Université de Manouba (Tunisie)
Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba
Département de français
Le laboratoire de recherche Études Maghrébines, Francophones, Comparées et Médiation Culturelle
Organise le colloque international
Les Mots à la bouche
Les 12, 13 et 14 mai 2023 à Monastir, Tunisie
Argumentaire
Colloque : Les mots à la bouche
De même que la langue possède un trésor que constituent les signes linguistiques, de même la nourriture a ses propres mots que forment les fruits et légumes et autres ingrédients indispensables à la cuisine. La langue et la cuisine ont chacune leurs systèmes, leurs grammaires, sommes-nous tenté de dire. Il est par conséquent loisible de rapprocher mots et mets. La similitude et le parallèle qu’on peut établir entre les deux systèmes autorisent de dire que les mots comme les mets ont leur saveur. S’il est vrai que les mets n’ont véritablement de sens que s’ils procurent un certain plaisir au corps, il peut parfaitement en être de même pour les mots dès lors que leur agencement harmonieux à la faveur d’un acte d’appropriation de la langue produit de la signifiance (le sens en ce qu’il est produit sensuellement). Telle est sans doute l’une des propriétés de la littérature qui se singularise fondamentalement par un travail sur les mots.
Mallarmé n’a-t-il pas affirmé que « ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers, c’est avec des mots » ? Non seulement ceux qu’on écrit sur le papier ou qu’on pianote sur le clavier, mais surtout les mots qu’on déclame, qu’on profère et aussi qu’on déguste. Songeons à l’expérience exceptionnelle qu’aura constituée l’épreuve du gueuloir de Flaubert. Décrivant ce rituel, Maupassant écrit : « Il écoutait le rythme de sa prose, s’arrêtait pour saisir une sonorité fuyante, combinait les tons, éloignait les assonances, disposait les virgules avec conscience, comme les haltes d’un long chemin ». C’est dire si les mots pour être actualisés ont besoin d’être articulés par la cavité buccale comme pour être dégustés, mieux appréciés. N’est-il pas vrai que les mots des vers et ceux de la prose n’accèdent à l’existence que par la coopération du lecteur, celui dont rêve en somme tout écrivain, qui sache « rompre l’os pour en tirer la substantifique moelle » ? Ce n’est sans doute pas un hasard, et encore moins anodin, si Rabelais use de cette délicieuse métaphore culinaire et gustative, comme pour nous signifier qu’il n’est de savoir qui ne soit articulé à la saveur. L’auteur de Gargantua, en humaniste invite le lecteur à « humer, sentir et estimer (les) beaux livres de haute graisse… » Les mots à la bouche, c’est une histoire qui sollicite cet organe si particulier qu’est la langue. Organe de la parole mais aussi du goût.
C’est ce que confirme avec éloquence Françoise Héritier dans son exquis livre Le Goût des mots (Odile Jacob, 2013). L’anthropologue s’y interroge sur le rapport entre le mot et la chose, non en tant que linguiste (qu’elle ne saurait être) mais plutôt en mettant en avant sa sensibilité qui se traduit par une « sidération » face à certains vocables, sidération d’autant plus étrange que l’acception des mots en question résulte de l’effet qu’ils produisent sur elle. C’est quasiment en poète qu’elle conçoit le rapport aux mots car, à ses yeux, la question essentielle réside dans « l’origine sensuelle, corporelle, du langage, de la manière dont les sons répondent à des excitations ressenties par le commun des mortels. » N’est-ce pas l’exemple de Nathalie Sarraute qui dans Ici évoque la quête du nom de l’arbre engouffré dans un souvenir lointain, exemple dont Françoise Héritier fait l’éloge précisément pour « le goût du mot » dont témoigne l’écriture de Sarraute, « un mot qui emplit la bouche qui le prononce et engloutit l’énonciateur dans la sensation » ? « Je n’aime pas beaucoup le gingembre, je préfère le mot qui le désigne. », affirme Abdelkébir Khatibi. « Nous essayons d’être des « Mélangeurs », empruntant ici et là des bribes d’ « ailleurs », répond Roland Barthes.
Dans les travaux de ce colloque nous nous emploierons à explorer :
1) comment le créateur déploie son rapport sensuel aux mots
2) les effets que ce rapport produit sur le lecteur
3) en quoi les mots à la bouche constituent une expérience existentielle
Les propositions de participation doivent être envoyées conjointement aux adresses mail suivantes avant le 20 avril 2023 : habib.salha@yahoo.fr abenmahjouba@gmail.com
Comité d’organisation : Thouraya Ben Amor, Aurélia Hetzel, Ilhem Saida, Donia Maraoub,Hanène Harrazi
Comité scientifique : Habib Ben Salha (Université de Manouba), Abbès Ben Mahjouba (Université de Manouba), Jalel El Gharbi (Université de Manouba), Hamdi Hemaïdi (Université de Manouba), Adel El Khidr (Université de Manouba), Moncef Taeib (Université de Manouba), Mustapha Trabelsi (Université de Sfax), Simona Modreanu (Université de Iaşi, Roumanie), Abdelouahed Mabrour (Université Chouaïb Doukkali, El Jadida, Casablanca), Amel Maafa (Université 8 mai 1945, Guelma, Algérie), Olivier Guerrier (Université Toulouse II-Jean Jaurès, France).
Informations pratiques :
- Le colloque aura lieu à Monastir les 12, 13 et 14 mai 2023.
- Une visite de la ville de Lamta, près de Monastir, est prévue dans le cadre de la foire des produits du terroir.
- Les frais de participations sont de 100 euros. Ils incluent l’hébergement, la restauration, le transport entre Monastir et Lamta.
- Les organisateurs ne prennent pas en charge les frais de transport internationaux.
- Les notifications d’acceptation seront envoyées par mail au plus tard le 25 avril 2023.
Agenda
Événements & colloques
Publié le par Esther Demoulin (Source : Habib Ben Salha)