Resté inconnu à ce jour, Le Temps perdu est le roman que Proust a voulu publier en 1912-1913. Refusé par plusieurs éditeurs, dont Gallimard, il est imprimé par Grasset, à compte d’auteur. De cette version originelle, Proust a tiré Du côté de chez Swann et À l’ombre des jeunes filles en fleurs.
Seul inédit de Proust qui ne soit pas un montage artificiel de manuscrits d’époques différentes, il constitue un texte romanesque abouti, continu et cohérent, mûrement élaboré par l’auteur.
Contraint de couper ce volume initial, Proust écarte de nombreux passages ici restitués et connus jusque-là des seuls spécialistes. Les noms de lieux et de personnages diffèrent : Balbec n’est encore que Bricquebec, Charlus s’appelle Fleurus et Norpois, Montfort. Odette n’a pas de passé niçois, Swann connaît moins la jalousie. Le séjour à la mer est plus court, et les jeunes filles en sont absentes, ce qui donne au héros une personnalité plus homogène.
Dans sa présentation, Jean-Marc Quaranta précise les enjeux littéraires du Temps perdu. Cette édition met aussi en lumière le travail de Proust en distinguant la part inédite de celle qu’il a conservée. Elle indique en notes les évolutions de l’œuvre les plus significatives. Enfin, un dossier présente divers documents qui éclairent le projet originel du romancier, ainsi que les circonstances du refus de son manuscrit, les démarches qu’il entreprit pour le faire publier et le travail de refonte auquel il dut procéder, véritable cours de création littéraire.