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Territoires en mouvement dans les mondes hispaniques du Moyen Âge à l’époque contemporaine (Paris-Nanterre)

Territoires en mouvement dans les mondes hispaniques du Moyen Âge à l’époque contemporaine (Paris-Nanterre)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Diana Sarrade)

Appel à communications

Colloque international

Territoires en mouvement dans les mondes hispaniques du Moyen Âge à l’époque contemporaine

Colloque de clôture du Projet quinquennal du CRIIA – Études romanes – Université Paris Nanterre

 11 et 12 janvier 2024

Campus de l’Université Paris Nanterre 



 Si l’on considère que le territoire est une construction politique, économique, juridique, sociale et linguistique, la thématique « Territoires en mouvement dans les mondes hispaniques, du Moyen Âge à l’époque contemporaine » permet d'explorer différentes facettes des constructions identitaires, qu’elles soient nationales (construction d’une communauté imaginaire collective), groupales (identification à une « appartenance ethnique », évolutions et nouvelles représentations linguistiques) ou individuelles (traces de mémoires familiales/voyages/correspondances) à partir d'une réflexion sur les notions de frontières, de déplacements et de circulations, tout en mettant la focale sur les processus de déterritorialisation et de reterritorialisation ainsi que sur les formes de « travestissement » (ou ambivalences, résistances et dérives) des territoires, des hybridations linguistiques, du polylinguisme et des phénomènes de translanguaging, conséquences de ces déplacements.

Appliquer cette réflexion aux mondes hispaniques implique d’étudier les liens avec des pays proches géographiquement (États-Unis/Amérique latine ; Europe/Espagne), historiquement (Espagne/Maghreb ; Espagne/Amérique latine) ou linguistiquement (variétés diatopiques de l’espagnol, espagnol en contact avec d’autres langues ibériques et amérindiennes). Un intérêt majeur réside dans la prise en compte d’autres parties du monde – tout particulièrement l’Afrique et l’Asie – au prisme des mobilités humaines et économiques.

Les déplacements humains, collectifs et individuels, sont une réalité constatable à toutes les époques préhistoriques et historiques. Lorsque l’on parle de mobilités, comme dans le cas de la migration – avec ses enjeux et ses défis sociétaux –, les questions ayant trait aux langues jouent un rôle central. Actuellement, par exemple, six langues à caractère officiel coexistent dans la Péninsule ibérique (portugais, galicien, castillan, basque, catalan, anglais) ; les variantes dialectales étaient encore plus nombreuses au Moyen-Âge (léonais, aragonais, mozarabe, aljamia), auxquelles il fallait ajouter la présence de l’arabe (dialectal andalousi et littéraire).

Par ailleurs, le développement de nouvelles technologies a entraîné l’émergence de territoires « virtuels » – supposés abolir les frontières du monde « réel » mais qui n’en établissent pas moins de nouveaux pouvoirs. Fonctionnant à partir d’une organisation en réseaux, lesquels déplacent la notion « traditionnelle » de territoire, l’impact du cybermonde (ou cyberespace) est considérable, tant sur les formes et les économies des mobilités (par exemple le tourisme, source économique importante pour les pays, mais également cause de phobies) que sur la mobilité des formes (on pense au livre numérique), où les hiérarchies de genres et les pratiques d’écriture ou d’édition sont questionnées en profondeur).

« Espace identifié, approprié par un individu, une communauté, sur lequel peut s'exercer l'autorité d'un État, d'une collectivité » (Entrée « Territoire », Jacques Levy, Michel Lussault, Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés, Paris, Belin, 2003, p. 910), le territoire implique, en principe, l'existence de limites précises dont les frontières sont traditionnellement l’un des attributs de la souveraineté et le point de fixation pour les responsables des politiques migratoires qui s’attachent à en contrôler le franchissement. Frontières et migrations sont indissolublement liées (cf. la définition du migrant international, donnée par le département de la Population des Nations Unies : « personne née dans un pays donné et qui vit dans un autre pays que celui de sa naissance »). Dans son acception politique, la déterritorialisation signifie qu’il y a un effacement de l’État territorial, traversé par des flux transnationaux, et un affaiblissement des contraintes spatiales imposées par les États.

Outre son contenu juridique et économique d'appropriation, la territorialité s’exprime, de manière symbolique, à travers un sentiment d'appartenance (ou d'exclusion) qui montre que le territoire est aussi un objet d'affects collectifs et individuels. Ainsi, par exemple, la portée élégiaque de la littérature espagnole de l’exil républicain est-elle consécutive à la perte du territoire. La déterritorialisation peut aussi se penser en termes d’amenuisement ou de transformations des identités territoriales à l'heure de la mondialisation, même si cette dernière suscite, en retour ou en réaction, une reterritorialisation sous la forme d’une demande accrue de « local ». Cette autre échelle, la plus petite d'un axe qui va jusqu'au « global », s'est imposée comme principe d'organisation de la territorialité. Elle est observable dans les logiques d’implantation des activités économiques par le biais de valorisations territoriales spécifiques (les « terroirs », par exemple) dans un contexte général de concurrence des territoires et de mobilités accrues des hommes et des biens matériels ou immatériels. Mais la grande mobilité contemporaine n'est pas synonyme de déterritorialisation car « se mouvoir dans l'espace ne signifie pas ne pas être dans l'espace » (Milton Santos, « Les nouveaux mondes de la géographie », in Encyclopédie de géographie, Paris, Economica, 1992). De son côté, Laurent Carroué souligne que loin d’abolir les territoires, le processus de mondialisation « repose au contraire sur une survalorisation systématique des différences spatiales et territoriales, entre grandes aires continentales, entre États, entre régions » (Laurent Carroué, Atlas de la mondialisation. Une seule terre, des mondes, Paris, Autrement, 2018). La notion de « glocalisation » dans les mondes hispaniques (terme en usage dès les années 1980) demande à être approfondie.

Les axes suivants seront privilégiés :

1) Déplacements et reconfigurations des territoires qu’ils soient symboliques, réels ou virtuels, en examinant les différents procédés de déterritorialisation/reterritorialisation : qui en sont les acteurs ? Comment se réapproprie-t-on les territoires ? Quels sont les instruments de la reconfiguration, de la médiatisation des territoires ? Des frontière(s) à la fois figée(s) et mouvante(s) : physiques (pays) ou imaginaires (entre individus), les frontières sont des espaces de tension et d’affrontement qui, d’une part, établissent des résistances et affirment des différences et d’autre part, permettent d’échanger, de modifier et de faire interagir des identités sociales et culturelles. De quelle manière l’art et les représentations littéraires et artistiques conçoivent-elles de nouveaux territoires et de nouvelles formes de l’habiter ?

Concernant les situations de migration, on parle des familles transnationales et des identités multiples, voire hybrides. Il convient de s’interroger sur les multiples reconfigurations particulièrement au niveau symbolique lorsque ces familles se trouvent dans des espaces géographiques distincts (cf. Inke Du Bois, Nicole Baumgarten, Multilingual Identities: New Global Perspectives, Frankfurt, Peter Lang, 2013). On peut également considérer le changement du rôle des femmes (« empowerment » d’une migration qui s’est féminisée ces dernières années) et de la transmission des langues (deuxième et troisième générations), des valeurs et des identités d’origine.

Les changements que les nouvelles technologies ont entraînés dans nos modes de vie et les transferts des méthodes, notamment, dans l’enseignement devront être pris en compte. « L’hispanisme » n’existe plus seulement dans les territoires où l’espagnol est langue officielle (n’oublions pas la Guinée Équatoriale, en Afrique), mais également dans d’autres territoires, tels que le Maghreb et l’Afrique subsaharienne où les chercheurs s’interrogent sur l’« Autre » et ses représentations en classe de langue espagnole et dans les manuels utilisés en Afrique de l’Ouest.

2) Les « nouveaux » territoires : entre affirmations, résistances, ambivalences et dérives : Quelles sont les nouvelles dynamiques spatiales (les nouvelles pratiques sociales, culturelles, etc.) ? Comment ces nouveaux espaces sont-ils instrumentalisés ? Mis en scène ? En quoi consistent les conflits d’appropriation ? Quelles sont les nouvelles formes de domination (voire les dérives) liées à ces « nouveaux » territoires ?

Quelques exemples : les changements constitutionnels (affirmation de la biodiversité des territoires en Bolivie, en Équateur, etc.) ; la violence comme réappropriation du territoire national (cf. les luttes armées), le non-respect des lois, la « communautarisation » ou « l’ethnicisation » du territoire (cf. tous les éléments iconographiques/sémiologiques qui marquent les limites d'un territoire à un autre : les quartiers grillagés, les noms attribués, les portraits de militants, les lieux de convivialité ou de sociabilité, etc.), le temps et le territoire (le temps comme clé d'analyse), l'oubli (visibilité/invisibilité des territoires).

3) Recréer une « mémoire » transnationale ? : Ici, il s'agira non seulement de se pencher sur les différents récits historiques mais aussi sur les formes de transmission des expériences sociales, des pratiques économiques et symboliques des différents groupes (traces laissées qui reprennent la dichotomie centre/périphéries), les différents témoignages sur le global/national/régional/local (territoire « indigène », « paysan », « urbain », etc.) ; traces des migrants ; rôle des communautés virtuelles dans cette construction de mémoire, etc.). Afin de dépasser ces dichotomies, il faut placer la focale sur la notion de « transnational ».

Dans cet axe, seront abordées les reconstructions du territoire à travers la fiction, qu’elle soit littéraire ou cinématographique (étude des procédés, déconstruction des repères sociaux et spatio-temporels et création de nouveaux imaginaires, représentations véhiculées par ces films). L’étude des représentations iconographiques privilégiera la mise en scène par l’État de sa présence et de son pouvoir ainsi que l’inscription de la contestation dans les territoires : peintures « académiques », éphémères (chicanos), « indigènes », street art ; représentations cartographiques ; photographies.

4) Les langues des nouveaux territoires : un premier mouvement de colonisation a fragmenté la langue dans l’espace dès les XVe et XVIe siècles, créant ainsi la situation d’une variation diatopique et, plus tard, la conscience d’une identité linguistique des nations américaines (langue versus dialecte) qui se traduit depuis les indépendances par une prolifération de compilations (nationales ou panaméricaines) de matériaux lexicographiques, phraséographiques et parémiographiques.

5) Langue d’accueil et mots de l’exclusion : comment se traduit (ou pas), dans un pays, l’accueil linguistique des populations migrantes ou « déplacées » ? Comment les migrants reçoivent-ils la langue ? Comme le montre une recrudescence de la bibliographie consacrée aux migrations d’une part, et à ses répercussions linguistiques d’autre part, les trajets des langues ne sont pas des allers simples, et il peut être intéressant d’observer en synchronie (XXe et XXIe siècles) l’accueil réservé à la variation diatopique et dialectale dans le monde hispanophone. On pourrait aussi s’interroger sur la langue des déplacés avec ou sans territoire fixe et sur la façon dont une langue, en l’occurrence l’espagnol, évolue dans un contexte de diaspora.

La façon dont les langues et les variétés diatopiques de l’espagnol (mais également du catalan et d’autres langues en contact) ont-elles un impact sur la construction identitaire est un autre aspect de la réflexion. Si l’étude des identités est complexe étant donné le caractère polyédrique, saisir dans son sein les stéréotypes l’est davantage car ces « clichés figés » ont des fonctions diverses dans la construction des identités. Quelle serait donc l’articulation entre ces identités multiples et les stéréotypes ?

Modalités des soumissions et calendrier :

Les propositions de communication en français ou en espagnol (un résumé de 200 mots et une courte biographie) sont à envoyer avant le 31 mai 2023 à Caroline Lepage (c.lepage@parisnanterre.fr) et Dalila Lehmann Chine (dlehmann@parisnanterre.fr).

Calendrier prévisionnel :

●     Février 2023 : Lancement de l’appel à contributions

●     31 mai 2023 : Date limite de soumission des propositions

●     Juin 2023 : Communication des propositions acceptées

●     15 janvier 2024 : Début du processus éditorial

●     Printemps 2024 : Publication des actes du colloque dans la revue Crisol

Les articles définitifs devront être transmis au comité d’organisation avant le 15 janvier 2024 afin de permettre une publication des travaux dans les meilleurs délais. Les normes de présentation de la revue Crisol seront envoyées avec l'acceptation de la proposition.

Pour plus d’information sur la revue Crisol : https://crisol.parisnanterre.fr/index.php/crisol

Frais d’inscription : 

- Enseignants-chercheurs : 30€

- Doctorants : 0€

En cas d'acceptation, si la communication appartient à plusieurs auteurs, chaque contributeur devra s'inscrire au colloque. Les frais de transport et d’hébergement restent à la charge des participants ou de leur institution de rattachement.

Comité d’organisation :

Alice Kadri, Université Paris Nanterre

Dalila Lehmann Chine, Université Paris Nanterre

Caroline Lepage, Université Paris Nanterre

Ana María Ramos Sañudo, Université Paris Nanterre

Diana Sarrade Cobos, Université de Bordeaux

Emmanuelle Sinardet, Université Paris Nanterre

Comité scientifique :

Hugo Oscar Bizarri, Université de Fribourg 

Bernard Darbord, Université Paris Nanterre 

Rosalina Estrada Urroz, Benemérita Universidad Autónoma de Puebla (BUAP) 

Marleen Haboud, Pontificia Universidad Católica del Ecuador (PUCE)

Catherine Heymann, Université Paris Nanterre

Corinne Mencé-Caster, Sorbonne Université

Julio Pérez Serrano, Universidad de Cádiz (UCA)

Alexis Sierra, Sorbonne Université

Consulter la page internet du projet du CRIIA (Centre de Recherches Ibériques et Ibéro-américaines), Études Romanes, Université Paris Nanterre :

https://criia.parisnanterre.fr/navigation/axes-et-groupes-de-recherche