Si la réflexion sur la nature apparaît en Europe au XVIIIe siècle, la conscience de la précarité de la nature et surtout la conscience de l’impact néfaste des industries humaines sur la planète est plus récente. Or, le caractère global des altérations et des risques écologiques, la circulation des pollutions et des contaminations, la répartition inégale des "ressources" engagent nécessairement des regards croisés sinon transversaux. Si l’écopoétique est "l’étude de la littérature dans ses rapports avec l’environnement naturel", la dernière livraison de la revue électronique de littératures française et francophone Relief part de cette définition liminaire pour envisager quelques problématiques complexes, dans une perspective transculturelle : comment les littératures françaises et francophones permettent-elles de traduire l’expérience d’un monde sensible menacé ? Quelles stratégies d’écriture permettent-elles de repenser les relations entre humains et non-humains ? Comment les littératures peuvent-elles contribuer à la prise de conscience des injustices environnementales ? Pour quelle poétique des lieux en souffrance écologique ? L’enjeu est de s’interroger sur les représentations littéraires de l’environnement, c’est-à-dire sur le discours que tient l’homme dans ses productions littéraires au sujet de la nature qui l’entoure et des relations qu’il entretient avec elle. À une époque qui voit les textes tournés vers les enjeux environnementaux se multiplier une double exigence s’impose : explorer la littérature en train de se faire, mais aussi revenir à des textes plus anciens pour les examiner à la lumière de notre sensibilité écologique contemporaine. La nouvelle livraison de Relief (vol. 16, n°1), sous la direction scientifique d’Aude Jeannerod, Pierre Schoentjes et Olivier Sécardin présente une quinzaine d’articles dont les contributions de Michel Collot, Yvon le Scanff, Aaron Prevots, May Chehab, ZoneZadir, Sara Buekens, Jean-Louis Cornille et Emily Apter. La revue a également le plaisir d’accueillir un entretien d’Aude Jeannerod avec Patrick Matagne ainsi que deux comptes-rendus : le premier de Sébastian Thiltges au sujet du livre d’Andréas Pfersmann, La Littérature irradiée. Les essais nucléaires en Polynésie française au prisme de l’écriture ; le second de Céline Zaepffel quant au livre d’Else Jongeneel, L’Illustration en majesté. L’édition Curmer de Paul et Virginie et La Chaumière indienne.
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Pierre Schoentjes fait paraître dans le même temps avec Riccardo Barontini et Sara Buekens le volume L'horizon écologique des fictions contemporaines (Droz) : la littérature immédiatement contemporaine évolue en effet pour une part non négligeable en raison de la prise de conscience écologique, laquelle implique de repenser les contenus et les formes. Ce volume collectif étudie l’impact de cette nouvelle sensibilité sur l’imagination littéraire, en questionnant les nouveaux liens que celle-ci instaure, dans nos représentations individuelles et collectives, avec la nature et l’environnement.
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Couverture : Photographie de Hans Silvester, prise dans les années 60, à Nara.