Parce qu’elle est illimitée, impalpable, insignifiante, l’aube est, sans doute, la meilleure métaphore du réel. Cette « fabrique de l’aube » n’est donc pas une œuvre au sens traditionnel du terme. Comme son objet même, elle est un processus, un mouvement d’expansion qui n’a pour limites que le terme provisoire de ces pages, mais qui se poursuit inlassablement à travers tous les autres livres de Gómez de la Serna.
Tout un hiver, celui de 1912, je l’ai passé à Paris. J’habitais boulevard Saint-Michel, à l’Hôtel de Suez. Je travaillais la nuit, comme maintenant. Quand je sentais que l’aube approchait, j’éteignais ma lampe à pétrole. Malgré le froid, j’ouvrais ma fenêtre et je guettais l’aube avec la patience d’un poète et la fièvre d’un amoureux. Cet éveil de la nature, cette naissance du monde, durait une seconde… C’est avec beaucoup de secondes que j’ai fait mon livre L'Aube...
Inventeur de la greguería, genre littéraire à la frontière de la satire et de l’absurde né d’un choc entre la réalité et la pensée, Ramón Gómez de la Serna (1888-1963) est l’auteur d’une œuvre féconde. Outre son autobiographie, Automoribundia, citons Ciné-ville, L’Homme perdu, Lettres aux hirondelles et à moi-même et La Femme d’ambre.