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Le minimalisme nordique (architecture, arts, design et littérature (revue Nordiques, n° 44, 2022)

Le minimalisme nordique (architecture, arts, design et littérature (revue Nordiques, n° 44, 2022)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Aymeric Pantet)

English version below

Aussi bien dans le design que dans les arts, l’architecture ou dans la mode, la corrélation entre esthétique minimaliste et contexte nordique apparait souvent comme évidente, sinon de l’ordre du lieu commun. Ainsi, la sobriété des espaces urbains, le style épuré de la décoration d’intérieure, l’importance des teintes froides et unies, l’homogénéité des tracés, ou encore le rythme plus lent des productions audiovisuelles, etc., paraissent comme symptomatiques de l’Europe du Nord et de topos de l’espace nordique, tels que de vastes étendues naturelles, de longs hivers rudes et sombres, des étés brefs, des espaces peu habités et des gens taciturnes, etc. En somme, il transparait ici un cliché affirmant que l’esthétique minimaliste se justifie par les conditions de vie dans l’espace nordique.

Comme le remarque justement Ursula Lindqvist au sujet du Nordic Slow Cinema, « les couleurs sourdes, la lumière tempérée et la géométrie équilibrée des images des films évoquent également une tradition nordique distincte en matière de peinture, d’architecture et de design, qui est reconnaissable pour quiconque a passé du temps dans la région nordique. »[1] Or, ce qui est ici donné comme une évidence ne permet pourtant pas de poser une définition précise du minimalisme nordique, ce qui invite de ce fait à l’analyse contextualisante et à l’explicitation de potentielles corrélations avec des conditions socioculturelles, géographiques et imaginaires nordiques.

Toutefois, la notion de minimalisme est complexe, car elle varie selon les arts, les époques et les cultures. Au-delà de nombreuses variations et « [dans] sa définition la plus simple, le minimalisme est un style caractérisé par une sévérité des moyens, une clarté de la forme, et une simplicité de la structure et de la texture. »[2] Toutefois, il importe de considérer que l’art minimaliste trouve autant de formes différentes qu’il a d’origines diverses. Ainsi, la paternité du minimalisme en musique est attribuée à Erik Satie et ses Vexations (1893) ; celle en architecture serait du Bauhaus de Weimar ; celle de la peinture oscille entre Alphonse Allais, le constructivisme soviétique, Kazimir Malevitch et Ad Reinhardt ; celle du cinéma pourrait être fondée sur la trinité Yasujiro Ozu, Robert Bresson et Carl Theodor Dreyer proposée par Paul Schrader[3] ; etc. Dans les années 1960, le minimalisme se fixe en tant que mouvement artistique (surtout en peinture, sculpture, musique et architecture), qui — en reprenant le principe de l’architecte Ludwig Mies Van der Rohe : « le moins peut le plus » — affirme la recherche de l’expérience réflexive du spectateur par un moment de suspension et un dépouillement formel. Aujourd’hui, ce principe continue d’exister selon des modalités multiples, telles que, par exemple, le Slow cinema, la techno minimale ou le néo-minimalisme. Ce rapide tour d’horizon fait ainsi transparaitre que le minimalisme se développe internationalement à la suite du modernisme et s’attache à faire advenir une posture réflexive chez le spectateur en ne gardant que l’essentiel évocateur. En somme, cette esthétique peut être définie comme un dépouillement maximum porteuse un principe stylistique qui a pour but de figurer une fonction. 

Dans le contexte nordique, il s’agit d’étudier si et comment cette proposition se module et se contextualise. Dépassant la définition stricte du courant américain de l’art minimaliste, ce dossier cherche à ébaucher les contours, aussi hétérogènes soient-ils, d’une conception transmédiale du minimalisme nordique. Il s’attache à en explorer les différentes conceptions, ses origines et ses fonctions. En cela, la question de la fonction identitaire du minimalisme — découlant de l’ensemble plus large du modernisme et s’axant sur une autoreflexivité et une contemplation (théorisé entre autres par les modalités de l’image-temps deleuzienne, notamment l’image-cristal[4]) — est à aborder selon les modalités propres à l’espace nordique. L’objectif est avant tout de dégager les traits saillants d’un minimalisme rapidement identifiable comme nordique alors même que ce principe esthétique se retrouve internationalement dans plusieurs arts et en littérature. Les auteurs sont ainsi invités à réfléchir les spécificités, les dispositifs formels et idéologiques, ainsi que le contexte socioculturel dans lesquels la notion de minimalisme nordique est cristallisée. De même, la question du minimalisme en particulier tel qu’il se module aujourd’hui, invite à la comparaison transmédiatique et transnationale. Enfin, ce dossier tient à considérer aussi bien des hypothèses d’origines de cette esthétique que les formes qu’elle prend dans les arts nordiques actuels.

Les pistes potentielles peuvent être, par exemple (la liste ci-dessous n’est pas exhaustive) :

·      Les productions artistiques contemporaines, telles que celles de Paul Fägerskiöld, Ólafur Arnalds, Juhani Pallasmaa, Ulla Perdersen, Jon Fosse, ou Ruben Östlund.

·      Les traditions « classiques » du minimalisme nordique (Carl Theodor Dreyer, Knud Holscher, Ingmar Bergman, Arvo Pärt, Alvar Aalto, Vilhelm Hammershøj, Hilma af Klint, etc.)

·      Les liens entre esthétique et enjeux socioculturels (tradition protestante ou État-providence)

·      Le minimalisme et la sensibilité écologique (se retrouvant aussi bien dans les tendances des restaurants à zéro déchet ou des productions audiovisuelles durables[5] que dans les sculptures de Jaakko Pernu et l’engagement d’artistes sames pour la protection de Sápmi)

·      Les comparaisons internationales, par exemple entre Slow cinema hongrois et nordique, entre design et architecture japonaises et nordiques, entre musiques répétitives savantes ou électroniques

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Date limite pour les propositions d’article (200 mots environ) : le 30 juin 2022. 

À envoyer aux adresses aymeric.pantet[a]sorbonne-universite.fr et harri.veivo[a]unicaen.fr

Information sur l’acceptation de la proposition : 31 août 2022.

Première version de l’article (max. 40 000 signes) : le 30 novembre 2022.

Les manuscrits seront soumis à une évaluation en double aveugle.

Pour les consignes de style, voir https://journals.openedition.org/nordiques/343


 
[1] Ursula Lindqvist , « 25 : The Art of Not Telling Stories in Nordic Fiction Films » in A Companion to Nordic Cinema, Mette Hjort et Ursula Lindqvist (dir.), Chichester, West Sussex ; Malden, MA, John Wiley & Sons, 2016, p. 559.
[2] Edward Strickland, Minimalism: Origins, Bloomington, Indiana University Press, 2000, p.4.
[3] Paul Schrader, Transcendental Style In Film, New York, Da Capo Press, 1972.
[4] Gilles Deleuze, Cinéma 2, L’image-temps, Paris, Éditions de minuit, 1985, p. 50-61 ; 92‑105.
[5] Ekosetti, https://ekosetti.fi/,  consulté le 16 avril 2021.

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In design, art, architecture and fashion, the correlation between minimalist aesthetics and the Nordic context is often obvious, if not commonplace. Thus, the sobriety of urban spaces, the purified style of interior decoration, the importance of cold and plain colours, the homogeneity of the layout, or the slower rhythm of audiovisual productions seem to be symptomatic of Northern Europe and of the topos of Nordic space, such as vast natural expanses, long, harsh, dark winters, short summers, sparsely inhabited spaces and taciturn people, etc. In short, here appears a cliché that wants the minimalist aesthetic to be justified by the conditions of life in the Nordic space. As Ursula Lindqvist rightly notes about Nordic Slow Cinema, “the muted colors, tempered light, and balanced geometry of the films’ images also evoke a distinctly Nordic tradition in painting, architecture, and design, one that is recognizable to anyone who has spent time in the Nordic region.”[1] The apparently self-evident nature of this justification does not, however, allow for a precise definition of Nordic Minimalism, which thus demands a contextual analysis and the clarification of potential correlations with Nordic socio-cultural, geographical and imaginary conditions. 

At the same time, the notion of minimalism is complex, as it varies across art, time and culture. Notwithstanding its many variations and « [i]n its simplest definition, Minimalism is a style distinguished by severity of means, clarity of form, and simplicity of structure and texture. »[2] However, it is important to consider that minimalist art has as many different forms as it has diverse origins. Thus, the authorship of minimalism in music is attributed to Erik Satie and his Vexations (1893); in architecture, it is said to be from the Weimar Bauhaus; in painting, it oscillates between Alphonse Allais, Soviet constructivism, Kazimir Malevich and Ad Reinhardt; in cinema, it could be based on the trinity of Yasujiro Ozu, Robert Bresson and Carl Theodor Dreyer proposed by Paul Schrader[3]3; etc. In the 1960s, Minimalism established itself as an artistic movement (especially in painting, sculpture, music and architecture), which - adopting the principle of architect Ludwig Mies Van der Rohe: "less is more" - asserts the search for the viewer's reflective and reflexive experience through a moment of suspension and formal simplicity. Today, this principle continues to exist in multiple modalities, such as, for example, Slow cinema, minimal techno or neo-minimalism. This quick overview shows that minimalism developed internationally following modernism and is concerned with bringing about a reflective and reflexive posture in the viewer by keeping only the essential evocative elements. In short, this aesthetic can be defined as maximum simplicity, carrying a stylistic principle that aims to represent a function. 

In the Nordic context, the aim is to study whether and how this proposal is modulated and contextualised. Going beyond the strict definition of the American minimalist art movement, this dossier seeks to outline the contours, however heterogeneous, of a transmedial conception of Nordic minimalism. It seeks to explore its different conceptions, its origins and its functions. In this respect, the question of the identity function of Minimalism - which stems from the broader field of modernism and is based on self-reflexivity and contemplation (theorized by, among others, the modalities of the Deleuzian time-image, in particular the crystal- image[4]) - is to be approached according to the modalities specific to the Nordic space. The aim is first and foremost to identify the salient features of a minimalism that is quickly identifiable as Nordic, even though this aesthetic principle can be found internationally in several arts and in literature. Authors are thus invited to reflect on the specificities and formal and ideological devices, as well as the socio-cultural context in which the notion of Nordic minimalism is crystallized. Similarly, the question of minimalism in particular as it is modulated today invites trans-media and trans-national comparison. Finally, this dossier will consider both hypotheses of the origins of this aesthetic and the forms it takes in the Nordic arts today. 

Potential proposition could be, for example (the list below is not exhaustive) : 

Contemporary art productions, such as those by Paul Fägerskiöld, Ólafur Arnalds, Juhani Pallasmaa, Ulla Perdersen, Jon Fosse, or Ruben Östlund. 
The 'classic' traditions of Nordic minimalism (Carl Theodor Dreyer, Knud Holscher, Ingmar Bergman, Arvo Pärt, Alvar Aalto, Vilhelm Hammershøj, Hilma af Klint, etc.) 
The links between aesthetics and socio-cultural issues (Protestant tradition or welfare state)
·       Minimalism and ecological sensitivity (ranging from trends in zero waste restaurants and sustainable audiovisual productions[5] to Jaakko Pernu's sculptures and Sami artists' commitment to the protection of Sápmi) 

·       International comparisons, for example between Hungarian and Nordic slow cinema, between Japanese and Nordic design and architecture, between repetitive art and electronic music 

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Deadline for paper proposals (200 words approx.): June 30th 2022. 

To be sent to aymeric.pantet[a]sorbonne-universite.fr and harri.veivo[a]unicaen.fr

Information on the acceptance of the proposal: August 31st 2022.

First draft of the article (max. 40,000 characters): November 30th 2022.

Manuscripts will be submitted for double-blind review.

For style guidelines, see https://journals.openedition.org/nordiques/343 


 
[1] Ursula Lindqvist, « 25 : The Art of Not Telling Stories in Nordic Fiction Films » in A Companion to Nordic Cinema, Mette Hjort et Ursula Lindqvist (éd.), Chichester, West Sussex ; Malden, MA, John Wiley & Sons, 2016, p. 559.
[2] Edward Strickland, Minimalism: Origins, Bloomington, Indiana University Press, 2000, p.4.
[3] Paul Schrader, Transcendental Style In Film, New York, Da Capo Press, 1972.
[4] Gilles Deleuze, Cinéma 2, L’image-temps, Paris, Éditions de minuit, 1985, p. 50-61 ; 92‐105.
[5] Ekosetti, https://ekosetti.fi/,  consulté le 16 avril 2021.