Longtemps, Gustave Flaubert a rêvé d’être un phoque se prélassant au soleil de la banquise. En même temps, il s’identifiait à un phoque savant rencontré à Rennes dans une baraque foraine, en juillet 1847, au terme de son voyage en Bretagne. Comme deux frères, l’écrivain et le pinnipède partageaient la même nostalgie d’une vie sauvage antérieure ; tous deux souffraient que la société les réduise au rôle de pitre.
J’ai enquêté sur le phoque de Rennes dont la figure empêtrée clôt magnifiquement le récit Par les champs et par les grèves. J’ai retrouvé son identité, son itinéraire, son propriétaire, ses prouesses. Découvert la « phocomanie » qui s’était emparée des Français à la fin de la monarchie de Juillet. Réexaminé le récit du voyage breton de Flaubert à la lumière de l’animalité, de l’amour des bêtes et du désir saltimbanque.
Gustave, dont on célèbre aujourd’hui le bicentenaire, clamait son « envie de devenir phoque ». Il finit par ressembler à cet animal ambigu. Semblable à cette créature qui devint au milieu du XIXe siècle un objet de ferveur populaire et d’étude scientifique. Ainsi qu’une figure littéraire chère à Eugène Sue, Nerval, Vallès et Michelet, avant de disparaître à la fin du Second Empire. Quant à Flaubert, il voulut à la fin de sa vie écrire une histoire appelée Le phoque par amour mais ce ne fut qu’un rêve. Ne restera que le phoque de Rennes.
Essai
Nouvelle parution
Publié le par Vincent Ferré