Laure Lévêque, Le Rouge ou le Noir ? Quand la fiction futurologique française prophétisait des lendemains qui (dé)chantent (1800-1975)
« De quoi demain sera-t-il fait ? » s’interrogeait, en 1835, Victor Hugo dans des Chants du crépuscule dont on sait que le dernier terme revêtait alors un sens profondément duel, susceptible de signifier aussi bien le point du jour que le couchant. Alors, les temps étaient-ils à l’aurore ou au crépuscule ? Cet horizon indiscernable, beaucoup le scrutent aussi, cherchant à y apercevoir, comme Chateaubriand à pareille époque, « l’Avenir du monde », un avenir passablement brouillé depuis que la Révolution française a jeté à bas des certitudes téléologiques millénaires, libérant une inquiétude eschatologique majeure, sinon sans précédent, qui agite douloureusement consciences et imaginaires. En témoigne un foisonnant corpus de textes souvent méconnus qui entreprennent d’éclairer cet avenir dont une petite centaine, couvrant le XIXe et une bonne partie du XXe siècle, est ici examinée. Pris en tenaille entre les deux grandes postulations mythiques que sont le progrès et la décadence, l’avenir est préempté tantôt du côté d’une nouvelle genèse tantôt du côté d’une retentissante apocalypse, engageant, entre éternel retour, prométhéisme conquérant ou fin des temps, des régimes d’historicité pluriels et des lectures politiques qui ne le sont pas moins. Entre béates utopies et dystopies féroces qui accouchent qui du meilleur des monde et du bon gouvernement, qui de l’enfer sur terre, du phalanstère à la caserne et à la prison, du philanthropisme au totalitarisme, de l’âge d’or au globocide, cette littérature futurologique de l’ère capitaliste est riche de ce que Walter Benjamin appelait des images dialectiques, vibrantes de tension, expressions de passages historiques qui ouvrent tant sur des lendemains qui chantent que sur les faisceaux plus sombres de l’aube dorée.
Ancienne élève de l’École Normale Supérieure, Professeur de Littérature française à l’Université de Toulon, Laure Lévêque travaille sur l’écriture de l’histoire dans le long XIXe siècle et s’intéresse notamment à la part des élaborations imaginaires et idéologiques dans la transmission et la construction des référents culturels, aux recompositions symboliques qui travaillent l’imaginaire des sociétés et les idéologies du pouvoir et à la sélection des composantes appelées à former le fonds d’une culture commune, qu’elle aborde dans une perspective résolument transdisciplinaire.
Table des matières
Introduction : L’avenir du monde
(C’est déjà) demain
Le meilleur des mondes
L’avenir au futur antérieur
La fin du monde
Après-demain
Le monde d’après : essais de palingénésie sociale
Vers la guerre mondiale ? L’Europe au cœur de la guerre fatale
La promesse du regain à la clef du réveil de l’énergie nationale
Plus tard
La renaissance : de la colonie à la post-colonie
Conclusion : Back to the future : Révolution, le retour.