Marius Popa, Andreea Bugiac, L’animal en littérature, entre fantaisie et fantastique. Actes du colloque de célébration du quatrième centenaire de la naissance de Jean de La Fontaine (1621-2021)
À lʼoccasion du 400e anniversaire de la naissance de Jean de La Fontaine, on a tenté, à partir de lʼœuvre du fabuliste français, de rouvrir et de renouveler un dossier déjà souvent et longuement traité dans la culture européenne : le bestiaire littéraire, ses modulations imaginaires, de la fantaisie au fantastique, et la portée herméneutique attribuée, au fil du temps et des modulations de la connaissance, à ces acteurs divers et récurrents de la poésie, du conte, du roman, du théâtre et bien sûr de la fable que sont les animaux.
Or, l’époque de La Fontaine semble avoir marqué une évolution décisive du savoir dans ce domaine : c’est alors que « l’histoire des animaux », où dominait depuis l’Antiquité le tissage des discours hérités mêlant imaginaire et réalité, laisse place à la zoologie « scientifique » fondée sur l’observation empirique et l’esprit critique. On connaît le débat entre les cartésiens et leurs adversaires néo-épicuriens sur lʼâme des bêtes, qui doit une bonne partie de son succès au Discours à madame de La Sablière inséré dans le second recueil des Fables. Il reste beaucoup à analyser sur la répercussion dans l’imaginaire littéraire de cette fracture survenue au sein des savoirs et manifestée par une scission entre le discours du savant et celui du poète – expression du changement d’épistémé survenu entre la Renaissance et le XVIIe siècle, si on suit les analyses de Michel Foucault. Ce n’est là, d’ailleurs, qu’un des épisodes de la longue histoire des idées et des images inspirées par le monde animal et par ses relations avec l’homme depuis les temps les plus reculés et jusqu’aux plus récents : cette histoire couvre tout le spectre de l’imaginaire allant de l’enchantement onirique à l’horreur, tout le spectre de la sensibilité allant de l’effusion à la terreur, tout le spectre esthétique allant du comique au monstrueux.
Les études du présent volume parcourent les époques, depuis le Moyen Âge jusqu’à la fiction la plus contemporaine, dans diverses cultures qui sur ce sujet partagent souvent la même vision des choses.
Le volume propose trois axes majeurs de réflexion. Le premier est consacré à La Fontaine peintre animalier. Un autre est consacré à l’animal « hiéroglyphe » en littérature et dans la tradition écrite et orale : on s’intéresse au caractère emblématique attaché à telle ou telle espèce du bestiaire et à l’imaginaire esthétique, affectif, moral… dont témoignent, au fil de l’Histoire, les œuvres où elles apparaissent. Le dernier champ d’étude porte plus spécifiquement sur l’imaginaire onirique et fantastique de l’animalité, autour de rêveries ancestrales réincarnées dans l’imaginaire moderne et contemporain, comme les métamorphoses féeriques ou monstrueuses, les alliances et les conflits entre les espèces et avec l’espèce humaine, etc.
Table des matières
Avant-propos 5
Patrick Dandrey, Pour un bestiaire des Fables de La Fontaine 11
LA FONTAINE : POUR UNE IMAGERIE DE LA FABLE
Olivier Leplatre, L’animal dessin. Figures de l’animalité dans les gravures de François Chauveau pour les Fables de La Fontaine 37
Antoine Biscéré, Aux frontières du réel. La représentation anthropomorphique de l’animal dans les livres de fables illustrés (XVe-XVIIe siècles) 67
Irène Kristeva, « L’homme et son image » de Jean de La Fontaine. Un cas particulier de spectrophobie 103
Livia Titieni, Réécritures lafontainiennes dans la fable roumaine. L’exemple de Grigore Alexandrescu 115
L’ANIMAL « HIÉROGLYPHE » : ENTRE ÉCLECTISME ET MÉTAMORPHOSE, ENTRE MÉTAMORPHOSE ET RÉINVENTION
Louis-Patrick Bergot, Le pelage bigarré. De la panthère et du léopard au Moyen Âge 139
Élodie Ripoll, Métamorphoses d’un maître du langage. Le Renard de La Fontaine à Saint-Exupéry 153
Olivier Guerrier, Les métamorphoses de Gryllus et du Gryllos (XVIe-XVIIIe siècles) 175
Teresa Baquedano Morales, La salamandre, une vie parmi les flammes ...de la littérature 187
L’IMAGINAIRE ONIRIQUE ET FANTASTIQUE DE L’ANIMALITÉ
Ramona Malița, L’artisanat alimentaire tel qu’il apparaît dans Le Roman de Renart 209
Brîndușa-Petronela Ionescu, L’homme et la bête dans l’univers fantastique de Corinna Bille 225
Nadège Langbour, La parole animale dans les fictions écologiques contemporaines de littérature de jeunesse. L’avènement « du temps où les bêtes parlaient » 243
Marion Crackower, Animaux ordinaires, fantastiques, extraordinaires et inattendus. Comment les animaux participent-ils à la construction du merveilleux dans les romans de Chrétien de Troyes ? 261
Astrid Fizyczak, Les animaux chez Elizabeth Bishop, du réalisme politique à l’onirisme 277
Marie Pascal, Du totem à la bête humaine – Ourse Bleue (2007) de Virginia Pésémapéo Bordeleau et Anima (2009) de Wajdi Mouawad 29