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Fiducia. Crédibilité, confiance, crédit dans les récits de soi

Fiducia. Crédibilité, confiance, crédit dans les récits de soi

Publié le par Esther Demoulin (Source : Frédérique Leichter-Flack / Emmanuel Bouju)

FIDUCIA
COLLOQUE ÉCLATÉ SUR LE PARADIGME FIDUCIAIRE

CRÉDIBILITÉ, CONFIANCE, CRÉDIT DANS LE RÉCIT DE SOI

8 (Sorbonne Nouvelle) et 9 février (Sciences Po Campus) 2023

Journées d’étude CERC, Sorbonne Nouvelle et Centre d’histoire de Sciences Po,
Format hybride / In Person and online session

Organisation : Frédérique LEICHTER-FLACK (Sciences Po, CHSP) et Emmanuel BOUJU (CERC, Sorbonne Nouvelle)



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▸ Inscription obligatoire :  8 février /  9 février 2023 

Des récits migratoires en vue de se qualifier au statut de réfugié, aux demandes de secours ou de protection adressées aux autorités publiques, en passant par les témoignages requis en justice, la production sociale de récits de soi articule étroitement visée véridictionnelle et visée fiduciaire : il ne s’agit pas seulement de dire le vrai ou d’être sincère pour être cru : en l’absence de preuves irréfutables, il faut être reconnu comme fiable et savoir gagner à soi la confiance de ses auditeurs et juges ; et pour ce faire, les compétences narratives jouent un rôle décisif, comme en attestent les audiences à la Cour nationale du droit d’asile, où les demandeurs d’asile qui ont vu une première fois leur demande rejetée viennent se raconter à nouveau, avec la médiation d’un interprète, devant un juge et deux assesseurs chargés d’examiner leur recours (Laacher, Croire à l’incroyable, 2018). La sélection des éléments du récit de vie, la mise en forme de l’expérience, le choix des mots et des intonations, le recours éventuel à des lieux communs du récit de persécution, la contribution cruciale du traducteur pour relayer une émotion, une hésitation, une métaphore : autant d’éléments qui visent à se qualifier comme légitime mais qui sont aussi scrutés du côté des juges ou des travailleurs sociaux.
D’autres corpus encore présentent des récits de soi assumés dans le but exprès d’obtenir un statut, une reconnaissance, un secours, une réintégration dans un cercle dont on a été exclu. Que faut-il alors confier de soi pour inspirer confiance et convaincre de sa bonne foi ? Comment le récit de soi est-il modifié par la conscience que sera exercé sur lui un soupçon ? Comment manipuler les topoï du récit de traumatisme, de détresse ou de persécution ? Les compétences narratives valorisées se retournent-elles parfois contre les émetteurs de récits ?
Le problème du crédit moral du récit de soi est particulièrement aigu quand il s’agit de témoigner d’expériences-limites et de modalités de survie traumatiques, vécues en situation extrême, dont on peut redouter qu’elles ne suscitent chez des destinataires étrangers au contexte de contrainte que l’on a connu, des réactions de jugement moral inappropriées. Comment considérer, alors, la délimitation éthique et narrative de l’espace du « dicible » ?
On sait que les écrivains-témoins des violences de masse du XXe siècle ont dû surmonter ces obstacles pour s’imposer aux historiens comme une source sinon fiable, du moins pertinente à prendre en compte. La question de savoir comment convaincre que l’impensable a bien eu lieu et que le récit qu’on en offre est fiable, celle de décider quoi partager de la complexité des modalités de survie dans la « zone grise » au risque de déclencher doutes et jugements moraux sévères chez les lecteurs à distance du contexte d’extrême contrainte, a été une préoccupation constante profondément inscrite au cœur de leur démarche, repérable dans leurs choix d’écriture, y compris et surtout quand les moyens littéraires mobilisés empruntaient aussi aux ressources de la fiction.
Or ce questionnement se prolonge dans le cadre de la littérature contemporaine, pour prendre en charge les expériences de souffrance, non seulement dans les domaines de l’autoanalyse et de l’autofiction, mais plus largement dans les récits délégués, montages de paroles, conscription de témoins, témoignages fictionnalisés, récits d’enquêtes. Comment use-t-on (voire abuse-t-on) de son crédit moral pour porter la parole d’autrui ? Quels efforts fait-on pour traduire d’une langue dans une autre, d’un registre dans un autre, et s’approprier, une parole de détresse ou un dommage subi ? De l’écrivain délégataire d’expérience aux témoins et interlocuteurs dont il porte la voix, comment circule la confiance ? Est-elle parfois trahie ?
La crédibilité de ces récits de vie pose donc toutes sortes de problèmes juridiques, politiques, éthiques, qui justifient un questionnement interdisciplinaire à l’occasion de ces journées d’étude, organisées conjointement, dans le cadre du programme IUF d’Emmanuel Bouju sur les paradigmes fiduciaires en littérature contemporaine, par le Centre d’Histoire de Sciences Po (Frédérique Leichter- Flack) et l’équipe comparatiste du CERC à la Sorbonne Nouvelle (Emmanuel Bouju), les 8 et 9 février 2023.

Programme

Mercredi 8 février
Sorbonne Nouvelle, Maison de la recherche, 4 rue des Irlandais, salle Athéna

13h30 : accueil des participants

13h45 : Emmanuel Bouju (CERC, Sorbonne Nouvelle) et Frédérique Leichter-Flack (Sciences Po, CHSP) : introduction au colloque

1. Confiance, vérité et assignation narrative

14h : Tiphaine Samoyault (EHESS, CRAL-CNRS) : La fiction et le droit d’être vrai

14h30 : Loïse Lelevé (Univ. Rennes 2 et CERCEC) : « Feindre de croire aux balivernes » : le récit de soi du faussaire

15h : Alexandre Gefen (Sorbonne-Nouvelle, THALIM-CNRS) : L’assignation narrative dans les récits de soi

2. Crédit, identité et vocalité

16h : Judith Sarfati-Lanter (Sorbonne-Université) : Qui parlera pour le fleuve ? La crédibilité des voix de la nature en droit et en littérature

16h30 : Laurence Perron (UQÀM) : Kai Cheng Thom et la fabulation des fems féroces : de la parole fausse à la parole fictive

17h : Sylvaine Guyot (New York University) : L’autothéâtre, ou le soi sur un plateau : de quelques dispositifs

18h : Auctor in fiducia 1 : « Sortir du cadre » Lecture-discussion avec Olivia Rosenthal (Un singe à sa fenêtre)

19h : Cocktail dînatoire

Jeudi 9 février
Sciences Po, Campus Saint-Thomas, 1 place Saint-Thomas-d’Aquin, Cour Gribeauval, salle K011

9h : accueil des participants

1. Se raconter pour convaincre
9h30 : Smain Laacher (Univ. de Strasbourg) : Croire à l’incroyable. Un sociologue à la Cour nationale du droit d’asile

10h15 : Marie-Caroline Saglio-Yatzimirski (INALCO CESSMA) : Demandeur d’asile : l’impasse narrative

2. Obtenir d’être cru
11h15 : Khalil Khalsi (CELAT-UQAM) : Migrants et odyssée. Du lieu commun au lieu d’autorité

11h45 : Alexane Guerin (Sciences Po, CERI) : Le paradoxe épistémique de la victime idéalement traumatisée : Les victimes de viols ordinaires face aux injustices épistémiques agentielles

12h15 : Frédérique Leichter-Flack (Sciences Po, CHSP) : Que vaut la parole d’un accusé noir ? Le procès de Tom Robinson dans Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur et « l’injustice testimoniale »

13h : Pause déjeuner

3. Gagner confiance
14h30 : Jean-Michel Chaumont (UCLouvain) : Attrition, résipiscence et contrition dans les récits de résistants communistes au sortir de la 2e guerre mondiale

15h : Charlotte Lacoste (Univ. de Lorraine) : « La vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». L’importation du modèle testimonial en littérature et ses enjeux contemporains

15h30 : Frédérik Detue (Univ. Côte d’Azur) : Les témoignages des camps comme ‘images d’Epinal’ ?

4. Faire crédit
16h30 : Aurélie Barjonet (UVSQ) : Confiance, crédibilité et crédit du narrateurdescendant de troisième génération

17h : Olivia Lewi (Sorbonne-Université) : Récits de témoins ordinaires : l’espace et le corps comme garants de la crédibilité

18h : Auctor in fiducia 2 : « Donner asile » Lecture-discussion avec Gwenaelle Aubry (à partir de La Folie Elisa)