
John Steinbeck vient de faire son entrée dans La Bibliothèque de la Pléiade avec un volume de Romans qui propose la "trilogie du travail" formée par En un combat douteux (1936), Des souris et des hommes (1937) et Les Raisins de la colère (1939), ainsi qu’À l’est d’Éden (1952), roman de la maturité. Le fil conducteur des trois premiers livres, c’est la réaction de l’individu à la pression du groupe. En un combat douteux, qui prône l’action collective, revêt une dimension épique. Des souris et des hommes traduit, par la simplicité de son intrigue et ses ressorts dramatiques, la dimension tragique d’une humanité abandonnée à la fragilité de ses rêves. Les Raisins de la colère, grand roman de la route, entremêle le destin de la famille Joad et des chapitres « collectifs » qui élargissent la perspective à l’ensemble du « peuple ». À l’est d’Éden enfin donne corps à l’imaginaire familial de Steinbeck et illustre la faculté de l’homme à choisir son destin. S’y mêlent souvenirs intimes et éléments allégoriques et historiques ; le bien et le mal s’y livrent une lutte placée sous le signe de Caïn.
Après les Jours de travail, le journal des Raisins de la colère l'an passé, les éditions Seghers publient ces jours-ci la correspondance de Steinbeck à son éditeur lors de la rédaction d'A l'Est d'Eden, sous le titre Les lettres d'À l'est d'Eden. Journal d'un roman. En réalité, une longue lettre qu'il écrit quotidiennement à son ami et éditeur, Pat Covici, lettre ininterrompue qui a une triple vocation : elle le prépare physiquement et psychiquement à la rédaction de ses feuillets du jour ; elle offre un laboratoire dans lequel il revient sur les ambitions du chapitre en cours ; elle lui permet de tenir la chronique de la création, réflexion sur le temps, la littérature, l'inspiration, l’œuvre à l’œuvre.
Rappelons aussi la traduction l'an passé du Journal russe (Gallimard), récit du voyage de quarante jours entrepris par John Steinbeck avec Robert Capa en 1947, de Moscou à Stalingrad en passant par la Géorgie et l’Ukraine pour un reportage destiné au New York Herald Tribune. Mais aussi la nouvelle traduction de Des souris et des hommes par Agnès Desarthe, qui n'a curieusement pas été retenue pour le volume des Romans dans La Pléiade.