EXIL ET MIGRATION AU FÉMININ DEPUIS ET VERS L’ESPAGNE, XXe-XXIe siècles
Colloque – Université de Lorraine – Campus Lettres et Sciences Humaines, Nancy
9-10 Février 2023
Les médias et les politiques de tendance conservatrice clament que les migrants « déferlant » actuellement sur l’Europe sont très majoritairement des hommes, qui arrivent seuls. Ces affirmations, erronées, connaissent cependant un large écho, à tel point qu’en juin 2018, la Croix Rouge Espagnole décida de publier un démenti concernant les 629 rescapés d’un naufrage recueillis à bord du navire L’Aquarius, afin de témoigner que l’embarcation ne contenait pas que des hommes mais également des femmes, pour certaines enceintes, et des jeunes filles. Le Haut Commissariat aux Réfugiés indiquait alors que les femmes représentaient 51% des flux migratoires de la planète[1] et, selon le rapport établi en avril 2021 par l’Observatoire Espagnol de l’Immigration, dépendant du Ministère de l’Inclusion, si 48% des migrants en Espagne sont des femmes, ce pourcentage peut atteindre 56% pour les vénézuéliennes, 57% pour les ukrainiennes, 61% pour les russes et même 70% pour les paraguayennes[2].
L’histoire de l’Espagne est une histoire de migrations : du XVe siècle aux années 2000, il s’est surtout agi d’émigration ; vers les colonies, vers l’Afrique du Nord, puis vers les autres pays d’Europe tels que la France, la Belgique ou encore l’Allemagne. Inversement, depuis les années 1990, avec une forte accélération au début du XXIe siècle, à la faveur de sa prospérité économique et pour pallier un taux de natalité catastrophique, l’Espagne est devenue un pays d’accueil pour les populations étrangères. L’Observatoire de l’Immigration comptabilisait ainsi 5,8 millions de résidents étrangers en Espagne en avril 2021, pour une population totale de 47,3 millions d’habitants[3].
Quelle a été, et quelle est actuellement la place des femmes dans ces mouvements migratoires, parfois choisis et de durée très variable, et dans le phénomène de l’exil, défini comme une migration internationale effectuée sous la contrainte[4] ? « Les catégorisations raciales, les identités de classe et les statuts conférés par les Etats d’accueil pèsent sur les parcours et les expériences des individus », écrit Philippe Rygiel[5]. L’exil et l’émigration prennent donc des formes diverses selon le genre, car les possibilités d’emploi, le respect des droits et les perspectives d’avenir ne sont pas les mêmes partout pour les hommes et pour les femmes.
L’étude de l’exil et des migrations au féminin fera l’objet d’un colloque de deux jours, les 9 et 10 février 2023. S’il existe des travaux combinant les concepts d’exil et de migration, ce colloque franchit une étape qualitative par son regard interdisciplinaire et par la mise en perspective de l'évolution historique des deux phénomènes, en parallèle avec l'évolution d'un monde plus globalisé et marqué par des tensions géopolitiques. L'émigration et l'exil au début du XXe siècle n'ont pas les mêmes caractéristiques symboliques ni les mêmes motivations qu'au XXIe siècle. La complexité des relations internationales détermine les mouvements migratoires et l’exil, qui sont devenus une monnaie d'échange et de pression entre les gouvernements, prenant une place prééminente dans les enjeux géopolitiques.
Le colloque s’articulera selon deux axes : le premier sera consacré au phénomène envisagé selon les sciences humaines et sociales (histoire, sociologie, politique, géographie…) ; le deuxième s’intéressera au traitement et aux représentations de l’exil et des migrations au féminin dans la littérature et les domaines artistiques tels que la peinture, la danse, la bande dessinée, le théâtre, etc. Les œuvres choisies pourront émaner de migrantes elles-mêmes, dont les travaux auront forcément été influencés par leur expérience de vie, mais elles pourront également être des productions d’hommes et de femmes n’ayant pas connu la migration ou l’exil.
Le colloque fera l’objet d’une publication.
La langue de communication et de publication sera le français.
Les propositions de communication sont à envoyer conjointement aux adresses suivantes : maria-elisa.alonso-garcia@univ-lorraine.fr ; emilie.delafosse@univ-lorraine.fr ; laurence.denooz@univ-lorraine.fr ; christelle.di-cesare@univ-lorraine.fr pour le 3 avril 2022, avec un résumé et une courte notice bio-bibliographique.
Bibliographie :
- Almela Boix, Margarita (coord.), Mujeres en la frontera, Madrid, UNED, 2013.
- Boned Cólera Ana : « Creativas en el exilio mexicano. Apuntes biográficos y artísticos de Elvira Gascón, Remedios Varo y Manuela Ballester », Creatividad y sociedad, 15, 2010.
- Dubert Isidro & Gourdon Vincent (dir.) : Inmigracion, trabajo y servicio doméstico en la Europa urbana, siglos xvii-xx, Madrid, Casa de Velázquez, 2017.
- Fares Nabile : L’exil au féminin, Paris, L’Harmattan, 1986.
- Gaitán Salinas Carmen : Las artistas del exilio republicano español. El refugio latinoamericano, Madrid, Cátedra, 2019.
- Graneri Mario & Juan Morente : Je m’appelle Juana Morente : récit, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 2008.
- Maugendre Maëlle : Les réfugiées espagnoles en France (1939-1942) : des femmes entre assujettissement et résistance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2019.
- Pereira Victor & Ceamanos Llorens Roberto (dir.) : Migrations et exils entre l'Espagne et la France, regards depuis l'Aquitaine et l'Aragon, Pau, CAIRN, 2015.
- Poinsot Marie : « Femmes engagées », Hommes et Migrations, n°1331, octobre-décembre 2020.
- Schmoll Camille : Les damnées de la mer. Femmes et frontières en Méditerranée, Paris, La Découverte, 2020.
Sitographie :
- « Migrantes en Méditerranée, la déchirure de l’exil » (avril 2021) : https://www.franceculture.fr/conferences/bibliotheque-publique-dinformation/migrantes-en-mediterranee-la-dechirure-de-lexil
- « Mujeres que no bajan los brazos » (septembre 2018) : https://www.rtve.es/noticias/20180903/mujeres-no-bajan-brazos-historias-desde-mediterraneo/1789420.shtml
[1] https://information.tv5monde.com/terriennes/femmes-et-migrations-raisons-et-routes-de-l-exil-57956
[2] https://extranjeros.inclusion.gob.es/ficheros/estadisticas/operaciones/con-certificado/202012/Principales_resultados_residentes.pdf
[3] https://www.lamoncloa.gob.es/serviciosdeprensa/notasprensa/inclusion/Paginas/2021/130421-extranjeros.aspx
[4] Delphine Diaz, « Femmes, genre et exil en Europe à l’époque contemporaine », Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe, juin 2020 ; https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/genre-et-europe/genre-et-circulations-en-europe/femmes-genre-et-exil-en-europe-%C3%A0-l%E2%80%99%C3%A9poque-contemporaine
[5] « Du genre de l’exil », Le Mouvement Social, 2008/4 (n°225), pp. 368 ; https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2008-4-page-3.htm
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Publié le par Marc Escola (Source : Christelle Schreiber-Di Cesare)