9e Rencontres d’Angoulême. Comprendre et penser la bande dessinée
Les corps immobiles dans la bande dessinée
Angoulême - CIBDI – Auditorium du musée
Les 11, 12 et 13 octobre 2023
La bande dessinée, souvent présentée comme un art séquentiel ou un récit spasmodique, veut, depuis ses origines, se jouer des images fixes et des corps immobiles, donnant l’illusion des actions qui s’enchainent et du mouvement. Pourtant les corps immobiles peuplent les cases et les planches. En premier lieu, les récits d’affrontements armés, de guerres civiles ou coloniales abandonnant quelques dépouilles mortelles ou un nombre impressionnant de cadavres, comme dans tel album de David B. Certains gisants pourtant ne sont pas tout à fait des êtres humains mais des sortes de répliques, des clones ou des avatars, à moins, que sculptés dans la pierre, comme les personnages couchés à plat-dos et placés au-dessus d’un sarcophage, ils représentent, surtout à l’époque médiévale, une personnalité d’importance qui, figurée par un corps minéral, doit pouvoir traverser les siècles. Ils constituent aussi, à la manière des Étrusques, une urne funéraire monumentale, ce que parvient réaliser Jacques Martin pour la couverture du huitième album des aventures d’Alix paru en 1968. Ailleurs, à la morgue ou même chez soi, se trouvent des corps immobiles, comme dans les aventures d’Adèle Blanc-Sec, on y retrouve des corps pendus ou empalés à Paris auprès des plus grands monuments pour terrifier la population.
Mais il existe aussi toute une galerie d’autres corps inertes. Des personnages s’avanouissent ou sont assommés. La bande dessinée policière ou d’aventures comptent un nombre impressionnant de corps allongés, étendus sur le sol, après avoir reçu un coup derrière la tête ou sur le crâne.
Il est vrai que les corps immobiles sont le plus souvent dans une mauvaise posture. Des personnages, captifs, sont attachés à un poteau ou plaqués contre une surface rigide. Ils sont rendus impuissants par des liens qui les compriment et les empêchent de se mouvoir. A moins que, désespérés et fatigués, ils aient cessé de bouger, attendant, résignés, le sort qui leur est promis. D’autres fois, les corps sont figés car victimes d’un rayon paralysant, à l’instar des victimes de la zorgland manipulé par Zorglub ou de « l’anneau du diable » manipulé par des voyageurs venus de la planète Térango dans les aventures de Luc orient (1970). Si les corps peuvent être paralysés par une action extérieure (un rayon, une substance…), par la congélation, volontaire ou accidentelle, ils le sont aussi par la maladie qui fige les corps ou les paralysent partiellement. Il arrive encore que des personnages soient transformés en statues et les enveloppes corporelles semblent condamnées pour l’éternité à rester immobile.
Dans un tout autre registre, les corps endormis, anesthésiés, plongés dans un sommeil artificiel, ou simplement assoupis défilent dans certaines planches. Mais les corps sont comme impuissants, ne réagissant pas aux directives des cerveaux. Momentanément immobiles, ils sont paralysés par les émotions (la sidération, la surprise, le coup de foudre, la peur…). Dans des albums de Jacques Tardi, C'était la guerre des tranchées (1993), Putain de guerre (2014), Le dernier assaut (2016), des soldats semblent ralentir puis se figer, basculant dans une profonde résignation que le corps exprime. – Le sentiment d’'impuissance engourdis les corps jusqu’à les figer, à l’instar de Vladak dans Mauss, qui ne sait quelle direction choisir car la menace nazie s’avère omniprésente.
Le corps immobile semble le propre des images fixes, d’une certaine manière tous les corps sont immobiles, mais lorsque qu’il s’agit d’un personnage qui ne bouge pas, quels indices sont donnés aux lectrices et lecteurs pour distinguer les « corps en inaction » des statues, des affiches murales, des mannequins des vitrines ? De nombreuses pistes s’avèrent possibles. Parmi elles, sans prétendre à l’exhaustivité :
- Quelles sont les situations propres aux corps figées : la guerre, l’opération chirurgicale, la situation de handicap…
- L'introspection, la méditation, la rêverie supposent que les corps cessent de bouger et comment les auteurs parviennent-ils à les restituer ?
- Les lieux de l’immobilité : la morgue, les tranchées, le cabinet du dentiste…
- Le corps devant le miroir ou devant l’objectif de l’appareil photo se fige volontairement. Existe-il d’autre brefs moments ?
- Quelles sont les émotions qui provoquent l’arrêt du corps ? De quelles façons le récit graphique parvient-il à les mettre en scène ?
Colloque organisé par la MSHS de Poitiers, avec la collaboration de la CIBDI et de Magelis. Avec le soutien de l’EESI, du CRIHAM, du FORELLIS et du Réseau Régional de Recherche en Nouvelle Aquitaine sur la bande dessinée (3RBD).
Les propositions de communications (1000-1500 signes) et une courte notice bio-biblio (300-500 signes) sont à adresser, avant le 30 mars, à Frédéric Chauvaud (frederic.chauvaud@univ-poitiers.fr), à Julien Gaillard (julien.gaillard@univ-poitiers.fr) et à Denis Mellier (denis.mellier@univ-poitiers.fr).
Le retour des expertises aura lieu le 27 avril.
Les organisateurs prennent en charge les nuitées, les repas, les frais d’inscription et la publication des actes sous la forme d’un véritable livre.