Édition
Nouvelle parution
S. Place, Les fréquentations de Maurice (1911) suivi de Tableaux de Londres 1912 (prés. J. Dupont)

S. Place, Les fréquentations de Maurice (1911) suivi de Tableaux de Londres 1912 (prés. J. Dupont)

Publié le par Université de Lausanne

Ce roman, publié en 1911, a d’abord paru en 1909 dans Akademos, la première revue homosexuelle française. Derrière le pseudonyme Sidney Place se cachait Xavier-Marcel Boulestin (1877-1943), un ancien collaborateur de Willy et un ami de Colette, qui s’était installé à Londres depuis trois ans, et qui envoyait à cette même revue, mais sous son vrai nom, une série de « chroniques anglaises », devenant ainsi une sorte de « passeur » franco-britannique. 

Pourquoi lire ce roman aujourd’hui ? D’abord pour son intérêt « documentaire », le romancier se voulant « historien » des « mœurs » du temps, de cette brillante époque édouardienne qui allait se fracasser sur la Première Guerre. Les « fréquentations », bonnes ou mauvaises, de l’amoral Maurice Verdal nous font ainsi découvrir une pittoresque subculture homo­sexuelle des « beaux quartiers » londoniens, et en particulier de Mayfair ou de Piccadilly : lieux de rencontre variés, innombrables théâtres du gossip. Le personnage de Reggie, choisi pour la couverture du livre, émerge notablement de ce small world, par le mélange de frivolité babillarde et d’énergie inventive avec lequel il s’y maintient en scène mondainement, et à flot financièrement (fût-ce par des moyens que la morale réprouve).

Mais ce roman vaut aussi, plus généralement, pour sa peinture de ce Londres désormais disparu, celui du fog et de l’aristocratique Season, sorte de Gilded Age où s’invente un West End du loisir, et de la consommation luxueuse et ostentatoire : boutiques, hôtels, restaurants, théâtres, music-halls – sans oublier d’occasionnelles incursions dans des lieux suspects ou moins reluisants comme Soho ou l’East End. Cette peinture, Boulestin la reprendra dans Tableaux de Londres reproduits ici d’après l’édition tout autant rarissime de 1912.

 Jacques Dupont a été professeur de Littérature française à l’Université de Versailles-Saint-Quentin. Il a publié divers travaux sur l’œuvre de Colette (dont Le Paris de Colette, éd. Alexandrines, 2017, et le récent Dictionnaire Colette, dirigé en collaboration avec Guy Ducrey, Classiques Garnier, 2018).