrite de 300 mots.
Notice bio-bibliographique de 8 lignes maximum.

Calendrier :  

Envoi des propositions par mail à seddaouifatima@yahoo.fr et pascale.hellegouarc-h@univ-paris13.fr : 31 Octobre  2023.  
Notification d’acceptation : début  Novembre 2023 
Remise des textes définitifs : 15 mars 2024

 Publication prévue en juin 2024, sous la forme d’un numéro thématique de la revue Complexus.   

Bibliographie indicative et non-exhaustive :

Campion Marcel, Gravil Catherine, D'où viens-tu forain ? Paris, Jacob Duvernet éditions, 2009.
Dimbourg Philippe, La Foire autrefois, Noir Dessin productions, 2005.
Dupont Jocelyn, Gilles Ménegaldo, Spectres de Poe dans la littérature et dans les arts, Le Visage Vert, 2020. 
Foucrier Chantal, Mortier Daniel, L’autre et le même. Pratiques de réécritures, Rouen, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, 2001.
Garnier Jacques, Forains d'hier et d'aujourd'hui, Paris, chez l’auteur, 1968.
Gourarier Zeev, Manèges d'autrefois, Paris, Flammarion, 1983.
Groensteen Thierry, Système de la bande dessinée, Paris, PUF, « Formes sémiotiques », 1999.
Groensteen Thierry, La bande dessinée : une littérature graphique, Toulouse, Éd. Milan, 2005 (Nouvelle édition). 
Grossman Julie, Palmer R. Barton (éds), Adaptation in Visual Culture. Images, Texts, and their Multiple Worlds, New York, Palgrave Macmillan, 2017.
Messen-Jaschin Youri, Dering Florian, Cuneo Anne et Sidler Pete, Le Monde des 14 forains du XVIe au XXe siècle, Lausanne, Éditions des Trois-Continents, 1986
Queneau Raymond, Pierrot mon ami, Paris, Gallimard, 1942, rééd. 1972.
Rouyer Philippe, « Reims Polar 2021, 38e Festival international du film policier », Positif, Paris, Positif Éditions, 2021.
Solignac-Saint-Cernin Hélène, dir., et alii, La Fête des Loges à Saint-Germain-en-Laye, 1880- 1914, séminaire d'histoire de l'université libre de Saint-Germain-en-Laye, Presses franciliennes, 2013.


 
[1] Pour le contexte d’ensemble, voir la fiche inventaire « La  culture vivante de la fête foraine », https://www.culture.gouv.fr/Media/Thematiques/Patrimoine-culturel-immateriel/Files/Fiches-inventaire-du-PCI/La-culture-vivante-de-la-fete-foraine
[2] Ibid.
[3] Voir « L’Histoire de la fête foraine », https://arts-forains.com/notre-histoire/histoire-de-la-fete-foraine